Reporters sans frontières est choquée par l’assassinat, le 5 septembre 2010, d’Alberto Tchakussanga, animateur en langue umbundu à Radio Despertar, une station privée née des accords de paix entre le pouvoir et l’Union Nationale
pour l’Indépendance Totale de l’Angola (UNITA), ancienne opposition armée. Le mobile de l’homicide reste inconnu à ce jour. Alberto Tchakussanga est le premier journaliste tué en Angola depuis 2001.
"Tout en exhortant les acteurs politiques à ne pas politiser ni envenimer cette affaire, nous sommes frappés par la coïncidence entre ce tragique incident et la crispation politique observée ces derniers temps entre le MPLA (parti au pouvoir) et l’UNITA (opposition), dont la radio est proche. C’est pourquoi nous recommandons qu’aucune piste, ni professionnelle ni politique, ne soit écartée. Nous demandons aux autorités de garantir qu’une enquête approfondie fera la lumière sur cet assassinat, véritable coup de tonnerre pour la liberté d’expression en Angola", a déclaré l’organisation.
Le 5 septembre, à l’aube, Alberto Tchakussanga a été retrouvé mort dans la cuisine de sa résidence du quartier Viana, à Luanda. L’animateur a été touché d’une balle dans le dos tirée à l’arme silencieuse par des inconnus. Sa belle-soeur, présente dans la maison, affirme n’avoir entendu aucun coup de feu.
Deux jours plus tard, lors d’une conférence de presse, le porte-parole du MPLA, Rui Falcão, s’en est directement pris à la ligne éditoriale de la station en ces termes : "Radio Despertar, affiliée au parti UNITA, lance des appels successifs à la désobéissance civile. C’est une situation grave qui nous préoccupe, c’est la raison pour laquelle j’en appelle à tous les militants du parti, aux sympathisants, aux amis en vue de ne pas réagir à une quelconque provocation, incitation ou invitation qui contrarient la loi et l’ordre. (…) L’attitude et les appels de Radio Despertar sont basés sur les discours que les dirigeants de l’UNITA, en particulier son président, Isaias Samakuva, prononcent de plus en plus ces derniers jours". Dans la foulée, un communiqué du ministère de la Communication a brandi la menace d’une action judiciaire contre la radio et a invité différentes entités à "prendre leurs responsabilités à l’égard de Radio Despertar", citant par exemple le Conseil National de Communication Sociale (CNCS), l’instance de régulation des médias.
Le 2 septembre, soit trois jours avant l’assassinat d’Alberto Tchakussanga, le MPLA avait déjà mis en garde les citoyens angolais qui, d’après lui, "conspirent" avec l’étranger pour dénigrer le président de la République, José Eduardo dos Santos, et son gouvernement.
Le journaliste était marié et âgé de 31 ans. Outre la collaboration avec la radio, qui assurait sa popularité au sein de l’ethnie umbundu (majoritaire en Angola et base sociale de l’ancienne rébellion que menait l’UNITA), Alberto Tchakussanga était professeur à la faculté des lettres de l’université publique "Agostinho Neto".