Le P. Cantalamessa a en effet annoncé des prédications de carême à l’école des « Pères de l’Eglise » en tant que « maîtres de la foi ». Le fil conducteur de cette présentation des « géants de la foi », est un verset de l’Epître aux Hébreux (13, 7) : « Souvenez-vous de vos chefs (…) et imitez leur foi ». Le prédicateur rappelle que l’Eglise est en train de se préparer à l’Année de la foi (11 octobre 2012-24 novembre 2013). Dans ses quatre prédications, il se propose de « redonner de la fraîcheur à notre « croire », grâce à un contact renouvelé avec les « géants de la foi du passé ».
A l’école des géants
Ces quatre prédications ont lieu en la chapelle « Redemptoris Mater » du palais apostolique du Vatican, à 9 h, le vendredi, les 9, 16, 23 et 30 mars.
Le prédicateur précise son optique qui n’est pas de chercher chez les Pères des recettes pour aujourd’hui mais de se laisser vivifier par leur foi: « Ce que nous voudrions apprendre des Pères n’est pas tellement ce qu’il faut faire pour annoncer la foi au monde, autrement dit, l’évangélisation, ni comment la défendre contre les erreurs, c’est-à-dire l’orthodoxie ; il s’agit plutôt de voir comment on peut approfondir notre foi, redécouvrir, dans leur sillage, la richesse, la beauté et le bonheur de croire, de passer, comme dit Paul, « de foi en foi » (Rm 1,17), d’une foi crue à une foi vécue. Cette foi, en grandissant de « volume » à l’intérieur de l’Eglise, constituera ensuite la force majeure de son annonce au monde, et le meilleur des remparts autour de son orthodoxie ».
Il rappelle le diagnostic du Père de Lubac : « Il n’y a jamais eu de renouveau de l’Eglise qui, dans l’histoire, ne soit aussi passé par un retour aux Pères « , et « le Concile Vatican II, dont on s’apprête à commémorer le 50eanniversaire ne fait pas exception ».
La foi d’Athanase et sa formulation
Le prédicateur fait observer la façon dont « le dogme qu’Athanase nous aide à « réveiller » et à faire resplendir dans toute sa gloire est celui de la divinité du Christ ; pour elle, il subit sept fois l’exil. »
Il précise le rôle du grand alexandrin « d’avoir levé les obstacles qui entravaient jusqu’ici une reconnaissance pleine et sans réticences de la divinité du Christ dans le contexte culturel grec. »
Pour ce qui est de la formulation de la divinité du Christ au Concile de Nicée (325, aujourd’hui en Turquie), le P. Cantalamessa, souligne la conquête qu’elle représente, non pas dans la « foi » en la divinité du « Fils » mais dans son expression en contexte hellénique : « La définition de l’homoousios, du « genitus non factus », [« engendré, non pas créé », ndlr] lève à jamais le principal obstacle de l’hellénisme à la reconnaissance de la pleine divinité du Christ (…). Par cette définition, une seule ligne de démarcation est tracée sur la verticale de l’Etre et cette ligne ne sépare pas le Fils du Père, mais le Fils des créatures ».
La conquête d’une vie
En d’autres termes : « A chaque époque et culture, le Christ doit être proclamé « Dieu », non pas dans une quelconque acceptation dérivée ou secondaire, mais dans l’acceptation la plus forte que le nom de « Dieu » trouve dans cette culture ».
Voilà en quoi Athanase est un géant : « Athanase a fait de l’entretien de cette conquête, le but de sa vie. Quand tous – empereurs, évêques et théologiens – oscillaient entre un refus ou une tentative d’accommodement, lui, restait imperturbable. Il y a eu des moments où la future foi commune de l’Eglise vivait dans le cœur d’un seul homme : le sien. C’est l’attitude qu’on avait vis-à-vis lui, qui décidait de quel côté chacun était ».
Pourtant le prédicateur ne s’arrête pas à la « définition » de foi dans ce qu’elle pourrait avoir de statique, car ce que vise Athanase, c’est d’annoncer aux hommes qu’ils sont « sauvés » par le Christ : « Plutôt que d’insister sur la foi d’Athanase en la pleine divinité du Christ, que l’on connaît et qui est incontestable, il est important de savoir ce qui motive sa bataille, d’où lui vient une certitude aussi absolue. Pas de la spéculation, mais de la vie; plus précisément, d’une réflexion sur l’expérience que l’Eglise fait du salut en Jésus Christ. »
La tentation de répondre trop vite
Et plus encore, ce qu’Athanase proclame interpelle aujourd’hui encore directement le baptisé : « Nous devons nous laisser frapper en plein visage par cette question, si respectueuse mais si directe de Jésus: « Mais vous, qui croyez-vous que je suis ? », et par cette question encore plus personnelle : « Crois-tu ? » Crois-tu vraiment ? Crois-tu de tout ton cœur ? Saint Paul dit que « celui qui croit du fond de son cœur devient juste ; celui qui, de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut » (Rm 10,10). Autrefois, la profession de la foi, qui est le second moment de ce processus, pouvait prendre une telle importance qu’elle finissait par laisser dans l’ombre ce premier moment, qui est le plus important et qui a lieu dans les profondeurs secrètes du cœur. « C’est de la racine du cœur que monte la foi », s’exclame saint Augustin. »
Le prédicateur secoue la conscience chrétienne: « Il nous faut peut-être démolir en nous, croyants, et en nous, hommes d’Eglises, cette fausse persuasion de croire déjà que tout va bien pour nous au plan de la foi. Il nous faut provoquer le doute – non sur Jésus, bien entendu, mais sur nous – pour pouvoir ensuite partir à la recherche d’une foi plus authentique. Mais qui sait si ce n’est pas un bien de ne vouloir rien démontrer à personne, pendant quelque temps, pour intérioriser cette foi, redécouvrir sa racine dans le cœur ? »
Ce réveil, cette interpellation au cœur, c’est ce que Pierre a vécu, face au Christ ressuscité, un matin, au bord du lac, fait observer le P. Canatalamessa : « Jésus demande trois fois à Pierre : « M’aimes-tu ? ». Il savait que la première et seconde fois, la réponse était venue trop vite pour être la bonne. Finalement, la troisième fois, Pierre comprend. Voilà comment nous devons nous interroger sur notre foi : trois fois de suite, avec insistance, jusqu’à ce que, nous aussi, nous prenions conscience et que nous entrions dans la vérité : « Crois-tu ? Crois-tu vraiment? ». Il se peut que nous arrivions finalement à dire : « Non, Seigneur, je ne crois pas vraiment de tout mon cœur et de toute mon âme. Augmente ma foi ! ». »
L’expérience du salut
Enfin, le prédicateur tire de l’expérience d’Athanase cette autre enseignement pour le chrétien aujourd’hui : « Il est impossible de croire en la divinité du Christ sans avoir fait l’expérience du salut apporté par le Christ. Sans cette expérience, la divinité du Christ devient facilement une idée, une thèse, et l’on sait bien qu’à une idée peut s’opposer une autre idée, à une thèse une autre thèse. Il n’y a qu’à la vie, disaient les Pères du désert, qu’on ne peut rien opposer. »
Comment faire cette expérience ? Il répond : « L’expérience du salut se fait en lisant la parole de Dieu (et en la prenant pour ce qu’elle est, la parole de Dieu!), en administrant et recevant les sacrements, surtout l’Eucharistie, lieu privilégié de la présence du Ressuscité, en exerçant les charismes, en entretenant un contact avec la vie de la communauté des croyants, en priant ».
Et de conclure : « Avec la foi en la divinité du Christ :Dieu est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous; le Christ, est le ressuscité qui vit dans l’Esprit; l’Evangile, parole définitive de Dieu à l’humanité entière; l’Eglise, sacrement universel de salut; l’évangélisation, partage d’un don; la liturgie, rencontre joyeuse avec le Ressuscité; la vie présente, début de l’éternité. »
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