Une vive polémique oppose depuis quelques semaines responsables religieux musulmans et dignitaires chrétiens, accusés de vouloir propager le christianisme en Algérie.
L’Église évangéliste est la principale cible de cette polémique, qui est relayée par une campagne de presse dans les journaux arabophones, alors que la presse francophone a ouvert un débat sur la place du christianisme en Algérie. Sur 33 millions d’habitants, les chrétiens en Algérie représentant quelque 11 000 personnes, toutes obédiences confondues, selon le ministère des Affaires religieuses. Ils sont en majorité catholiques.
La polémique est allée crescendo après la condamnation fin janvier à un an de prison avec sursis d’un prêtre catholique français d’Oran (Ouest), Pierre Wallez, pour avoir animé un culte auprès de migrants clandestins camerounais. Le tribunal a qualifié cette action de prosélytisme, tandis que pour Mgr Henri Teissier, archevêque d’Alger, il ne s’agissait pas de prosélytisme au sens de la loi de 2006, régissant le culte non musulman en Algérie. « Ce n’est pas un cas de prosélytisme puisqu’il s’agissait de chrétiens camerounais. C’est une application erronée de la loi », a dit notamment à l’AFP Mgr Teissier, qui s’est publiquement démarqué des activités évangélistes en Algérie. Au cours d’un reportage consacré par la radio publique algérienne à ce « phénomène d’évangélisation », Mgr Teissier a relevé que l’Algérie n’est pas le seul pays concerné par le mouvement évangéliste, et souligné que « les adeptes de l’Église catholique en Algérie ont été les plus visés » par les évangélistes.
Le président de l’association des ulémas (théologiens), Abderrahamne Chibane, affirme, pour sa part, que l’Algérie fait face à une vague d’évangélisation, notamment en Kabylie (Est). « L’Église évangélique cible la Kabylie supposée être le maillon faible, mais aussi Aïn Sefra, Sidi Bel Abbes, Mostaganem, Oran (Ouest) et le Sahara, à partir de Timimoun et de Tamanrasset », a-t-il dit. Le président du Haut Conseil islamique (HCI), cheikh Bouamrane, a néanmoins relativisé le phénomène en affirmant que le « prosélytisme existe depuis longtemps en Algérie, mais ces dernières années, il est devenu plus visible et les gens ont tendance à s’assumer au grand jour », profitant de la liberté de conscience et de culte garantie par la loi. M. Bouamrane a cependant reproché aux tenants de l’Église évangéliste de « baser leurs actions sur le dénigrement de l’islam, du prophète Mohammad et du Coran ». « Celui qui veut devenir chrétien est libre, mais on ne veut pas d’une action clandestine qui dévalorise l’islam », a-t-il dit. L’exercice de leur culte par les non-musulmans est soumis à une autorisation préfectorale et doit être accompli dans des lieux autorisés.
Pour Mustapha Krim, président du conseil de l’Église protestante d’Algérie, la campagne actuelle contre les activités chrétiennes « est une atteinte à la liberté de conscience ». Converti lui-même au christianisme à l’âge de 17 ans, il récuse l’accusation de prosélytisme. « Je pense que le prosélytisme en Algérie est surtout islamiste et s’il existe du côté des chrétiens il ne représente qu’un faible pourcentage », a-t-il dit au quotidien el-Watan. Pour un autre prélat, Youri Gensen, les protestants « n’ont ni un projet ni un travail de prosélytisme. Les gens viennent individuellement à la religion chrétienne, ensuite ils cherchent à s’agréger à une communauté existante ».
Le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah, a, de son côté, qualifié les évangélistes de « hors-la-loi » et les a accusés de « chercher à créer une minorité qui donnerait un prétexte aux puissances étrangères pour s’ingérer dans les affaires de l’Algérie ».
L'Orient le jour- 25/02/2008