Le cardinal Fernando Filoni, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples a en effet participé le 16 Mai, à un congrèsde l’Université pontificale urbanienne – dont il est le Grand chancelier – intitulé : « A l’écoute de l’Afrique : ses contextes, ses attentes, son potentiel ». Sa conférence avait pour thème : « Quel avenir pour l’Eglise et pour l’humanité vient de l’Afrique ? ». Il livre sa réflexion sur l’Afrique dans L’Osservatore Romano en italien de ce 17 mai 2012 sous le titre : « La nécessité de construire un avenir différent avec l’Eglise et pour l’homme ».
Consciente de sa culture
Revenant sur les synodes des évêques de 1971 et de 1974, ainsi que sur les rencontres théologiques à Dar-Es-Salaam (1976) et à Accra (1977), le cardinal rappelle qu’« il n’est pas possible d’annoncer l’Evangile sans un lien fort avec la réalité sociale africaine ».
En effet, durant ces rencontres, les théologiens africains ont refusé la théologie occidentale, « inadaptée à leur terre » et ont demandé une théologie « contextuelle », c’est-à-dire « attentive au contexte culturel et historique dans lesquels vivent les peuples africains ».
Il est donc nécessaire pour l’Afrique, poursuit le cardinal, d’élaborer une théologie « attentive au contexte dans lequel les Eglises africaines œuvrent et vivent ». C’est pourquoi il faut se demander « quelle est la modalité propre de la foi africaine », en se tournant « vers l’avenir », vers « le rôle que la foi africaine sera probablement appelée à jouer dans l’avenir de l’Eglise », souligne-t-il.
Le cardinal invite à « dépasser l’opposition stérile entre inculturation et libération », afin de parvenir à une rencontre « audacieuse mais féconde », entre la vie évangélique d’une communauté et la culture dans laquelle elle vit.
L’inculturation, explique-t-il, n’est pas « une simple adaptation de la proposition chrétienne selon les divers interlocuteurs » : c’est au contraire une « dynamique », qui fait naître, dans la créativité, une Eglise « vivante, fidèle à l’Evangile et bien consciente de sa culture ».
Pour le cardinal, trois figures synthétisent cette façon d’accueillir et de vivre la Parole de Dieu: « le prophète, qui actualise la réalité de Dieu dans l’histoire, le sage qui, sur cette base, parvient à concevoir la façon d’habiter le monde et enfin le poète, sensible à la nouveauté ».
Dans l’exhortation apostolique Africae munus, poursuit-il, Benoît XVI décrit le service de l’Eglise africaine en deux mouvements : le premier part du Christ, qui donne à l’Eglise le devoir de servir la réconciliation, la justice et la paix; le second part de l’Esprit qui donne à chacun une manifestation particulière de son pouvoir pour le mettre ensuite au service de tous. Ainsi, de ces deux mouvements, naît « une Eglise au service de sa mission, que l’Esprit soutient de ses dons ».
La clé de l’inculturation
Puisqu’il faut « élaborer une foi et un culte attentifs à l’expérience africaine » et qui sera, par son originalité, « capable d’éclairer des aspects originaux de la foi pour le bien de tous », le cardinal encourage à relever ce « grand défi théologique et ecclésial », notamment par un « travail rigoureux dans les universités et séminaires ».
Toute « formation théologique authentique », fait-il observer, s’engage à la fois dans la « communion » et la « créativité » : ainsi, l’attention aux « caractéristiques culturelles » et aux « modalités religieuses de la relation à Dieu de chaque peuple », tout en restant « dans un cadre catholique et de communion », exprimera « l’unique foi du Seigneur Jésus et la pluralité de ses formes historiques ».
Dans cette étude théologique, le cardinal invite à tenir compte du décret sur la formation sacerdotale Optatam totius (1965) qui donne la première place à l’enseignement du magistère, mais aussi le décret Ad gentes (1965) qui invite les jeunes Eglises à «assumer toutes les richesses des nations qui ont été données au Christ en héritage».
Ces deux indications, insiste-il, « ne se contredisent pas », elles dessinent ensemble un processus de transmission de la foi qui « réinsère la révélation et l’histoire dans la vitalité de ce corps vivant qu’est l’Eglise ».
L’étude théologique, précise-t-il, doit donc mener un travail « interprétatif », discernant ce qui est « fondamental » et ce qui au contraire représente « l’expression d’un temps révolu ou d’une culture différente de celle dans laquelle on vit ».
Cette étude, conclut-il, aidera à « incarner la foi et sa célébration de la façon la plus adaptée au monde et à la culture » dans lesquels vivent les communautés africaines. Et la transmission de la foi se fera au moyen d’une Eglise qui « prie, célèbre et témoigne ».
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