Pour cela, l'Eglise a besoin de crédibilité et de transparence, a déclaré mardi le père Federico Lombardi S.J., directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, durant son intervention devant les quelque 230 communicateurs de 83 pays participant ces jours-ci au congrès mondial de la presse catholique convoquée par le Conseil pontifical pour les communications sociales.
Le père Lombardi a reconnu que les violentes réactions qui se vérifient parfois contre l'Eglise dans les médias sont compréhensibles, à un moment où le message chrétien va « à contre-courant dans le monde sécularisé », et qu'il est « sans défense », car l'Eglise n'a pas beaucoup de moyens pour se défendre.
Il s'avère néanmoins que, durant ces années, il n'y a pas eu que des attaques et des crises de communication. Le Saint-Siège a en effet connu de grands succès de communication, comme les voyages de Benoît XVI au Royaume Uni, en France ou aux Etats-Unis, ou l'accueil médiatique extraordinaire reçu par l'encyclique « Caritas in veritate ».
Pour que les crises se transforment en opportunités, le père Lombardi, qui est aussi directeur de « Radio Vatican » et du Centre télévisé du Vatican, estime nécessaire que l'Eglise agisse avec « crédibilité et transparence ».
Pour ce qui est de la « crédibilité de la personne », a-t-il expliqué, « dans le cas des deux derniers papes celle-ci est très visible », comme le montrent « la foi et la cohérence courageuses des prises de position, l'absence totale de recherche de consensus pour eux-mêmes ».
Benoît XVI, a-t-il ajouté, a montré qu'il avait « la capacité de s'exposer personnellement face à une controverse ». Il suffit de penser aux lettres envoyées aux évêques après la question des lefebvristes et de l'affaire Williamson, et à la lettre aux catholiques irlandais.
De cette façon, dans ce pontificat aussi, « le rapport personnel avec les personnes, son style, est en train de prendre de plus en plus d'importance ».
Selon le père Lombardi, l'affaire des abus sexuels pose le défi profond de la crédibilité de l'Eglise et de sa transparence.
« Il y a eu une grande perte de confiance en l'Eglise, en partie justifiée et en partie causée par la présentation négative et partielle des problèmes, mais les dégâts produits, comme dit le pape, peuvent être compensés par un bien, si l'on va dans la direction de la purification profonde et du renouvellement de manière à ce que cette plaie soit surmontée de façon stable ».
Le second point clef permettant de faire face aux controverses est justement la transparence, a dit le père Lombardi, « la loyauté dans la façon d'appréhender et d'affronter les problèmes moraux et de l'institution ».
Le porte-parole du Saint-Siège a fait valoir que cette leçon ne s'appliquait pas seulement à la question des abus sexuels mais, de façon plus générale aussi, à la dimension économique administrative, affirmant : « Je crois que les scandales auxquels l'opinion publique est aujourd'hui plus sensible sont ceux du sexe et de l'argent ».
« Une Eglise crédible aux yeux du monde est une Eglise pauvre et honnête dans l'usage qu'elle fait de ses biens, capable de rendre compte de cet usage, qui s'insère de manière loyale et légale dans le réseau des rapports économiques et financiers, sans rien avoir à cacher », a-t-il commenté.
« Je suis sûr des correctes intentions des responsables des institutions économiques du Vatican, mais il y a encore du chemin à faire avant d'être tout à fait capable de convaincre efficacement l'opinion publique – avec les outils ordinaires de la communication de manière transparente et convaincante – des justes finalités et des opérations qui sont entreprises. Et ce que je dis pour le Vatican vaut naturellement à tous les niveaux de l'Eglise et pour nos communautés, de la même manière », a conclu le porte-parole.
Pour sa part, le directeur de « L'Osservatore Romano », Giovanni Maria Vian, a attribué les difficultés rencontrées « au peu d'attention générale qui est portée à l'information et à la formation, tant dans le monde qu'à l'intérieur du catholicisme ; aux critiques extérieures, légitimes tant qu'elles ne sont pas fondées sur le mensonge, mais également internes, qui ont produit, ces derniers temps, de nouveaux stéréotypes négatifs du Saint-Siège, considéré comme ‘obscurantiste' et ‘ennemi' de la science, incapable de suivre le mouvement des médias ».
Selon Giovanni Maria Vian, « il vaut la peine de s'engager dans ce travail d'information, avec une attention au monde, pas seulement aux petites réalités internes, pour contribuer à la croissance, dans la politique et dans la religion ».
« Nous catholiques ne parlons pas une langue différente, compréhensible qu'entre nous ; nous devons avoir humblement conscience d'être en possession de quelque chose de précieux à faire transparaître car les chrétiens, bien que non différents des autres hommes, sont l'âme du monde », a-t-il expliqué.
Dans son intervention, John Thavis, responsable des correspondants de l'agence Catholic News Service (CNS), mise en place par la Conférence épiscopale des Etats-Unis, a quant à lui illustré la façon dont les journalistes catholiques aux Etats-Unis ont modifié, ces vingt dernières années, leur manière de traiter l'information relative aux abus sexuels commis par des membres du clergé.
Quand la crise a commencé, dans les années 90, a-t-il dit, beaucoup de quotidiens catholiques hésitaient à affronter ces histoires, mais quand le scandale a atteint son vrai point critique en 2002, un grand changement s'est vérifié, « en premier lieu parce qu'ils étaient nombreux dans la presse catholique à partager le sentiment d'indignation face à ces révélations ».
Quand le scandale a éclaté aussi en Europe, au début de l'année, et que beaucoup de quotidiens laïcs paraissaient vouloir en attribuer la responsabilité au pape Benoît XVI, la presse catholique savait que le pape avait été « méthodique, déterminé et patient » dans son approche face au problème dès les années 90, a-t-il dit.
« Ce qui m'inquiète c'est que les communicateurs catholiques, avec leurs intentions, dans un contexte comme celui-ci, et leur soucis de traiter correctement les questions d'abus sexuels, n'ont pas eu de grand impact au-delà de leur public limité », a reconnu John Thavis.
« Parfois, nous nous sentons frustrés devant la façon dont l'Eglise est traitée par les principaux médias, et cette frustration se traduit souvent par une forme de discussion à circuit fermé entre nous. Il y a le risque d'être trop ‘auto circonstanciel' », a-t-il déploré.
John Thavis a donc conclu par une question aux journalistes catholiques présents au congrès : « Comment communiquons-nous vraiment avec le monde moderne, le monde plus large, au-delà de nos frontières ecclésiales ? ».
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