Mgr Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a commenté l’Evangile de Luc (12,35-49), au cours d’une messe célébrée le 8 février 2012, à Rome, en la basilique des Saints-Apôtres, dans le cadre du symposium organisé par l’Université pontificale grégorienne sur les abus sexuels.
Le cardinal Filoni a d’abord tenu à saluer l’initiative de ce congrès, qui « confirme l’engagement de l’Eglise » pour la protection contre tous les abus commis sur des « petits » et des « personnes vulnérables ». Pour lui, ce congrès participe à combattre ce « phénomène exécrable », qui l’est « encore davantage s’il est commis par des hommes et femmes d’Eglise ».
Le devoir de vigilance
Etre pasteur dans l’Eglise implique de vivre avec « courage et vigilance », affirme le préfet qui sera cardinal le 18 février. Il s’agit en effet de correspondre à l’appel du Christ : "Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller." (Lc 12, 37)
Il explique en ce sens que la vigilance chrétienne n’est pas une « attente inerte » mais une « attente dans l’espérance de l’au-delà », qui est aussi « engagée pour changer l’histoire ».
C’est pourquoi il distingue deux types d’hommes : le premier, l'«homo vigilans», celui qui « garde les yeux ouvert sur le présent et sur l’avenir ». Il vit « avec intensité » la mission qui lui a été confiée, il « discerne la présence du Seigneur dans les évènements et dans ses frères », il est « responsable et patient », et il « s’éprouve sur le long terme ». En un mot, il vit une existence « significative ».
Cet homme est le contraire de l'«homo dormiens», poursuit le préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, qui vit « de façon superficielle et médiocre ». Paresseux, il reste « dans la somnolence et dans l’apathie » et son « style de vie » est de « ne rien voir et ne rien entendre ».
Le cardinal reconnaît à ce sujet que certains « ont beaucoup reçu » et d’autres « moins ». Le pasteur est de ceux qui ont « beaucoup reçu ». Mais confronté au « retard du maître, qui est Dieu », il risque de se « ramollir ». Face à « l’attente prolongée du Seigneur », il doit garder son cœur « éveillé » et garder « vive » l’attente du retour du Seigneur pour « aider ses frères à vivre avec une sagesse dynamique et missionnaire ».
Une mission de service
Si « l’impatience ou la superficialité » prennent le dessus, fait remarquer le cardinal, comme pour le serviteur de l’Evangile – "Mon maître tarde à venir" (v. 45) – c’est alors la communauté « qui en fait les frais » en premier lieu car "il se met à frapper serviteurs et servantes (v. 45)". Et lui-même se dénature finalement :"il se met à manger, à boire et à s'enivrer ".
Ce pasteur, qui a cessé d’être vigilant, « affaiblit » l’Eglise, ou pire, la « décompose », insiste le préfet du dicastère misisonnaire, et par là « il trahit sa mission ». Dans l’Evangile, il subit « une dure punition ».
En revanche, le serviteur fidèle reçoit une récompense « inattendue », souligne-t-il: « Dieu, de maître, se fait serviteur » : " Heureux les serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : il prendra la tenue de service, les fera passer à table et les servira chacun à son tour" (v. 37).
Servir est le « don suprême », explique le cardinal Filoni, et « Dieu est le premier serviteur ». On ne réfléchit jamais assez, insiste le cardinal, sur ce que signifie avoir un "Dieu-serviteur" : « Le maître punit, le serviteur aide; le maître juge, le serviteur redonne du courage; le maître donne la loi, le serviteur écoute et ouvre son cœur. »
Pour le cardinal, Jésus a « lié toute autorité humaine au service d’une communauté » : le service est le « nom nouveau » de l’Eglise. La « récompense finale » du pasteur se joue donc sur le terrain du « service de la communauté ».
Jésus, déclare-t-il par ailleurs, est venu apporter « un feu sur la terre » : il veut abattre « le mal qui enchaîne et étouffe l’homme » et brûler les « idoles trompeuses » de l’humanité : « pouvoir, argent, succès, peurs, dépressions, égoïsmes », tentations dont l’Eglise aussi est traversée.
C’est pourquoi Benoît XVI, rappelle le cardinal pour conclure, a invité à maintes reprises l’Eglise à « un bain d’humilité », à la « recherche de la vérité » et à « un profond renouveau ».
Anne Kurian
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