Nous sommes dans le nord-est de l’Argentine, une région au climat subtropical, avec des hivers froids et des étés pluvieux. Il fait chaud. Un ciel d’azur immaculé pèse sur le paysage plat, avec une chaîne de montagnes à l’horizon qui promet, et où nous visiterons samedi une abbaye bénédictine.
Qui a dit que la viande argentine est la meilleure du monde ? Vraiment, tout est relatif. À Buenos Aires d’où nous venons, comme à Tucuman, le côté gastronomique de l’hospitalité orientale n’a pas perdu ses droits, que ce soit dans les hôtels où la délégation patriarcale est reçue, ou aux repas et dîners donnés en son honneur. Car tout le monde veut recevoir le patriarche. Et l’on se surprend à devoir fuir les repas, les sandwiches au pain de mie, les bonbons et les petits-fours, plutôt qu’à les rechercher.
Hier, dans l’avion qui nous transportait de Buenos Aires à Tucuman, dans le bus, à table, dans les cafétérias des hôtels, beaucoup commentaient les récentes nominations promulguées par Bkerké la veille : celles d’Antoine Torbey (56 ans) de l’ordre maronite libanais, comme évêque en titre du diocèse Saint-Maron à Sydney (Australie), où il succède à Aad Abi Karam, atteint par la limite d’âge, et celle de Habib Chamiyé (57 ans), un religieux mariamite, nommé administrateur apostolique du diocèse Saint-Charbel, en Argentine, où il succède à Mgr Charbel Merhi, atteint lui aussi par la limite d’âge. Les deux religieux recevront l’onction épiscopale le 25 mai, à Bkerké, avant d’entrer en fonctions. Les nominations sont l’un des moments forts dans la vie de l’Église, puisqu’elles déterminent les rapports que tissent entre eux les ordres religieux et le siège patriarcal, et le « poids » de chaque ordre religieux par rapport aux autres. Pour respecter l’équilibre, certains des ouvriers de la vigne sont parfois sacrifiés. Il en est ainsi : les uns sèment, d’autres moissonnent, et les consolations doivent venir de plus haut.
Énormes défis
À l’ordre du jour de la session annuelle, qui se prolongera jusqu’à samedi, figurent sept points. Le premier porte sur « les défis de la présence maronite hors des diocèses existants », et donc de la « création de nouvelles missions et de la construction de nouvelles églises ». Ce défi est énorme, et c’est pourquoi la question figure en tête de l’ordre du jour. Comme ne cesse de le répéter le patriarche Raï, l’Église maronite de la diaspora a dépassé de loin, en nombre, celle du Liban.
Pour faire face à ce défi, l’Église maronite doit adopter une stratégie en deux temps : il s’agit en effet et de trouver les ressources pastorales nécessaires pour suivre les maronites dans leur pays d’émigration et, dans un second temps, de s’efforcer de les convaincre de maintenir avec le Liban un lien légal, celui de la nationalité d’origine.
Le second point à l’ordre du jour est étroitement lié au premier : il porte sur « les vocations sacerdotales et religieuses ». Au cours d’un point de presse avec des journalistes de la presse écrite et de la télévision de Tucuman, le patriarche avait insisté, le matin même, sur ce besoin pastoral, précisant que pour le moment, les principales vocations sacerdotales et religieuses viennent du Liban, dont le réservoir humain n’est pas inépuisable, et l’on ne voit pas encore poindre des vocations de cet ordre dans les communautés maronites de l’émigration, exception faite des États-Unis, dont les deux évêques Gregory Mansour et Robert Chahine sont natifs des USA. Notons au passage l’absence totale de congrégations féminines maronites dans les pays d’Amérique latine, alors que les besoins y sont criants.
De tous les pays d’émigration, l’Argentine est l’un des plus « difficiles », que l’ancienne présence libanaise s’y est « diluée » et qu’en l’absence de nouvelles vagues d’émigration, le parler libanais s’y est presque complètement perdu.
Les autres points à l’ordre du jour de la session sont : les rapports entre le siège patriarcal et les ordres religieux maronites, une questions délicate qui demande doigté et coordination, en particulier au sein de l’émigration ; les JMJ de Rio cet été, où une participation massive de la jeunesse maronite émigrée est souhaitée ; les rapports avec la Fondation maronite dans le monde, qui a pris en charge le volet civil des liens entre les émigrés chrétiens en général, et maronites en particulier, et l’État libanais (nous en reparlerons) ; l’organisation de pèlerinages au Liban et enfin l’organisation d’un congrès maronite au Liban, un projet aux contours encore trop vagues pour en parler qui concernerait les grands noms de la diaspora maronite et qui, pour cette raison même, ne fait pas l’unanimité.
L'orient le jour