Quand l'idée d'organiser une Journée mondiale de la jeunesse fut lancée, en 1983, le Vatican se montra sceptique, jugeant ce projet totalement irréaliste. Aujourd'hui, comme en témoigne l'expérience de Sydney, ces Journées sont devenues l'un des événements d'évangélisation les plus importants dans l'Eglise.
Le cardinal Paul Josef Cordes, aujourd'hui président du Conseil pontifical « Cor Unum », était alors vice-président du Conseil pontifical pour les laïcs. Le 15 mars dernier, à l'occasion des 25 ans de la fondation du Centre international de jeunes San Lorenzo, à Rome, depuis toujours intimement lié aux JMJ, il a raconté l'histoire inédite de la création de ces Journées.
L'idée de ces journées est née durant l'Année sainte exceptionnelle1983/84. La cité éternelle abondait d'associations, de sociétés, de confréries et de groupes en tout genre. Un des volontaires du Centre San Lorenzo, Don Massimo Camisasca de Communion et Libération, avait dit : « Pourquoi, en cette Année sainte, n'organiserions-nous pas aussi une rencontre internationale des jeunes ? » Je répondis : « L'idée est intéressante, mais qui va l'organiser ? » Il me paraissait évident qu'une initiative de ce genre allait au-delà des possibilités du Conseil pontifical pour les laïcs ; que cela n'était envisageable que dans la mesure où toutes les forces spirituelles du Centre San Lorenzo se seraient mises à pied d'œuvre. Nous les avons réunies et avons réussi à les convaincre de nous donner leur disponibilité, contre l'avis de certains de leurs dirigeants plus âgés qui, en raison de mauvaises expériences lors d'un rassemblement analogue durant l'Année sainte de 1975, avaient émis de nombreuses réserves. Mais, grâce à Dieu, les sceptiques n'ont pas réussi à éteindre la fraîche sérénité ni briser le jeune élan des autres.
Plus la première Journée de la jeunesse approchait, plus les résistances extérieures se multipliaient. De certains diocèses, que nous avions invités, provenaient des critiques comme : « Ce n'est pas au Vatican de s'occuper de nos jeunes ». Le maire (communiste) de Rome était revenu au dernier moment sur des autorisations déjà accordées, si bien qu'il avait été impossible de dresser, comme nous l'avions prévu, des tentes dans le parc de la Pineta Sacchetti pour y installer des logements déjà attribués. Certains quartiers se mobilisèrent contre la prétendue invasion de jeunes bruyants. Aux écologistes s'associèrent des journalistes pour sonner l'alarme sur d'éventuels dommages dans les jardins et les zones publiques de la ville. On lisait dans les journaux des titres comme « les Huns arrivent ».
Et pourtant, malgré notre totale inexpérience en fait de méga rassemblements et malgré tous les obstacles rencontrés, la grande rencontre fut un triomphe. Quelque chose comme trois cent milles jeunes avaient accueilli l'invitation du pape et participé à la messe du dimanche des rameaux, sur la place Saint-Pierre. La masse d'étrangers était surdimensionnée pour la ville, même pour une ville comme Rome, et pourtant tout s'est déroulé dans un tel ordre et de façon si exemplaire que le monde entier en est resté stupéfait. Le cardinal doyen Confalonieri, alors âgé de 91 ans, qui avait suivi quelques phases de la fête des jeunes du haut de la terrasse de la Basilique vaticane, avait dit : « Même les Romains les plus vieux ne possèdent pas de tels souvenirs ».
Au Conseil pour les laïcs, nous étions à bout de force. Depuis six mois nous n'avions eu d'autres pensées que la Journée mondiale de la jeunesse. Tout le reste avait été mis de côté. On pouvait bien nous reprocher d'y avoir cru et de l'avoir voulue ; en effet nous avons payé notre dette envers la jeunesse mondiale jusqu'au dernier centime. Evidemment le pape Jean Paul II avait une tout autre opinion. Peu avant les vacances d'été il nous dit : « L'année prochaine a été proclamée par l'ONU l'Année de la Jeunesse. Ne serait-il pas opportun de réinviter la jeunesse du monde à Rome ? ».
Face à cette proposition, il est compréhensible que notre enthousiasme fut très contenu. Il nous restait très peu de temps pour tout préparer, car la pause des vacances d'été, avec ses deux mois d'interruption, était aux portes, et la date à fixer aurait de nouveau été le Dimanche des Rameaux. Sans compter qu'il nous fallait de nouveau prétendre pendant 6 mois que les groupes du Centre San Lorenzo se mettent à notre disposition et s'impliquent dans une nouvelle Journée de la Jeunesse. Mais nous devions dire oui au pape, tout d'abord parce que c'était le pape, et puis parce que nous avions vu par nous-mêmes que la première Journée de la Jeunesse avait donné un bel élan de foi à de très nombreux jeunes. Notre bonne disposition fut très vite récompensée, et une bonne partie de nos préoccupations s'envolèrent : Chiara Lubich, la fondatrice des Focolari, avait mis à notre disposition toutes les forces de son mouvement, de manière à ce nous puissions nous appuyer sur une organisation déjà rôdée.
Pour la deuxième fois, la participation des jeunes fut océanique : à la liturgie de clôture devant la basilique du Latran on comptait près de 250.000 fidèles. Au Conseil pour les laïcs, nous aurions voulu refermer le chapitre « jeunes » pendant quelque temps ; car tant d'autres tâches nous attendaient. Le lundi saint, au bord du surmenage, je me suis réfugié en Allemagne pour pouvoir finalement dormir et me reprendre un peu de toute cette fatigue. Le Dimanche de Pâques, j'a suivi à la télévision la messe célébrée place Saint-Pierre. L'homélie du pape, alors encore jeune, m'avait enthousiasmé. Mais voilà qu'un passage a commencé à m'irriter : le pape, d'une belle voix forte et pleine d'élan disait : « J'ai rencontré dimanche dernier des centaines de milliers de jeunes ; l'image solennelle de leur enthousiasme s'est gravée dans mon âme. Je voudrais renouveler cette magnifique expérience dans les années à venir et ainsi lancer une rencontre internationale de la jeunesse le dimanche des Rameaux… ». Le Saint-Père y avait pris goût, et avait instauré une nouvelle tradition dans l'Eglise catholique.
Voila comment nous avons commencé à célébrer ces Journées mondiales de la jeunesse. Une Journée qui toucha divers pays à travers la planète, alternant les rassemblements mondiaux et des manifestations organisées par les Eglises locales. C'est Buenos Aires qui commença, en Argentine, suivie des Etats-Unis, puis de l'Europe et de l'Asie. Les plus grandes furent celle de Paris et celle de Rome durant l'Année sainte de l'An 2000. Le pic du nombre de jeunes fut atteint aux Philippines, où se rassemblèrent près de 4 millions de personnes en liesse. Les média étaient tous d'accord : la famille des peuples n'avait encore jamais assisté à un tel événement ; un événement auquel une si grande multitude de personnes avaient assisté spontanément et le cœur empli d'une joie immense.
Traduit de l'italien par Isabelle Cousturié
ROME, Mardi 15 juillet 2008 (ZENIT.org)