Un accord historique a été signé au Vatican ce mardi entre sociétés bibliques catholiques et protestantes, au moment où le synode sur la Parole de Dieu fait observer qu'au moins 4500 langues attendent encore la traduction de la Bible. L'enjeu est également œcuménique souligne le cardinal Kasper.
Une enquête faite dans 14 pays, vient de révéler que la soif de la Parole de Dieu et la demande en bibles et guides de lecture est plus forte que l'offre actuelle pour y répondre.
La « spiritualité biblique » au cœur de « l'œcuménisme spirituel »
L'accord a été signé par le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l'Unité des chrétiens, Mgr Vincenzo Paglia, président de la Fédération biblique catholique d'une part et par le Rév. Archibald Miller Milloy, secrétaire général des Sociétés bibliques unies (Angleterre) – le président n'ayant pu être là avait déjà signé -, et en présence de M. Alexander Schweitzer, secrétariat général de la Fédération biblique catholique.
Dans son intervention, le cardinal Kasper a souligné, entre autres, « l'importance œcuménique de la Bible », et il a salué cette « occasion heureuse » de la signature, pendant le synode, de cet accord de « coopération » et de la « présentation des résultats de l'enquête internationale sur l'Ecriture », qui manifeste une vraie « soif de la Parole » dans le monde d'aujourd'hui.
Il soulignait la nécessité d'un « nouvel engagement œcuménique biblique », car « il n'y a pas, disait-il, « d'autre voie pour l'élan œcuménique qu'un élan biblique » et la « spiritualité biblique » est « au cœur de l'œcuménisme spirituel ».
L'Eglise n'existe pas pour soi, mais la Parole de Dieu est « le fondement et la mesure » de l'Eglise qui doit « l'écouter et en témoigner vraiment en la mettant en pratique dans sa vie », a rappelé le cardinal Kasper
Il rappelait comment Vatican II voit dans l'Ecriture « l'âme de la théologie ».
Et du point de vue œcuménique, il soulignait que la Bible est restée « un héritage commun », et même « le lien œcuménique par excellence », et la « base du dialogue ».
Pour ce qui est des divergences d'interprétation, le cardinal Kasper a fait observer que le dialogue « n'est pas » dans ce domaine une « négociation diplomatique vers un compromis », mais un appel à « lire et écouter ce que Dieu veut nous dire à travers l'Ecriture ».
Il a rappelé qu'à côté des textes en hébreu et en grec, les traditions ont aussi leurs richesse, la tradition luthérienne comme la tradition catholique, avec notamment la Vulgate – en latin -.
Il a fait remarquer le progrès que constituent les traductions communes qui permettent de lire la Bible ensemble : c'est une « contribution importante pour le rapprochement des chrétiens ».
Sur de nombreux points, a souligné le cardinal Kasper, l'interprétation est également commune, et aujourd'hui, catholiques et protestants ont « à peu près les mêmes instruments d'interprétation ». Promouvoir la lectio divinaLe cardinal Kasper a également fait allusion à une intervention de Benoît XVI résumant les interventions (quelque 191) de la première semaine au début de la session du mardi matin.
Il citait « Divinu afflante spiritu » et « Dei Verbum », soulignant que désormais les méthodes historico-critiques sont acceptées, et que l'on doit interpréter la Bible en distinguant les « genres littéraires » et les « façons de raconter » de l'auteur inspiré, de façon à éviter une lecture « fondamentaliste », mais sans tomber pour autant dans le « modernisme » qui ne laisse plus la Parole exister « dans sa nouveauté et son défi », ce qui correspond « au caractère historique de l'Incarnation » et à la « condescendance du Verbe divin ».
La parole historique communique le « dessein de salut de Dieu », la Parole faite Homme en Jésus-Christ est « la règle suprême de l'interprétation ».
Devant les limites des méthodes, des problèmes, des abus même, qui parfois ont détaché les interprétations de la Parole du Credo et en s'opposant à la « tradition », le pape a fait observer, faisait remarquer le cardinal Kasper, que l'on a alors « oublié que la Bible est née dans l'Eglise et doit être interprétée en Eglise ».
La méthode qui part de l'ensemble des Ecritures en considérant la totalité des écrits reconnus par le « canon » a été citée comme positive dans cette manière de considérer l'unité de l'un et l'autre Testament.
Enfin, il soulignait qu'il reste « beaucoup à faire » car la majorité des chrétiens ne connaissent que « les lectures de la liturgie », utilisent peu la Bible pour la « méditation privée » et elle est « peu lue en famille », peu de personnes fréquentent des « groupes bibliques ».
Il a aussi relevé cet aspect présent dans le synode : l'importance de « promouvoir la lectio divina, une lecture de la Bible accompagnée de prière et d'un esprit de prière », ce qui fera que la Bible ne soit pas seulement une « parole du passé mais une parole actuelle », car « Dieu parle au lecteur », et cette lecture doit devenir « une rencontre personnelle de Dieu ». Il y a encore un « grand travail à faire » pour « étancher la soif de la Parole de Dieu » dans le monde d'aujourd'hui.Des milliers de langues sans traductions de la BibleMgr Paglia a également souligné l'importance œcuménique de cet accord pour la traduction et la diffusion de la Bible, chiffres à l'appui : il faut encore traduire la Bible dans au moins 4500 langues (7000 dira le Rév. Miller Milloy).
Elle a déjà été traduite, Ancien et Nouveau testament ensemble dans 438 langues seulement, le Nouveau Testament dans 1168 langues et quelques livres comme les évangiles ou les psaumes dans 848 langues.
Les Sociétés bibliques unies (« United Bible Societies », USB, ou « Alliance biblique universelle », ABU), « considèrent comme un grand honneur d'avoir été invitées à assister à ce Synode en tant qu'Invité spécial », a souligné M. Millier Milloy lors de son intervention au synode dès la quinzième congrégation de mardi après-midi.
Il a fait observer l'importance de la constitution conciliaire « Dei Verbum » en disant : « L'ABU, disait-il, fait remonter son étroite collaboration avec l'Église catholique, au niveau paroissial, national et mondial, à la promulgation de la Constitution sur la Révélation Divine, « Dei Verbum », fruit du Concile Vatican II ».
A propos de la tâche de traduire la Bible, il a souligné aussi le rôle de ce document : « La Constitution « Dei Verbum » a donné aux chrétiens catholiques la charge explicite de travailler à la traduction de la Bible et de le faire en collaboration avec leurs frères et soeurs des autres dénominations ».
Il citait les chiffres qui avaient déjà été évoqués le matin lors de la conférence de presse : « Plus spécifiquement, l'exhortation de ‘Dei Verbum' – soulignant qu' ‘il faut que l'accès à la Sainte Écriture soit largement ouvert aux chrétiens' – a permis à l'ABU de réaliser, au cours de ces 40 dernières années, 134 traductions en collaboration avec l'Église catholique. Le Document de travail affirme à juste titre qu'un telle ‘large ouverture' représente une condition préalable pour la mission d'aujourd'hui ».
Mais il exhortait à poursuivre le travail : « Il n'existe de traduction complète de la Bible que pour 438 des 7 000 langues du monde. L'ABU participe actuellement à 646 projets de traduction dans le monde entier ». Un accord aux Philippines aussiEt à propos du nouvel accord de partenariat avec la Fédération Biblique catholique, il y voit un moyen de « témoigner de l'actuel développement de la croissante collaboration entre les deux organisations : de nombreux catholiques sont aujourd'hui des membres actifs de l'Alliance Biblique dans le monde entier ».
Plus encore, il annonçait le nouveau projet « Pour qu'ils soient un » qui voit le jour à l'occasion du synode: il a été lancé par la Commission épiscopale pour l'Apostolat biblique (ECBA) de la Conférence des évêques des Philippines et de la Société biblique de ce même pays.
Le Prof. Luca Diotallevi, professeur de sociologie à l'université « Roma Tre » et coordinateur de l'enquête « GFK – Eurisko » sur « la lecture des Ecritures », pour la Fédération biblique catholique, a présenté les résultats de cette enquête.
Il soulignait spécialement qu'il n'y a plus grande différence entre les communautés catholiques et protestantes pour ce qui est du rapport à la Bible : une nouveauté qu'il attribue aux progrès enregistrés du côté catholique, après le Concile Vatican II.
Il a surtout souligné que la réponse à la demande est insuffisante par rapport à la soif manifestée par les personnes interrogées de pouvoir entrer dans le sens des Ecritures saintes.
ROME, Mercredi 15 octobre 2008 (ZENIT.org)