Le patriarche maronite a mis en garde hier, avec des mots soigneusement pesés, contre les transactions immobilières motivées par la volonté de redistribuer la population en fonction de l’appartenance communautaire, et a demandé à l’État d’y faire échec.
S’exprimant dans le cadre de son homélie dominicale, le chef de l’Église maronite a affirmé qu’il est « du devoir de l’État de protéger la propriété privée, de sorte qu’elle ne soit pas vendue par pur appât du gain, que ce soit à des étrangers mais aussi à des Libanais, si la transaction est motivée par des considérations religieuses ou communautaires et débouche sur un tri démographique donné ».
La terre, ajoute le patriarche, est « un legs des pères et des aïeux, et peut être comparée à un dépôt précieux ou à une relique sainte. Elle nous relie au Créateur et aux générations qui nous ont précédées et l’ont conservée par leur sueur et leur sang. Notre lien à la terre est spirituel et se situe au-dessus du produit des saisons. La terre a modelé notre histoire et notre identité. Elle est notre mémoire vivante, une école de don, de franchise, de loyauté, de générosité, de patience, de contentement, d’espérance et de confiance dans la Providence. La terre contribue directement à l’humanisation de l’homme ».
Le « rôle essentiel » de l’État
« Nous exhortons les dirigeants à assumer le rôle essentiel qui leur revient, à savoir aider les particuliers à préserver leurs terrains, enchaîne l’homélie. Il faut donc que l’État élimine tous les motifs qui poussent le citoyen à vendre sa terre : la guerre, les crises économiques, la pauvreté, le manque d’infrastructure, la corruption administrative, l’insécurité, le vide législatif, l’inégalité devant la loi et l’insécurité judiciaire. Il est de son devoir positif de renforcer et de stimuler les différents secteurs de l’économie et la création d’emplois, pour permettre aux Libanais d’exploiter leurs terres et non de les vendre. »
Certes, ajoute en substance l’homélie, l’article 15 de la Constitution interdit tout tri démographique, de quelque nature qu’il soit. Il revient donc à l’État de réguler le droit à la propriété de manière à ce que le Liban « soit (effectivement) à tous, comme l’écrit le texte fondamental. D’où la grave responsabilité qui lui incombe d’empêcher qu’une des composantes humaines essentielles du Liban disparaisse par disparition cadastrale, émigration ou dispersion, et ne finisse par vivre en réfugiée dans son propre pays, qui lui tiendrait lieu d’hôtellerie sans plus. Ce serait la disparition du pluralisme, l’une des marques distinctives du Liban comme message et trésor de civilisation, richesse pour l’Orient et l’Occident ».