C'est dans l'espoir d'une « nouvelle Pentecôte » qui les renouvellerait que le pape Benoît XVI a donné hier le coup d'envoi d'une assemble spéciale du synode des évêques consacré aux « vénérables » Églises du Moyen-Orient. L'assemblée se tiendra jusqu'au 24 octobre.
La messe solennelle célébrée à Saint-Pierre de Rome, à cette occasion, a permis au pape de justifier son appel. C'est dans cette partie du monde, a-t-il dit, que « le dessein universel de salut dans l'amour » s'est manifesté dans l'histoire. « Et nous aussi, a-t-il enchaîné, en tant que croyants, nous regardons vers le Moyen-Orient avec ce même regard, dans la perspective de l'histoire du salut. C'est cette optique intérieure qui m'a guidé dans les voyages apostoliques en Turquie, en Terre sainte – Jordanie, Israël, Palestine – et à Chypre, où j'ai pu connaître de près les joies et les préoccupations des communautés chrétiennes. C'est pour cela que j'ai accueilli volontiers la proposition des patriarches et des évêques de convoquer une assemblée synodale afin de réfléchir ensemble, à la lumière de l'Écriture sainte et de la Tradition de l'Église, sur le présent et sur l'avenir des fidèles et des populations du Moyen-Orient. »
Dans la pensée du pape, la sollicitude pour les chrétiens du Moyen-Orient est inséparable de celle qu'il nourrit à l'égard de toutes les autres communautés. Réfléchir « au présent et à l'avenir des chrétiens », c'est indissolublement réfléchir à ceux de leurs compatriotes musulmans.
Dans son homélie, le pape n'en a fait, à aucun moment, explicitement mention. Mais ce qui inquiète les Églises locales, et les documents préparatoires au synode le disent clairement, c'est le mouvement d'émigration des chrétiens hors du Moyen-Orient, avec une prédilection spéciale pour les fidèles de Terre sainte, berceau géographique, humain et culturel du christianisme.
Les chiffres à cet égard parlent d'eux-mêmes. Moins de 2 % de chrétiens palestiniens dans la Palestine historique ; Bethléem, Jérusalem, vidés de leurs chrétiens ; 0,2 % de chrétiens en Turquie où ils représentaient 20 % de la population au début du XXe siècle ; 600 000 chrétiens en Irak où, il y a seulement 20 ans, ils étaient 1,2 million.
Le problème majeur
Les causes de cette hémorragie sont multiples et le synode est appelé à les articuler clairement. On prête à Benoît XVI l'idée que le problème majeur qui se pose aujourd'hui, non pas seulement au Moyen-Orient, mais dans le monde, ce sont les rapports avec l'islam. Les courants islamiques extrémistes, certaines expressions étatiques de l'islam, qui ont tendance à se radicaliser, sont bien sûr en cause.
Mais rejeter l'essentiel de la responsabilité sur la cohabitation de plus en plus difficile avec l'islam – ou le Judaïsme – ne répond pas entièrement des faits. Des conditions économiques difficiles sont également en cause. Le chômage, le retard dans le décollage économique, les régimes corrompus sont certainement en cause, ainsi d'ailleurs que l'inégalité des échanges internationaux, la course aux armements, les politiques internationales basées essentiellement sur la recherche de l'intérêt économique ou stratégique des grandes puissances.
En outre, si, pour endiguer l'émigration – on ne pourra jamais arrêter complètement la mobilité humaine -, il faut agir sur le politique, l'économique et le social, il ne faudra pas oublier le spirituel. Les départs ne sont pas seulement physiques. Il en est de spirituels. Ce sont ceux des chrétiens atteints par l'indifférentisme, qui fait des ravages en Europe et dans les pays occidentaux, mais qui, véhiculé par la culture de ces pays et les médias, fait oublier aux chrétiens d'Orient leur identité.
Ce sont toutes ces considérations que l'assemblée synodale va examiner à partir d'aujourd'hui, dans un processus bien rodé où, selon un document synodal, « alterneront successivement l'analyse et la synthèse, la consultation des parties intéressées et les décisions prises par les autorités compétentes, suivant une dynamique qui permet la vérification continue des résultats atteints et la programmation de nouvelles propositions ».
Mais par-delà ce savant dosage, le succès du synode dépend de la bonne volonté des 185 évêques réunis, pour la première fois, autour du pape, « signe visible de l'unité de l'Église », comme l'a rappelé, dans une intention de prière, l'émir Hareth Chéhab, lors de la messe d'ouverture à Saint-Pierre.
Dans son homélie, Benoît XVI a rappelé que le but du synode est « principalement pastoral, même si l'on ne peut pas ignorer la délicate et parfois dramatique situation sociale et politique de certains pays ».
« Les premiers chrétiens, à Jérusalem, étaient peu nombreux, a enchaîné le pape. Personne n'aurait pu imaginer ce qui s'est réalisé par la suite. Et l'Église vit toujours de cette même force qui l'a fait partir puis croître. La Pentecôte est l'événement originaire, mais est aussi un dynamisme permanent, et le synode des évêques est un moment privilégié dans lequel peut se rénover dans le chemin de l'Église la grâce de la Pentecôte. »
S'il y a un miracle à espérer, ce sera, d'abord, de ce côté-là. Le synode apportera du nouveau, s'il est lui-même un moment de renouveau.
« Le salut passe par une médiation historique », souligne le pape dans son homélie
Voici de larges extraits de l'homélie prononcée par Benoît XVI hier, au cours de la messe solennelle d'ouverture du synode, en présence de tous les membres de cette assemblée :
« Élevons tout d'abord notre remerciement au Seigneur de l'histoire parce qu'il a permis que, malgré les vicissitudes souvent difficiles et tourmentées, le Moyen-Orient voit toujours, depuis le temps de Jésus jusqu'à aujourd'hui, la continuité de la présence des chrétiens. En ces terres, l'unique Église du Christ s'exprime dans la variété des traditions liturgiques, spirituelles, culturelles et disciplinaires des six vénérables Églises orientales catholiques.
« Le salut est universel, mais il passe par une médiation déterminée, historique. La porte de la vie est ouverte pour tous, mais il s'agit bien d'une "porte", c'est-à-dire d'un passage défini et nécessaire. (…) C'est le mystère de l'universalité du salut et, en même temps, de son lien nécessaire avec la médiation historique du Christ, précédée par celle du peuple d'Israël et prolongée par celle de l'Église. (…) Ainsi il se révèle comme le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui veut conduire son peuple à la "terre" de la liberté et de la paix. Cette "terre" n'est pas de ce monde, tout le dessein de Dieu dépasse l'histoire, mais le Seigneur veut le construire avec les hommes, par les hommes et dans les hommes, à partir de coordonnées spatiales et temporelles dans lesquelles ils vivent et que Lui-même a données.
« Ce que nous appelons "le Moyen-Orient" fait partie, avec sa propre spécificité, de telles coordonnées. Cette région du monde, Dieu la voit aussi d'une perspective différente, nous pourrions dire "d'en haut" : c'est la terre d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ; la terre de l'exode et du retour de l'exil ; la terre du temple et des prophètes, la terre en laquelle le Fils unique est né de Marie, où il a vécu, est mort et est ressuscité ; le berceau de l'Église. Et nous aussi, en tant que croyants, nous regardons vers le Moyen-Orient avec ce même regard, dans la perspective de l'histoire du salut. (…) Regarder cette partie du monde dans la perspective de Dieu signifie reconnaître en elle "le berceau" d'un dessein universel de salut dans l'amour (…). L'Église est constituée pour être au milieu des hommes, signe et instrument de l'unique et universel projet salvifique de Dieu ; elle accomplit sa mission en étant simplement elle-même, c'est-à-dire "communion et témoignage", comme le rappelle le thème de l'assemblée synodale (…). La Pentecôte est l'événement originaire, mais est aussi un dynamisme permanent, et le synode des évêques est un événement privilégié dans lequel peut se rénover dans le chemin de l'Église la grâce de la Pentecôte.
« Le but de cette assise synodale est principalement pastoral, même si nous ne pouvons pas ignorer la délicate et parfois dramatique situation sociale et politique de chaque pays (…). Le document de travail (relève) qu'il est dans son intention , sous la conduite de l'Esprit-Saint, de raviver la communion de l'Église catholique au Moyen-Orient. Avant tout au sein de chaque Église, parmi tous ses membres (…). Et puis dans les rapports avec les autres Églises, dans le chemin œcuménique avec les autres Églises et communautés ecclésiales présentes au Moyen-Orient. Cette occasion est également propice pour poursuivre de façon constructive le dialogue avec les juifs auxquels nous lie de manière indissoluble la longue histoire de l'Alliance, tout comme celui avec les musulmans (…).
« Malgré les difficultés, les chrétiens de Terre sainte sont appelés à raviver la conscience d'être des pierres vivantes de l'Église au Moyen-Orient, auprès des Lieux saints de notre salut. Mais vivre dignement dans sa propre patrie est avant tout un droit humain fondamental : c'est pourquoi il faut favoriser des conditions de paix et de justice, indispensables pour un développement harmonieux de tous les habitants de la région. Tous sont donc appelés à apporter leur propre contribution : la communauté internationale, en soutenant un chemin fiable, loyal et constructif envers la paix ; les religions majoritairement présentes dans la région, en promouvant les valeurs spirituelles et culturelles qui unissent les hommes et excluent toute expression de violence. Les chrétiens continueront à offrir leur contribution non seulement par le biais d'œuvres de promotion sociale, comme les instituts d'éducation et de santé, mais surtout avec l'esprit des béatitudes évangéliques qui anime la pratique du pardon et de la réconciliation. Dans cet engagement, ils auront toujours l'appui de toute l'Église (…) »
L'orient le jour/Fady Noun