ZENIT a organisé à ce sujet une conversation entre le professeur Paulo Fernando Melo, vice-président du mouvement pour la défense de la vie humaine te de la famille et membre du comité de bioéthique de l’archidiocèse de Brasilia, et le P. Paulo Ricardo Azevedo Jr, du diocèse de l’archidiocèse de Cuiabá, célèbre pour ses prédications.
Prof. Paulo Fernando – Comment voyez-vous la situation de la communauté catholique, de la société en général, face à la légalisation de l’avortement prévue dans le projet de réforme du Code pénal ?
P. Paulo Ricardo – Le catholique est malheureusement tenu à l’écart de la vie politique. Parmi les catholiques il s’est créé une mentalité selon laquelle, sous prétexte que l’Etat est laïc, les personnes ne peuvent exprimer, en politique, leurs valeurs éthiques et religieuses. Cette mentalité est complètement absurde, car nous savons bien que chaque loi est la manifestation d’un ethos, d’une vision du monde et d’un tableau de valeurs.
L’Etat a beau être laïc, les Brésiliens sont des personnes religieuses. Ils ont non seulement le droit mais le devoir aussi d’apporter leur ethos à la rédaction des lois. Maintenant, à cause de cette idéologie laïciste, le catholique se perçoit comme une sorte de minorité. Il est religieux, a ses convictions, mais c’est comme s’il était un citoyen de seconde classe. Il n’a que le droit de manifester ce qui est athée, matérialiste militant … le catholique est mis de côté.
Oui, nous devons réveiller le catholique conscient, convaincu, pratiquant, fidèle à l’Eglise et au Pape, pour sa mission, sa vocation dans le monde de la politique.
Le diable a vraiment fait du bon travail. Il a mis dans la tête du catholique que la politique est pour les gens soncha, pour les personnes sonchas (un terme régional désignant une personne sans caractère, ndlr) et qu’ils n’ont donc pas à s’en mêler. Ainsi, au Brésil, nous avons une situation assez étrange d’une majorité silencieuse qui est gouvernée de manière presque dictatoriale par une minorité qui a réussi à mettre un bâillon à cette majorité.
Prof. Paulo Fernando – Père, nous sommes dans une année électorale pour les préfets et les assesseurs. Que dit la doctrine sociale de l’Eglise sur la participation des catholiques à la vie politique ? Quels sont les critères d’un bon candidat?
P. Paulo Ricardo – A vrai dire, il ne faut jamais perdre de vue que l’Eglise n’a pas de candidats à elle, mais qu’elle oriente les fidèles à choisir les candidats qui oeuvrent au bien commun : des hommes et des femmes qui ont une histoire et des compétences pour travailler pour le bien commun. Cette réalité a une forte incidence quand nous regardons le curriculum d’un candidat et qu’ils sont proches des valeurs que le pape Benoît XVI considère comme non négociables.
On compte, dans l’ensemble, trois types de valeurs non négociables. Le pape les a cités dans un discours au Parti populaire européen en 2006. D’abord : le respect de la vie humaine, dès sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Là entre toute la question de l’avortement, de l’euthanasie etc. Deuxièmement: la famille, fruit d’un mariage monogamique, unique, indissoluble, entre un homme et une femme. Cette valeur-là, l’Eglise la considère non négociable. C’est-à-dire que là, l’art de la politique ou de la négociation n’à rien à voir. Et troisièmement : l’éducation des enfants, soit la liberté des parents d’éduquer leurs enfants sans interférences de l’Etat sur la nature des valeurs à leur transmettre.
Ces trois colonnes portantes sont déjà attaquées de plein fouet par l’avortement, par l’homosexualité, par le féminisme, et par un Etat de plus en plus conditionné par les militants de gauche qui veulent justement saper ces colonnes portantes de la moralité présente dans la civilisation occidentale, qui n’est pas seulement quelque chose qui est propre au catholique ou au chrétien, mais qui sont des valeurs sur lesquelles s’est construite la civilisation occidentale.
Prof. Paulo Fernando – Est-ce qu’un électeur qui fait le choix de voter pour un candidat ou un parti qui, il le sait bien, va contre les valeurs que vous venez de citer – par exemple quand le parti défend dans son programme la légalisation de l’avortement – commet-il un péché?
P. Paulo Ricardo – En effet, cette question est assez délicate au Brésil, car presque tous les partis, dans leurs plateformes, dans leurs programmes, ont des politiques qui vont contre ces valeurs. Plutôt que de nous préoccuper de savoir si ces partis ont ou n’ont pas ce type de valeurs, nous devrions plus nous soucier de savoir si ce parti permet ou ne permet pas au candidat d’exercer librement son mandat sur la base des valeurs qu’il professe. De manière à ce qu’il n’y ait pas une rigueur ou une discipline à l’intérieur du parti qui impose aux candidats, une fois élus, une camisole de force doctrinale.
Donc, dans ce cas, si une personne sait que le parti a ce type de discipline interne, et qu’il ne permettra donc pas au candidat d’exercer son mandat selon les valeurs qu’il professe, alors l’électeur a sa conscience sérieusement compromise au moment du vote, car il sait qu’il est en train de voter non pas pour un candidat avec des valeurs chrétiennes, mais pour un parti qui imposera ses valeurs immorales et antichrétiennes.
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