La belle du Sud “Arousse el-jounoub”, c’est ainsi qu’on a toujours appelé Ain Ebel, village frontalier qui, jadis disait-on, “ne dormait point tant que la pleine lune courtisait les étoiles dans son ciel”. Mais les années de guerre ont eu leur impact sur ce bourg pittoresque et accueillant. Aujourd’hui, ses fils sentent la nécessité de redonner à leur localité sa joie de vivre d’antan, de préserver sa mémoire, son message d’ouverture et de dialogue, de maintenir ses habitants sur place et d’appeler ceux qui se sont expatriés à y revenir. Ce fut l’objectif de la rencontre à Ain Ebel le 29 août, sous le label “de mémoire d’un village”.
Cette rencontre a été organisée par le mouvement “AWFA” avec l’étroite collaboration de la municipalité et les “amis de Sourat” l’infatigable Dr Issa Farkh en tête, qui ont mis leur expérience au service de cet événement.
Dans un précédent reportage (voir La Revue du Liban – nÞ 4224 du 22 au 29 août 2009, page 46.), nous avions dit: “Sourat fait école”.. De fait, c’est dans le même esprit qu’a eu lieu la soirée du 29 août à Ain Ebel, un événement qui fait, désormais, date et constitue le point de départ d’une nouvelle dynamique dans l’intérêt de la localité, de ses fils, des villages chrétiens de la région et du Sud frontalier.
Plus de 150 personnes ont fait le déplacement à partir de Beyrouth en pullman ou en voiture, pour participer à “Mémoire d’un village”. Aux côtés du président de la municipalité, Imad Khoury Sader et du curé de la paroisse, le R.P. Hanna Sleiman, s’étaient retrouvées près de 500 personnes, dont des habitants de la localité et des villages avoisinants, des membres de la Ligue maronite et, surtout, des Libanais intéressés de connaître les villages frontaliers et de leur témoigner leur solidarité.
Terre de dialogue
Situé à 125 km de Beyrouth au cœur de Jabal Amel, Ain Ebel fait partie du caza de Bint Jbeil. L’hiver, elle compte autour de 1.250 personnes, l’été 3 à 4.000 de ses fils viennent y passer des vacances ou un week-end, vu son cadre verdoyant et la fraîcheur de son climat. Les inscrits sont 11.000, dont un grand nombre a émigré au début du XXème siècle en Amérique latine et, avec la guerre du Liban, en Australie et au Canada.
Durant le mois d’août, Ain Ebel connaît une effervescence particulière avec les cérémonies et activités qui marquent la fête de la Vierge.
Le bourg compte une école secondaire privée des sœurs des Saints-Cœurs ayant 170 ans d’âge et une école secondaire officielle, ainsi qu’un centre hospitalier. Le président de la municipalité nous confie qu’un hôpital est en cours de construction, sur un terrain de 10 mille mètres, offert par le conseil municipal. D’autres projets sont sous étude pour maintenir les gens sur place et permettre à Ain Ebel de retrouver son rôle au Sud.
Durant la guerre de juillet 2006, 450 maisons ont été touchées, dont 120 complètement ou partiellement détruites. Mais aujourd’hui la reconstruction s’est faite à 95%.
Un riche passé
La soirée a démarré vers 18 heures, par une visite de la localité, notamment d’une maison ancestrale typique construite en terre battue.
A 19 heures, à l’église de la Vierge qui a plus de 150 ans, Joseph Khreich a fait un riche exposé sur la localité et son environnement au fil du temps.
Historien, auteur de plusieurs livres et président de la commission des chercheurs et professeurs au sein de la branche libanaise de l’Union catholique internationale de la presse, il a retracé la longue histoire de ce gros bourg sudiste qui plonge ses racines dans le néolithique, tel que le montrent les grottes découvertes dans les environs.
“Il y a 2.000 ans, affirme-t-il notamment, Ain Ebel s’est trouvé sur la route du Christ et de ses disciples jalonnant les sentiers libanais”. Il a, aussi, évoqué les origines du nom, les découpages successifs de la région sous les Omeyyades, les Croisés, les Ottomans… Renan y a séjourné et a emporté avec lui une sculpture découverte sur les lieux qui se trouve au Louvre.
Le 5 mai 1920, la localité a donné 98 martyrs au Liban dont des femmes et des enfants massacrés par les partisans de l’émir Fayçal qui voulait créer le grand Etat arabe. Feu le patriarche maronite, Mar Antonios Khreich (1975-1983) est fils de Ain Ebel, ainsi que plusieurs noms qui se sont distingués au service de l’Etat, de l’Armée, dans l’éducation, la politique, les lettres…..
Place à la musique Toute l’assistance s’est déplacée, ensuite, vers la cour extérieure de l’église pour assister au concert donné par Charbel Rouhana et son orchestre. Ce sympathique auteur-compositeur et interprète tient la vedette cette année. Il a animé plusieurs concerts à travers le pays et c’est toujours une joie que de l’écouter. Durant plus d’une heure et demie, il a offert de très beaux morceaux de son cru ou de grands noms et le public était ravi. Auparavant, le président de la municipalité a souhaité la bienvenue aux hôtes de la localité, par un mot poétique venu du cœur: “Nous voulons que Ain Ebel reste un espace de dialogue, de rencontre et d’ouverture”. Joëlle Hasrouni, jeune responsable de AWFA, a parlé du mouvement créé en 2006 dont cette soirée est leur première activité. “Notre rencontre aujourd’hui, dit-elle, est un message de solidarité et d’amitié, une démarche culturelle pour affirmer la présence chrétienne au Sud”. Place, alors, aux nourritures terrestres. Les kiosques installés sur la place du village, présentaient des produits du terroir, des manakish, des tartines de labné, des fruits, du blé bouilli dans un énorme chaudron et servi avec des grains de grenadiers. Des tables avaient été dressées et chacun a préparé son menu à son goût. Sur le chemin du retour, promesse était faite de retrouver les Ebliotes l’été prochain. Le mouvement des “amis de Ain Ebel” vient de naître. |
Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4226 Du 5 Au 12 Septembre 2009 |