Après cette conversation, le P. Reyes est passé à un échange de courriels avec son ami, puis à un échange de lettres qui aujourd’hui forment le contenu de l’ouvrage « Lettres entre Ciel et Terre » paru en italien aux éditions Cangalli, montrant qu’il est possible d’expliquer aux croyants et non croyants la valeur de la messe et la beauté de Dieu.
Les 12 lettres de l’ouvrage, qui sont écrites dans un langage accessible, expliquent pourquoi, pour être chrétien, il est fondamental de vivre l’Eucharistie.
Le P. Ricardo Reyes Castillo a étudié à l’Institut pontifical liturgique Saint Anselme de Rome. Son livre, qui en est à sa seconde édition, sera présenté par le cardinal Antonio Cañizares Llovera, préfet de la Congrégation pour le culte divin, et par le P. Giuseppe Midili, O. Carm., directeur du Bureau Liturgique Vicariat de Rome, lundi 15 avril, à la paroisse San Roberto Bellarmino (la paroisse dont le cardinal Bergoglio était titulaire).
Zenit – Don Ricardo, dites-nous tout d’abord comment vous est venue l’idée de ce livre.
P. Ricardo Reyes Castillo – Un de mes amis, avocat, un homme très cultivé, m’a dit un jour : « Ricardo, j’ai étudié dans des instituts catholiques, je connais la messe par cœur, mais j’ai des difficultés de cohérence quand je vais à la messe, car je me retrouve à dire tant de mots ou à faire tant de gestes dont je ne connais pas la vraie signification. Pour moi, paroles et gestes ont un poids ; je ne peux aller devant un juge et dire ou faire quelque chose qui n’a pas une intention bien précise ». Alors je me suis proposé de lui expliquer chaque mot ou geste de la messe, au début par de brefs messages par courriel, puis dans de vraies lettres qui ont pris la forme d’un livre.
Quel est le message de ce livre ?
Que le vrai changement liturgique passe par l’éducation liturgique. Selon moi, aujourd’hui il ne convient pas de s‘arrêter sur des grands concepts, d’autant que la culture dans laquelle nous vivons n’est plus une culture chrétienne ou de foi. Il faut repartir des bases : que signifie au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ? Que veut dire « le Seigneur soit avec vous » ? Concrètement qu’est-ce que les formules récitées durant la messe ont à voir avec notre vie ? Dans ce livre j’ai essayé de répondre à ces questions à travers 12 lettres, dans lesquelles j’ai suivi trois points: la partie de la Liturgie en question, un passage des Ecritures et mon expérience personnelle.
Quelle est votre expérience personnelle ?
La dernière année de l’écriture de ce livre, j’ai vécu des expériences de joie et de souffrance qui apparaissent continuellement dans les différentes lettres: de la mort d’un de mes amis les plus chers, jusqu’à la pastorale dans la paroisse de San Basileo, un quartier très difficile à Rome, derrière la prison de Rebibbia, caractérisé par des problèmes de drogue et de délinquance, mais en même temps riche en humanité. Me confronter à ces situations de mal-être m’a fait comprendre qu’on a besoin de revenir aux choses essentielles. J’en ai eu la confirmation en voyant tant de gens de la paroisse, des gens simples, qui ont lu mon livre et l’ont compris, qui ont trouvé des réponses, ont été aidés à mieux vivre la célébration. Cela fut une grande consolation pour moi.
Avez-vous eu des difficultés à rendre clairs ces thèmes ?
Certes, le travail n’a pas été facile. Ce livre est né d’une demande de mon ami mais il est né aussi du « défi » que le cardinal Cañizares m’a lancé après la discussion de la thèse pour mon doctorat en Liturgie sacrée à Saint-Anselme. Le cardinal m’a dit: « Bravo, mais maintenant tu dois ‘traduire’ tout ce que tu as écrit dans la thèse et le transmettre aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui ». Mes études m’ont beaucoup aidé dans ce travail, mais aussi des œuvres d’auteur comme Luis et Tolkien qui dans leurs livres ont traduit de très grands concepts de notre foi dans un langage attirant pour les gens ordinaires. Je crois qu’il est très important, surtout aujourd’hui, d’introduire le chrétien à certaines notions qui sont à la base de sa foi. J’ai cherché à le faire, mais en évitant un langage ‘infantile’, en suivant plutôt le style d’un manuel, un manuel ‘simple’ que l’on peut lire d’un trait tout en étant un outil d’approfondissement.
Un style qui rappelle celui des homélies et des discours du pape François: essentiels, brefs, efficaces, riches de contenus. Que pensez-vous de ce pape ?
Je suis très reconnaissant à Dieu pour ce pape. C’est une bouffée d’espérance qui m’a donné personnellement ce désir de repartir, de recommencer. Cette joie que je vois chez ces personnes, grâce à lui, est un bel encouragement, cette joie que je vois chez mes paroissiens, chez toutes ces personnes qui viennent se confesser parce que le pape a dit que Dieu est miséricordieux. Mais je pense qu’il nous faut attendre encore un peu pour mieux le connaître et comprendre quel est son vrai « style ». D’un point de vue liturgique aussi…
Votre livre précédent parlait de « l’unité dans la pensée liturgique de Joseph Ratzinger ». Voyez-vous des éléments de continuité entre les deux papes, notamment sur le plan liturgique?
Ce que nous a laissé la liturgie de Ratzinger, n’est pas une modalité, mais un équilibre. Benoît XVI a ouvert une fenêtre vers certains aspects, comme par exemple la dimension eschatologique de l’Eucharistie, ce « ciel qui s’ouvre », ou le concept de l’orientation, c’est-à-dire combien il est important de prier tournés vers l’Est. Mais aussi le crucifix sur l’autel, le latin et ainsi de suite. La grandeur de Ratzinger, a été de nous éclairer sur l’importance des aspects traditionnels, sans prétendre devoir y revenir, mais pour en découvrir seulement la valeur afin de les utiliser dans les formes actuelles. Le pape François rapporte tout ce que son prédécesseur avait introduit à une dimension de simplicité. Mais une chose n’empêche pas l’autre. Il faut sortir de cette vision dualiste de la liturgie: ou réformiste ou traditionnaliste. La liturgie est vaste, c’est d’ailleurs toute sa beauté, et nous devrions être en mesure de lire la beauté de la simplicité liturgique que nous donne le pape Bergoglio, sans penser qu’elle est forcément à l’opposé de celle qui nous est offerte par Benoît XVI. Au contraire, je pense vraiment que le grand enseignement de Benoît XVI, bien qu’on dise qu’il soit traditionnaliste, nous a préparé à accueillir la simplicité du pape François.
Dans votre livre, vous parlez beaucoup de la souffrance de l’homme d’aujourd’hui, faute d’une déchristianisation et d’une foi en crise. Quelle réponse donnez-vous dans votre livre ?
La réponse est : il faut revenir à l’Eucharistie, qui est le cœur de notre foi, source et fin de notre « être » chrétiens. Au fond, nous sommes appelés à être une Eucharistie vivante, à être des hommes et des femmes capables de se couper en quatre pour les autres. Donc, nous devons recommencer à découvrir cette nourriture spirituelle. C’est en vivant l’Eucharistie que nous vivons. Ce n’est pas une chose en plus qui pourrait aider, mais la première exigence du chrétien aujourd’hui, en plus d’un don parmi ceux que le Seigneur nous a laissés et que nous devons vivre jusqu’au bout, autrement nous ne vivons pas notre baptême, mais vivons « brisés à l’intérieur de nous ».
Traduction d'Océane Le Gall
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