La conférence internationale sur le développement durable Rio+20 a été pour beaucoup un succès, pour d’autres une déception.
Le Saint-Siège l’a accueillie comme une occasion pour promouvoir le bien commun, pour défendre la personne et la famille, favoriser son développement intégral dans un contexte ouvert à trouver un nouvel équilibre entre l’humanité et l’environnement.
Pour savoir ce qui s’est passé à Rio+20, comprendre ce qui a été dit durant les discussions et connaître les résultats, ZENIT recueilli cette analyse de Mgr Francis Assisi Chullikat, nonce apostolique et observateur permanent près l’organisation des Nations-Unies à New York.
Mgr Francis Assisi Chullikatt est entré dans la diplomatie du Saint-Siège le 15 juillet 1988, occupant des postes de représentations au Honduras, en Afrique du Sud et aux Philippines, auprès des Nations Unies à New York et enfin au bureau de la Secrétairerie d’Etat chargé des relations avec les Etats.
Le 29 avril 2006, il a été nommé archevêque titulaire d’Ostra et nonce apostolique pour le Saint-Siège en Jordanie et en Irak. Depuis le 17 juillet 2010, il est Observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU à New York.
Zenit – Excellence, que pouvez-vous nous dire sur Rio+20?
Mgr Chullikatt – Rio+20 est l’abréviation que l’on utilise pour désigner la Conférence des Nations Unies sur le développement durable qui a eu lieu à Rio de Janeiro au Brésil, du 20 au 22 juin, soit 20 ans après celle des Nations Unies sur l’environnement et le développement (UNCED), (Rio de Janeiro 1992) connue comme « Sommet de la Terre ».
Le but de Rio+20 a été de favoriser et promouvoir un développement durable aux niveaux social, économique et environnemental, pour notre planète et pour les générations présentes et futures.
Comment était organisée Rio+20?
Elle était organisée à l’intérieur du système des Nations Unies, conformément aux résolutions de l’assemblée générale 64/236 e 66/197, et sous forme de conférence internationale pour que les dirigeants de divers pays et des milliers d’autres participants se consultent et trouvent le moyen de diminuer la pauvreté, pour progresser en termes d’égalité sociale et garantir la protection de l’environnement.
Parmi les participants à la conférence, il y avait des chefs d’Etat et de gouvernement, l’Union Européenne, l’Union africaine, le Groupe des pays latino-américains, des représentants du secteur privé et d‘organisations non gouvernementales (ONG), ainsi qu’un grand nombre d’ONG catholiques, engagées dans la société civile, du Brésil ou ailleurs, qui ont soutenu le Saint-Siège dans son travail avec les communautés locales et les personnes vulnérables.
Avant que la conférence ne commence, il y a eu trois rencontres préparatoires et une série de rencontres informelles durant lesquelles nous avons discuté et convenu du document final (A/CONF.216/L.1, datée 19 juin 2012).
Quels étaient les thèmes de vos discussions et comment se structure le document final ?
Le document final a été adopté officiellement à la conférence Rio+20, vendredi soir, 22 juin 2012. C’est un document qui n’a pas valeur d’obligation intitulé : « L’avenir que nous voulons ». Un document de 49 pages, divisé en 283 points et six parties.
La première partie a pour titre : « Notre vision commune » ; la deuxième : « Renouveler l’engagement politique » ; la troisième : « L’économie verte dans le contexte du développement durable et de l’élimination de la pauvreté »; la quatrième : « Dispositif institutionnel du développement durable »; la cinquième: « Cadre d’action et suivi »; la sixième: « Moyens de mise en œuvre ».
Il est clair que Rio+20 a mis l’accent sur ces questions mais sur d’autres priorités aussi comme la mise en place de lieux de travail dignes, la production d’énergie, l’amélioration des zones urbaines pour en faire des cités écodurables, la sécurité alimentaire, des modèles d’agriculture durable, une meilleure utilisation de l’eau, la protection des océans et la capacité à répondre immédiatement aux catastrophes.
Quelle a été la position du Saint-Siège sur ces questions?
Le Saint-Siège a expliqué et souligné ses points clefs dans deux documents (« Position paper ») pour la conférence Rio+20. Ces derniers ont été présentés à la première et troisième réunion du Comité préparatoire.
Les textes originaux sont accessibles à la page : http://www.holyseemission.org/statements/statement.aspx?id=385 e http://www.holyseemission.org/statements/statement.aspx?id=383.
Le Saint-Siège a donné son point de vue sur le développement durable au cours d’un événement organisé en marge de la conférence et durant son intervention officielle à l’assemblée plénière de la conférence elle-même.
Les deux interventions sont accessibles aux liens :
http://www.holyseemission.org/pdf/Remarks% 20di%20Cardinal% 20Scherer.pdf e http://www.holyseemission.org/statements/statement.aspx?id=385.
Quels thèmes importants le Saint-Siège a-t-il soulevés »
Le premier point a été de rappeler « le caractère central des êtres humains pour un développement durable ». Le Saint-Siège a mis l’accent sur les nombreuses menaces qui pèsent sur la famille humaine et sur sa maison, la terre. Il a souligné que la personne humaine est au centre de la création et donc au centre d’un développement durable, rappelant de cette manière, le tout premier principe de la Déclaration de Rio (1992) sur l’environnement et le développement.
Il a notamment expliqué que les droits à l’eau potable, aux services d’hygiène, à la nourriture, à l’assistance sanitaire de base et à l’instruction sont des droits intrinsèquement liés au droit à la vie, à la survie et au développement. Ceux-ci sont au service de la personne humaine et de la famille.
Le deuxième point a été de faire comprendre qu’il faut une révision profonde et clairvoyante du développement. De ce point de vue là, les principes fondamentaux devant figurer dans les politiques du développement durable sont celles-ci : la responsabilité, la promotion et le partage des biens communs, l’accès aux premières nécessités, la solidarité universelle, la capacité à reconnaître l’unité de la famille humaine, la protection de la création étroitement liée à l’égalité et à la solidarité internationale, la destination universelle des biens comme fruits du travail des hommes et, enfin la subsidiarité qui permet aux autorités publiques, du niveau local aux plus hautes institutions, d’agir efficacement, de valoriser chaque personne et de chaque famille. Enfin, la protection des biens et la promotion du bien commun.
Quand ces principes seront appliqués au niveau mondial, concernant notamment le transfert des technologies vers les pays en voie de développement, ou favorisant un système financier plus juste et une augmentation des aides pour le développement, alors elles auront contribué à la promotion de cette dignité humaine intrinsèque, au développement intégral de la personne, de la famille, au bien commun, à la solidarité et à la sauvegarde de l’environnement comme centre des activités économiques.
Le troisième point fait référence au besoin d’un modèle de développement intégralement humain, soumis à des conditions éthiques et morales. La crise économique et financière doit tenir compte aussi de la crise morale et culturelle, doit l’analyser. Certes, passer d’un modèle de développement purement technologique à un modèle intégralement humain, qui parte de l’intrinsèque dignité et valeur de la personne humaine et de sa dimension sociale fondamentale, la famille, est un défi complexe. A la fin, ce sont les personnes qui sont chargées de gérer la nature, mais comme toutes les choses humaines, cette gestion a besoin d’une dimension éthique.
Le quatrième point concerne l’économie verte, la dignité humaine, le développement intégral et la famille. La Conférence des Nations Unies a proposé l’« économie verte » comme point d’intersection entre environnement et développement. Un bon nombre de pays en voie de développement (Psv), surtout d’Afrique, s’est dit sceptique face à ces politiques économiques présentées comme « vertes et amies de l’environnement », posant le problème de la difficulté des Pvs à accéder aux technologies plus respectueuses de l’environnement et aux sources d’énergie.
Ainsi les Pvs ont demandé à ce que l’« économie verte » s’accompagne d’un meilleur soutien, plus coordonné, de la part des pays développés. Ils demandent à pouvoir renforcer leur capacité constructive, réclament un meilleur transfert des technologies, des financements et des supports techniques, la fin de l’écart technologique qui sépare les pays avancés des pays en voie de développement.
Selon le Saint-Siège, pour avoir du succès, l’économie verte doit être encouragée, soutenue, e appliquée de manière inclusive, en l’axant clairement sur la promotion du bien commun et l’élimination de al pauvreté au niveau local. Deux objectifs qui sont essentiels pour arriver à un développement durable. Autrement dit, nous avons besoin d’une alliance entre l’environnement et le développement dont chaque personne humaine pourrait bénéficier.
Donc, pour mettre l’« économie verte » dans sa juste prospective, le Saint-Siège a souligné qu’elle devait être ancrée à ces principes qui sont essentiels si l’on veut promouvoir efficacement le respect et la dignité intrinsèque de chaque personne et devait viser le développement intégral , le renforcement de la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, noyau naturel et fondamental de la société (cf. UDHR, art. 16, ICCPR, art. 23, ICESCR, art. 10).
(A suivre… la seconde partie sera publiée demain, vendredi 29 juin 2012)
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