Après quatre ans de nettoyage et de consolidation-refixage, la beauté initiale des fresques a été restituée. Les admirables personnages jaillissent des ténèbres que huit siècles d’humidité, de poussière, de ravalement hasardeux avaient déposées sans vergogne, masquant progressivement l’éclat des couleurs et l’authenticité de l’art médiéval. Les 60 mètres carrés de peintures couvrant l’ensemble de l’abside et les parois de la nef sont aujourd’hui clairement lisibles. Elles illustrent des thèmes de l’Ancien et du Nouveau Testament, et « témoignent de la riche tradition d’ornementation des églises de la montagne libanaise à l’époque des croisades », souligne Isabelle Doumet Skaf.
Au centre, dans la conque, le Christ en majesté est entouré des symboles des quatre évangélistes, de la Vierge et de saint Jean-Baptiste. Sous la conque sont peints debout les douze apôtres et les quatre évangélistes. Sur le sommet de l’arche de l’abside sont peints les mains de Dieu, Moïse recevant les tables de la Loi, le sacrifice d’Abraham ainsi que le Christ Emmanuel entouré de la personnification de la lune et du soleil. Au bas de l’arc, de part et d’autre de l’abside, une Annonciation figure l’archange Gabriel et la Vierge. Sur les parois de la nef, deux grands panneaux représentent saint Théodore et saint Georges à cheval.
Figure du Christ avant restauration…
Altérations…
Les peintures, qui ont subi d’importants dégâts au fil des siècles, ont été retrouvées dans « un état alarmant », affirme Isabelle Doumet Skaf, faisant observer que les infiltrations d’eau ont affecté l’église durant de longues périodes. « La couche picturale a été très fragilisée par des efflorescences salines et les détails de la surface étaient dans certaines parties complètement masqués par un voile blanc de calcite. » D’autre part, « les nombreux vernis et cires appliqués au fil des années et les comblements de lacunes au ciment avaient largement contribué à l’assombrissement des décors, jusqu’à les rendre illisibles par endroits ».
Restauration et documentation
La restauration a été menée depuis 2009 par une équipe de spécialistes libanais et italiens formée d’Isabelle Doumet Skaf, Badr Jabbour Gédéon, Ghada Salem, Giorgio Capriotti et Caterina Michelini Tocci. Armés de leur bistouri, tourets et brosses, ils ont d’abord entrepris un nettoyage manuel puis un nettoyage chimique avec des solvants organiques, avant de s’attaquer « à la consolidation des supports par injection, au traitement des micro-organismes, des sels solubles pulvérulents et des sels insolubles formant un voile blanc ainsi qu’au traitement des incrustations calcaires », explique Isabelle Doumet Skaf, ajoutant que pour assurer la conservation à long terme des peintures, l’étanchéité de la toiture de l’église a été entièrement refaite ainsi que le « rejointoiement » des façades.
Parallèlement à cette opération, une documentation graphique et photographique détaillée a été effectuée. De même, des analyses de mortiers et de pigments ont été réalisées afin d’obtenir des informations supplémentaires sur les techniques anciennes utilisées par les peintres locaux à l’époque médiévale. C’est notamment ce que la directrice de la société Conservation SARL signale. Elle précise, à titre d’exemple, que la polychromie des fresques, malgré la palette limitée (cinq couleurs de base : le noir charbon d’origine végétale ; le blanc à base de chaux en poudre ; l’hématite oxyde de fer ; le vermillon, pigment artificiel produit à base de sulfure de mercure, et le jaune ocre naturel), démontre une grande maîtrise de la technique exécutée par superposition de glacis et de mélanges de couleurs. « Le résultat de ces analyses pourra être utilisé à l’avenir comme référence pour des recherches relatives à d’autres peintures murales de la même période se trouvant dans des églises du Liban et de Syrie. » Signalons qu’une partie des résultats a été publiée dans le volume 13 du Bulletin d’archéologie et d’architecture libanaises (BAAL), édité par la DGA.
Figure du Christ après restauration…
Financement
Le projet, dont le coût s’élève à 250 000 dollars, a été financé par la Fondation A.G. Leventis, basée à Chypre, l’ambassade des États-Unis à Beyrouth (United States Ambassadors Fund for Cultural Heritage), l’Association Philippe Jabre, Carol et Antoine Kareh, Alice et Roger Eddé ainsi que la société Conservation qui a aussi assuré la gestion. L’Iccrom (Centre international pour la conservation des biens culturels) est également partenaire du projet dans le cadre du programme Athar dont l’objectif est de préserver et de promouvoir le patrimoine culturel dans la région arabe.
Un film documentaire de 50 minutes relatant les différentes phases de la restauration a été réalisé par Zeina Sfeir.
Fréquentée par les habitants du village et visitée parfois par des touristes, l’église de Behdaidat peut être considérée comme le symbole d’un patrimoine vivant, où traditions, rites et coutumes se perpétuent. Un site historique exceptionnel désormais préservé. Néanmoins, il reste de nombreux lieux de culte décorés de fresques médiévales menacées de disparition. Lors d’une conférence donnée au musée de l’Université américaine de Beyrouth, l’historienne Ray Jabre Mouawad en avait signalé une vingtaine d’une valeur inestimable. Des édifices, de rite maronite ou grec-orthodoxe, localisés pour l’essentiel dans les cazas de Jbeil, Batroun, Koura et la vallée de Qadisha, une région si dense en richesse archéologique. Tant révélatrice de notre histoire.
Au centre, dans la conque, le Christ en majesté est entouré des symboles des quatre évangélistes, de la Vierge et de saint Jean-Baptiste. Sous la conque sont peints debout les douze apôtres et les quatre évangélistes. Sur le sommet de l’arche de l’abside sont peints les mains de Dieu, Moïse recevant les tables de la Loi, le sacrifice d’Abraham ainsi que le Christ Emmanuel entouré de la personnification de la lune et du soleil. Au bas de l’arc, de part et d’autre de l’abside, une Annonciation figure l’archange Gabriel et la Vierge. Sur les parois de la nef, deux grands panneaux représentent saint Théodore et saint Georges à cheval.
Figure du Christ avant restauration…
Altérations…
Les peintures, qui ont subi d’importants dégâts au fil des siècles, ont été retrouvées dans « un état alarmant », affirme Isabelle Doumet Skaf, faisant observer que les infiltrations d’eau ont affecté l’église durant de longues périodes. « La couche picturale a été très fragilisée par des efflorescences salines et les détails de la surface étaient dans certaines parties complètement masqués par un voile blanc de calcite. » D’autre part, « les nombreux vernis et cires appliqués au fil des années et les comblements de lacunes au ciment avaient largement contribué à l’assombrissement des décors, jusqu’à les rendre illisibles par endroits ».
Restauration et documentation
La restauration a été menée depuis 2009 par une équipe de spécialistes libanais et italiens formée d’Isabelle Doumet Skaf, Badr Jabbour Gédéon, Ghada Salem, Giorgio Capriotti et Caterina Michelini Tocci. Armés de leur bistouri, tourets et brosses, ils ont d’abord entrepris un nettoyage manuel puis un nettoyage chimique avec des solvants organiques, avant de s’attaquer « à la consolidation des supports par injection, au traitement des micro-organismes, des sels solubles pulvérulents et des sels insolubles formant un voile blanc ainsi qu’au traitement des incrustations calcaires », explique Isabelle Doumet Skaf, ajoutant que pour assurer la conservation à long terme des peintures, l’étanchéité de la toiture de l’église a été entièrement refaite ainsi que le « rejointoiement » des façades.
Parallèlement à cette opération, une documentation graphique et photographique détaillée a été effectuée. De même, des analyses de mortiers et de pigments ont été réalisées afin d’obtenir des informations supplémentaires sur les techniques anciennes utilisées par les peintres locaux à l’époque médiévale. C’est notamment ce que la directrice de la société Conservation SARL signale. Elle précise, à titre d’exemple, que la polychromie des fresques, malgré la palette limitée (cinq couleurs de base : le noir charbon d’origine végétale ; le blanc à base de chaux en poudre ; l’hématite oxyde de fer ; le vermillon, pigment artificiel produit à base de sulfure de mercure, et le jaune ocre naturel), démontre une grande maîtrise de la technique exécutée par superposition de glacis et de mélanges de couleurs. « Le résultat de ces analyses pourra être utilisé à l’avenir comme référence pour des recherches relatives à d’autres peintures murales de la même période se trouvant dans des églises du Liban et de Syrie. » Signalons qu’une partie des résultats a été publiée dans le volume 13 du Bulletin d’archéologie et d’architecture libanaises (BAAL), édité par la DGA.
Figure du Christ après restauration…
Financement
Le projet, dont le coût s’élève à 250 000 dollars, a été financé par la Fondation A.G. Leventis, basée à Chypre, l’ambassade des États-Unis à Beyrouth (United States Ambassadors Fund for Cultural Heritage), l’Association Philippe Jabre, Carol et Antoine Kareh, Alice et Roger Eddé ainsi que la société Conservation qui a aussi assuré la gestion. L’Iccrom (Centre international pour la conservation des biens culturels) est également partenaire du projet dans le cadre du programme Athar dont l’objectif est de préserver et de promouvoir le patrimoine culturel dans la région arabe.
Un film documentaire de 50 minutes relatant les différentes phases de la restauration a été réalisé par Zeina Sfeir.
Fréquentée par les habitants du village et visitée parfois par des touristes, l’église de Behdaidat peut être considérée comme le symbole d’un patrimoine vivant, où traditions, rites et coutumes se perpétuent. Un site historique exceptionnel désormais préservé. Néanmoins, il reste de nombreux lieux de culte décorés de fresques médiévales menacées de disparition. Lors d’une conférence donnée au musée de l’Université américaine de Beyrouth, l’historienne Ray Jabre Mouawad en avait signalé une vingtaine d’une valeur inestimable. Des édifices, de rite maronite ou grec-orthodoxe, localisés pour l’essentiel dans les cazas de Jbeil, Batroun, Koura et la vallée de Qadisha, une région si dense en richesse archéologique. Tant révélatrice de notre histoire.
L'orient le jour