Ce lundi 16 janvier, en la fête liturgique des protomartyrs franciscains et jour où Pie IX déclara saint Antoine de Padoue docteur de l’Eglise, est en effet aussi la fête de l’Antonianum qui a organisé, à son siège, une journée intitulée « Témoin de l’espérance : 30 ans après la visite du Bienheureux Jean Paul II », en honneur surtout de sa visite à la commission Scotiste, chargée de l'édition critique des œuvres de Duns Scot.
Le culte de Jean Duns Scot, d’origine écossaise, a été confirmé solennellement à Rome par Jean Paul II le 20 mars 1993 : il est honoré comme bienheureux sous le titre de « chantre du Verbe incarné et défenseur de l’Immaculée Conception ».
Parmi les personnalités invitées à intervenir à cette journée : le prof. Priamo Etzi, recteur de l’Antonianum, le P. Vidal Rodríguez López, secrétaire général pour la formation et les études de l’Ordre des Frères mineurs, Mgr Slawomir Oder, postulateur de la cause de canonisation du bienheureux Jean Paul II, le P. Rodríguez Carballo, ministre général de l’Ordre des Frères mineurs et grand chancelier de l’Antonianum.
Cet anniversaire est l’occasion de revenir sur l’image que les papes Paul VI et Jean Paul II avaient du bienheureux Jean Duns Scot, défini par Jean Paul II comme celui qui a « perfectionné » saint Bonaventure et « le représentant le plus qualifié » de l'Ecole franciscaine.
Voici ce qu’écrit à ce propos Girolamo Pica dans son ouvrage « Le bienheureux Jean Duns Scot. Docteur de l’Immaculée » (« Il beato giovanni Duns Scoto. Dottore dell'Immacolata »), publié aux Editions Elledici-Velar, en 2010.
« A quelques mois de la clôture du Concile Vatican II, Paul VI, dans sa lettre apostolique « Alma Parens », signée le 14 juillet 1966, à l’occasion du second congrès scolastique organisé dans le cadre du septième centenaire de la naissance de Jean Duns Scot, indiquait les raisons de « l’actualité de la pensée de Scot », comparant tout d’abord sa position à celle de Léon XIII.
Si Léon XIII, dans son encyclique « Aeterni Patris », relève Pica dans son livre, fait état de la position de la pensée de Thomas d’Aquin par rapport aux autres docteurs scolastiques, disant de ce dernier qu’il est de tous les docteurs scolastiques celui qui émerge le plus en ‘duce’ et ‘maître’, Paul VI, dans sa lettre apostolique « Alma Parens », met un bémol à cette comparaison, mettant côte à côte les deux pensées, celle de Scot et celle de Thomas d’Aquin.
Paul VI, rapporte-t-il, écrit : « A côté de la cathédrale majestueuse de saint Thomas d’Aquin, il y a entre autres celle, digne d’honneur – bien que structurellement et massivement dissemblable – que l’ardente spéculation de Jean Duns Scot éleva au ciel sur des bases fermes et des orientations hardies ».
Un petit changement que l’auteur de l’ouvrage décortique en quelques lignes, expliquant que cette comparaison relève, chez Paul VI, d’un nouveau regard, d’un déplacement de perspective et de proportions, qui peut être vu comme l’« expression » d’une modification du critère de mesure de l’orthodoxie de la pensée de Scot.
Et ceci, souligne-t-il, alors que pendant des siècles, la doctrine de Scot fut considérée contraire à la foi, étant, sous tant d’aspects, en opposition avec la pensée de saint Thomas d’Aquin prescrite par l’Eglise.
C’est en 1971 que les écrits de Scot seront approuvés, et précisément parce que le mètre de mesure ne furent plus les œuvres de saint Thomas, mais la doctrine de l’Eglise ; un changement, selon certains, qui a marqué une époque, si bien que cette histoire de la cause de Scot est à insérer dans les manuels de théologie et d’histoire de l’Eglise.
Ainsi, après avoir reconnu que la pensée du maître franciscain était digne de foi et en proposant une nouvelle analyse par rapport au jugement de Léon XIII, Paul VI souhaitait que la doctrine de Scot puisse apporter des éléments utiles au dialogue, surtout avec les anglicans. En cela, le pape avait renvoyé au jugement de Jean de Gerson selon lequel Scot était animé « non pas de la contentieuse singularité de vaincre, mais de l’humilité à trouver un accord ».
Pour sa part, poursuit Girolamo Pica dans son ouvrage, Jean Paul II a eu plusieurs fois l’occasion de parler du bienheureux Jean Duns Scot, notamment lors d’une visite à la Commission Scotiste de l’Antonianum en 1982, mais c’est à l’occasion de la reconnaissance du Culte liturgique de Scot qu’il soulignera vraiment l’importance de sa pensée pour l’Eglise, le 20 mars 1993 :
« Aux Eglises particulières, présentes ce soir dans la Basilique du Vatican avec les très dignes Pasteurs, ainsi qu’à toute la grande famille franciscaine, j’adresse mes salutations, invitant tout le mode à bénir le nom du seigneur dont la gloire resplendit dans la doctrine et dans la sainteté de vie du Bienheureux Jean, chantre du Verbe incarné et défenseur de l’Immaculée conception de Marie », déclare Jean Paul II le jour de la confirmation du culte liturgique de Duns Scot ».
« A notre époque, riche en immenses ressources humaines, techniques et scientifiques, mais où beaucoup ont perdu le sens de la foi et conduisent une vie loin du Christ et de son Evangile (cf. Redemptoris Missio, 33), le bienheureux Duns Scot, poursuit-il, se présente non seulement avec l’acuité de son esprit et une capacité exceptionnelle à pénétrer le mystère de Dieu, mais doté aussi de la force persuasive de sa sainteté de vie qui fait de lui, pour l’Église et pour toute l’humanité, un ma¬ître de pensée et de vie ».
Sa doctrine, dont on pourra tirer, comme disait mon vénéré prédécesseur Paul VI, de brillantes armes pour combattre et éloigner le sombre nuage de l’athéisme qui noircit notre époque (Lettre Apost. Alma parens – AAS 58 [1966], 612), édifie vigoureusement l’Église, en la soutenant dans sa mission urgente d’une nouvelle évangélisation des peuples de la terre ».
« En particulier, pour les théologiens, les prêtres, les pasteurs d’âmes, les religieux, et de manière spéciale pour les franciscains, le bienheureux Duns Scot, conclut Jean Paul II, constitue un exemple de fidélité à la vérité révélée, d’action sacerdotale féconde, de dialogue sérieux dans la recherche de l’unité »: « Puissent son esprit et sa mémoire éclairer de la lumière du Christ le travail et les espoirs de notre société » conclut l'auteur.
Traduction d’Isabelle Cousturié
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