Les évêques du Burkina-Niger, qui ont tenu leur Assemblée plénière ordinaire du 11 au 14 juin dernier, adressent en effet une lettre pastorale aux chrétiens du Burkina Faso et aux hommes et femmes de bonne volonté, en date du 15 juillet 2013.
« Le Burkina Faso a besoin de justice, de réconciliation et de paix », affirment-ils, appelant « les protagonistes des tensions sociales actuelles (partis politiques de la majorité et de l’opposition, mouvements et associations, société civile) » à « éviter toute violence, tout débordement et toute action qui seraient de nature à aggraver les tensions, à porter atteinte à la dignité de la personne humaine et au bien commun, et à conduire notre pays vers le chaos ».
Un malaise social
Les évêques expriment leur préoccupation pour la situation politico-sociale actuelle, de « tensions sociales et d’agitations, notamment autour de la mise en place du Sénat ». Situation qui « laisse transparaître un malaise social un mal être de la société burkinabè en quête de repères ».
Le pays, constate le texte, « traverse depuis déjà quelques années une crise de société et connait des changements sociaux importants », au triple plan « de la démographie, de la structuration sociale et des valeurs de référence ».
Sur le plan démographique, la population de plus en plus jeune (46,4% de la population burkinabé a moins de 15 ans, et 59,1% a moins de 20 ans) « est insatisfaite et perdue à cause de l’absence de modèle social ».
Au niveau de la structuration sociale, on constate « une élévation du niveau de connaissance moyenne due à l’alphabétisation » (de 16,17% en 1985, et se situe à 32% en 2012) et « un éveil de conscience des femmes de plus en plus alphabétisées ».
Enfin, en ce qui concerne les valeurs, les évêques dénoncent « une société dans laquelle l’appétit est orienté moins vers le savoir, que vers l’argent, devenu une valeur de référence au-dessus de la famille, de la nation, de la république et de Dieu ». Cette « divinité » inocule « le poison de la corruption dans le corps social ».
Ils diagnostiquent « une gouvernance de plus en plus déconnectée de la réalité et de l’éthique sociale » : « La fracture sociale est de plus en plus béante du fait notamment de la pauvreté de masse lancinante » (plus des deux cinquièmes des burkinabés vivent avec moins d’un demi-dollar (250CFA) par jour).
Cette situation conduit « à des attitudes de rejet ou de défiance, surtout de la part de la jeunesse », et à « une montée de la violence », soulignent-ils.
Intégrer les plus défavorisés
Le texte invite à « un meilleur emploi des ressources financières limitées dont dispose le Burkina Faso pour mieux couvrir les besoins fondamentaux des populations en santé, éducation et emploi ».
Concrètement, outre « pratiquer des formes appropriées et des modes crédibles de démocratie consensuelle, consultative et inclusive », les politiques sont encouragés à mettre en œuvre « des stratégies fondamentales de sécurité alimentaire, d’éducation pour tous, de santé de proximité, d’emplois pour les jeunes, d’eau potable accessible pour tous », de soutien « des entreprises produisant notamment la technologie, etc ».
En effet, « dans tout processus démocratique, la société doit s'attacher tout particulièrement à satisfaire les besoins économiques fondamentaux des couches défavorisées, assurant ainsi leur pleine intégration au processus de la démocratie ».
Les évêques rappellent les « lignes directrices d’un engagement politique en accord avec les valeurs évangéliques » : la valeur absolue de la personne humaine, l’attention particulière aux petits et aux pauvres, la recherche de la justice, la solidarité humaine, l’unité nationale qui exclut toute tendance xénophobe, régionaliste, et ethniciste, le dialogue inter-religieux et culturel, le souci du bien commun.
Ils appellent à « un sursaut éthique et moral » pour éviter « un avenir de tous les dangers » : « rechercher la justice sociale, œuvrer pour une transformation sociale et démocratique profonde, promouvoir les valeurs cardinales de solidarité et de subsidiarité, doit être la préoccupation majeure de ceux qui gouvernent ».
Les citoyennes et les citoyens attendent de leurs gouvernants « plus d’équité dans la redistribution des richesses, plus de transparence dans la gestion des affaires publiques, plus d’éthique dans les comportements sociaux et politiques », insistent les évêques.
Ils constatent par ailleurs le « paradoxe de la religiosité dont est saisie la société burkinabè » : « la montée en puissance de la pratique religieuse ne s’accompagne pas d’une exigence à conformer les comportements sociaux aux préceptes et commandements religieux. Ne risque-t-on pas là de verser dans une pratique quantitative et formaliste de la religion qui se satisfait du paraître et qui se contente des apparences sans lien avec les exigences éthiques des vécus sociaux ? », se demandent-ils.
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