d'abondance du coeur, à la foule enthousiaste: au moment d'achever, il laissait ce bouquet aux participants: l’Eglise ne doit "rien avoir d’une Eglise fermée".
Il souligne aussi le caractère central de la personne: la crise actuelle c'est une crise de l'homme qui détruit l'homme, diagnostique le pape.
Les mouvements ecclésiaux sont actuellement en pèlerinage à Rome, dans le cadre de l’Année de la foi, sur le thème « Je crois ! Augmente en nous la foi », les 18 et 19 mai.
Abrités du soleil sous des ombrelles multicolores, les groupes ont commencé à converger pour un après-midi festif, animé par un chœur de 150 personnes de divers mouvements, dès 15h. Divers témoignages étaient organisés, parmi lesquels une Française de la Communauté de Sant’Egidio.
Le pape François les a rejoints à 17h30, arrivant dans sa papamobile découverte pour un grand tour de la place, empruntant même la rue de la Conciliazione. Face à l’affluence, le pape ne s’est pas arrêté comme il le fait d’habitude pour bénir des enfants, mais il est resté malgré tout très complice de la foule, envoyant des baisers de sa main, bénissant les enfants à distance, s’exprimant par gestes expressifs, et rattrapant au vol des cadeaux qui lui étaient lancés, quand ce n’étaient pas des foulards qui lui tombaient sur les épaules.
Mgr Salvatore Fisichella, président du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, s'est adressé au pepa e au nom de tous au début de cette célébration de la Parole, exprimant « l’affection » de la foule et rendant hommage aux témoignages des participants, « des hommes et des femmes qui ont rencontré Christ et ont choisi d’être évangélisateurs dans le monde contemporain », en « redisant à l’homme d’aujourd’hui qu’on ne peut rien sans Jésus ».
Un moment de prière a suivi, avec l’intronisation de l’image de la Vierge « Salut du peuple romain (Salus Populi Romani) », vénérée à Sainte-Marie-Majeure, et devant laquelle le pape avait déposé des fleurs dès le lendemain de son élection, le 14 mars dernier.
Une procession de jeunes de divers mouvements et associations, entourant l’icône géante, est partie de l'obélisque, au son de l’« Ave maria » de Lourdes. Le pape a descendu les marches du podium pour accueillir l’icône et s’est recueilli devant elle.
Après le chant du « Veni creator spiritus » et les lectures de l'Office des lectures – saint Paul aux Romains, ch. et le psaume 103 – et du « Traité contre les hérésies » de saint Irénée, deux témoignages ont été donnés : l’Irlandais John Waters, et le Pakistanais Paul Bhatti.
John Waters, écrivain et éditorialiste, a raconté sa conversion, faisant observer que l’homme d’aujourd’hui était dans la « toute-puissance » et qu’il se sentait donc « terriblement seul » car « tout dépend de ses efforts » : « sa solitude est le reflet de son refus d’être dépendant ».
Ayant perdu sa foi à l’adolescence, John Waters l’a redécouverte à l’âge adulte, grâce à de nouvelles amitiés : le Christ est « redevenu vrai dans [sa] vie », et il a compris que « l’homme n’est pas créé pour être seul, pour demeurer seul » mais que « le Christ ne cesse jamais d’être avec [lui] ».
Le chirurgien Paul Bhatti, frère du ministre assassiné Shahbaz Bhatti, Conseiller spécial pour l’harmonie nationale du Premier ministre du Pakistan, a « partagé les douleurs et les espérances des chrétiens du Pakistan », sous les applaudissements émus.
« Petite minorité très pauvre et marginalisée », la seule richesse des chrétiens pakistanais est « l’amour de l’Evangile » et « l’unité avec l’Eglise », a-t-il souligné, professant leur désir de paix : « nous voulons êtes de hommes de paix, en dialogue avec nos frères musulmans ».
Paul Bhatti a évoqué la vie de son frère Shahbaz, assassiné en 2011 : « sa grande foi a dépassé les montagnes de la division, tellement hautes dans mon pays ; ses paroles et ses gestes ont donné courage aux chrétiens Pakistanais ».
A l’exemple de Shahbaz, « nous ferons en sorte que difficultés n’enlèvent pas notre espérance, nous continuerons à témoigner l’Evangile de la douceur, de l’amour pour les ennemis… nous voulons vivre, et si nécessaire, mourir, comme Shahbaz », a-t-il conclu en demandant au pape et à tous les participants « leur prière et leur soutien » afin d’être « libérés de la peur ». Après son discours, Paul Bhatti a échangé une embrassade émue avec le pape.
Le pape François a voulu répondre spontanément à quatre questions adressées par des représentants des réalités présentes. Voici quelques extraits de son discours, qui a duré une quarantaine de minutes, et a été applaudi et ovationné de nombreuses fois.
Quelle route pouvez-vous nous indiquer pour vaincre la fragilité de la foi ?
Le pape a confié avoir reçu « la première annonce de la foi » dans sa famille, spécialement à travers sa grand-mère paternelle, qu’il cite parfois durant ses homélies : « On ne trouve pas la foi dans l’abstrait, Dieu met à côté de nous des personnes qui nous aident », a-t-il fait remarquer.
Il a aussi évoqué « un jour très important » de sa vie, le 21 septembre 1953 : il avait alors 17 ans, et il se rendait à la « journée des étudiants ». Passant devant sa paroisse, et voyant un prêtre qu’il ne connaissait pas, il ressentit « la nécessité de se confesser ». Il fit dans le sacrement une « expérience de rencontre » avec « quelqu’un qui l’attendait » : « après la confession, je n’étais plus le même, je sentais un appel et j’étais convaincu que je devais être prêtre », a-t-il raconté sous les applaudissements.
Pour le pape « la foi grandit dans les rencontres avec le Seigneur » : et s’il est « important d’étudier dans les livres » cela « ne suffit pas » car c’est « le Christ qui donne la foi ». L’ennemi le plus terrible de la fragilité foi, a-t-il ajouté, « c’est la peur » : « n’ayez pas peur, nous savons que nous sommes fragiles… mais le Seigneur est plus fort… », a-t-il poursuivi, encourageant à demeurer avec Lui à travers « l’eucharistie, la bible » et le chapelet : « prier le chapelet tous les jours donne une grande force », a affirmé le pape.
Comment communiquer de façon efficace la foi d’aujourd’hui ?
Dans l’évangélisation, « la chose la plus importante » est « Jésus ». Si le chrétien se contente de « l’organisation », il « n’avance pas » : « Jésus, c’est le plus important », a-t-il insisté en adressant un « reproche fraternel » à la foule : « vous avez crié « François ! »… mais Jésus où était-il ? C’est « Jésus » qu’il faut crier… Il est au milieu de nous ! Dorénavant plus de « François », mais « Jésus » ».
Le pape a donné un deuxième fondement pour évangéliser : « la prière », qui consiste à « regarder le visage de Dieu » et à « se sentir regardé par Dieu » : « nul besoin de parler dans la prière, laissez-vous regarder, car son regard donne la force » de témoigner.
Pour témoigner, le pape a invité avant tout à « se laisser guider » par Dieu, au lieu de « faire des calculs » et « élaborer des stratégies autour d’une table ». Enfin, a-t-il rappelé, « la communication de la foi ne peut se faire qu’à travers le témoignage », et « non pas avec les idées » : il ne s’agit pas de « parler beaucoup » mais de « parler avec toute sa vie ».
Comment vivre une Eglise « pauvre pour les pauvres » ?
La première chose est de « vivre l’Evangile », c’est la « première contribution » de l’Eglise qui n’est pas « un mouvement politique ni une ONG », a rappelé le pape, mettant en garde contre le danger de « l’efficacité ».
Dans la crise actuelle qui « n’est pas seulement une crise économique » mais une crise « qui détruit l’homme, image de Dieu », le pape a encouragé à « ne pas se renfermer », ni « se retrouver entre amis, entre personnes qui pensent pareil ». Au contraire, l’Eglise doit « sortir ».
Pour donner le contre-pied à la « culture du conflit », où « l’on jette tout ce qui ne sert pas… enfants… personnes âgées… » – la culture de la "mise à l'écart" -, le pape a invité à « faire de la culture chrétienne une culture de la rencontre », à rencontrer « même ceux qui ne pensent pas comme nous», sans toutefois « négocier son appartenance » ni se laisser entraîner dans une « « mondanité spirituelle ».
« Quand je vais confesser », a commencé le pape, se reprenant en souriant « non, pas ici, je ne peux pas sortir, c’est compliqué … lorsque j’allais confesser, je posais souvent ces trois questions : vous faites l’aumône ? Quand vous faites l’aumône, est-ce que vous regardez celui à qui vous donnez dans les yeux ? Est-ce que vous jetez la pièce de monnaie ou est-ce que vous touchez la main de celui à qui vous donnez? »: car c'est "la chair du Christ!". Et « une Eglise pauvre commence par aller vers la chair du Christ ».
Comment aider nos frères martyrs ? Ceux qui risquent leur vie pour aller à la messe ?
« Le martyre n’est jamais un échec », c’est « le niveau le plus élevé du témoignage », a rappelé le pape, exhortant à « s’unir » et à prier « tous les jours » pour les chrétiens persécutés. Il a invité à un examen de conscience en avertissant: "je ne vais pas vous demander, là, de lever la main -: "est-ce que vous priez tous les jours pour nos frères persécutés? Tous les jours!" Ils sont « l’Eglise de la patience », entrée "en patience".
Lançant un appel à « promouvoir la liberté religieuse pour tous », le pape a également estimé qu’« un chrétien doit toujours pouvoir répondre au mal par le bien, même si c’est difficile ».
« N’oubliez pas » : l’Eglise ne doit « rien avoir d’une Eglise fermée » mais doit être « une Eglise qui va aux périphéries de l’existence », « dehors », et « en avant », a-t-il conclu.
Après le renouvellement de la profession de foi des participants, le temps de prière s’est conclu par l’hymne du Regina Cœli.
Demain, dimanche 19 mai, le pape présidera la messe de Pentecôte à 10h30, suivie de la prière du Regina Coeli, place Saint-Pierre.
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