Reporters sans frontières et Article 19, deux organisations de défense de la liberté d’expression, appellent le président afghan Hamid Karzai à intervenir en faveur de l’ancien journaliste Ahmed Ghous Zalmai et du mollah Qari Mushtaq qui viennent d’être condamnés à vingt ans de prison pour avoir imprimé une traduction du Coran.
"Nous faisons appel à l’esprit de tolérance du chef de l’Etat afghan pour solliciter son intervention en faveur de deux hommes condamnés à une peine extrêmement lourde. Leur intention n’était pas de violer la loi islamique mais de promouvoir le Coran dans les populations persanophones. Nous déplorons que la justice afghane puisse punir ainsi des hommes dont la démarche intellectuelle et religieuse était honnête et humaniste. Nous demandons leur libération et leur acquittement", ont affirmé les deux organisations.
Le 11 septembre 2008, un tribunal de Kaboul a condamné à vingt ans de prison Ahmed Ghous Zalmai et le mollah Qari Mushtaq pour avoir fait publier une traduction en dari (persan) du Coran. L’imprimeur Mohammad Ateef Noori s’est vu infliger une peine de cinq ans mais avec sursis. Il sera tout de même placé sous la surveillance de la police. Trois frères d’Ahmed Ghous Zalmai ont été remis en liberté. Ils étaient accusés d’avoir tenté d’aider l’ancien journaliste à fuir le pays.
Les accusés ont jugé le verdit "illégal" et l’avocat d’Ahmed Ghous Zalmai, Me Abdul Qawee Afzali, a annoncé qu’il allait faire appel.
Dans les années 1980, Ahmed Ghous Zalmai était un journaliste de télévision très connu pour son ton assez indépendant. Il avait notamment animé le talk-show "La voix des gens" qui donnait la parole aux auditeurs. Après la chute du régime communiste, il a travaillé comme attaché culturel dans une ambassade afghane. En exil aux Pays-Bas pendant plusieurs années, il a été invité par le gouvernement d’Hamid Karzai à revenir dans le pays au sein de la radiotélévision publique. Reconnu dans la profession, il était devenu président de l’association de journalistes ANJA. Depuis quelques années, il était porte-parole du Bureau du procureur à Kaboul.
En octobre 2007, l’ancien journaliste a été arrêté près de la frontière avec le Pakistan où il tentait de se réfugier. Des mollahs venaient de dénoncer l’impression de six mille exemplaires du Coran et des groupes fondamentalistes réclamaient un "châtiment exemplaire". Le ministre des Affaires religieuses y avait même vu l’œuvre d’une "conspiration sioniste". Avec le mollah Qari Mushtaq, il avait coordonné cette impression à partir d’une traduction réalisée aux Etats-Unis. Ahmed Ghous Zalmai avait omis d’imprimer la version originale en arabe à côté de la traduction, comme le requiert le droit islamique. Selon des mollahs fondamentalistes, il contient des "erreurs" et des "conceptions erronées" du livre sacré.
Détenu au secret pendant plusieurs semaines, Ahmed Ghous Zalmai, père de cinq enfants, aurait déclaré au procureur qu’il regrettait d’avoir participé à l’impression du livre.
RSF 12.09.2008