absent depuis la chute du président sortant Laurent Gbagbo le 11 avril 2011. Les locaux du journal, proche du Front Populaire Ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo) avaient été saccagés et occupés par des soldats des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui empêchaient les journalistes de travailler. La semaine dernière, des responsables du Fonds de Soutien et de Développement de la Presse (FSDP), ont visité les rédactions des journaux proches de l’ancien régime qui avaient subi des attaques et des pillages lors de la crise post-électorale. Les autres journaux proches de l’ancien pouvoir tels que Le Temps, Le Nouveau Courrier d’Abidjan, Le Quotidien d’Abidjan et Prestige Mag, devraient reparaître dans les jours à venir.
Un mois après l’accession au pouvoir du président Alassane Ouattara, Reporters sans frontières avait fait part de son inquiétude de voir les médias d’opposition étouffés et redoutait que ne se développe une pensée unique en Côte d’Ivoire. L’organisation estime que, tout en étant consciente des dérapages dont le quotidien a pu se rendre coupable par le passé, son retour en kiosques est un signe encourageant vers le respect du pluralisme.
10-05-2011
Un mois après la chute de Laurent Gbagbo, la presse ivoirienne dans la tourmente
Un mois tout juste après l’arrestation de Laurent Gbagbo et l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara, la situation de la presse en Côte d’Ivoire demeure problématique. Si certains journalistes menacés ont finalement pu reprendre le travail, les journaux d’opposition, favorables à l’ancien chef de l’Etat, ne paraissent toujours pas. Les locaux du quotidien Notre Voie, proche du Front populaire ivoirien (FPI, parti de Laurent Gbagbo) sont même occupés par des éléments armés.
Reporters sans frontières exprime sa déception et demande aux nouvelles autorités d’agir rapidement pour restaurer un climat de confiance chez les journalistes et surtout permettre aux journaux d’opposition de préparer leur retour en kiosques.
"L’absence de presse d’opposition porte un coup très dur à la liberté de la presse en Côte d’Ivoire. Dans ces conditions, nous craignons que ne se développe le règne de la pensée unique. Le gouvernement d’Alassane Ouattara suscite des attentes dans le domaine du respect des libertés. Il doit les satisfaire", a déclaré l’organisation.
Aucune disposition officielle n’empêche les journaux d’opposition de paraître, mais le saccage des rédactions des quotidiens Notre Voie et Le Temps ainsi que l’incendie criminel de leur imprimerie ont créé des dommages très conséquents. De plus, la rédaction de Notre Voie est depuis quelques temps occupée par des soldats des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui interdisent l’accès des lieux aux journalistes.
"Cette situation est tout à fait nouvelle. Dans le passé, les locaux du Patriote, quotidien favorable à Alassane Ouattara, avaient été attaqués et détruits, mais jamais occupés comme le sont ceux de Notre Voie aujourd’hui. Nous ne comprenons pas le comportement des FRCI qui violent de façon flagrante le droit des employés de ce journal de se rendre sur leur lieu de travail", a estimé Reporters sans frontières.
Dans un discours prononcé au Conseil national de la presse, le 3 mai 2011, à l’occasion de la vingtième Journée internationale de la liberté de la presse, le ministre de l’Intérieur et de la Communication, Hamed Bakayoko, a eu des mots peu rassurants vis-à-vis des médias. Sa déclaration s’apparentait plutôt à une mise en garde. "La liberté oui, mais elle a ses limites. La liberté a une certaine frontière. On ne parle plus de liberté quand elle transcende certaines valeurs. Des gens avaient pensé que l’impunité était sans limite. Il faut qu’ils réalisent que ce n’est plus possible. On ne peut pas déstabiliser le tissu social simplement parce qu’on est journaliste. Nous n’allons pas accepter que la presse enfonce la Côte d’Ivoire. La presse porte une responsabilité importante dans cette crise. Les journaux et les journalistes ont voulu être aux avant-postes des politiques, ils ont voulu aller plus loin que les politiques", a-t-il déclaré.
D’autre part, Reporters sans frontières déplore la persistance dans la presse ivoirienne d’articles désignant certaines personnalités à la vindicte populaire. Le 10 mai 2011, le quotidien Nord-Sud a publié une photo du directeur de publication de Notre Voie, César Etou, pour illustrer un article intitulé "César Etou attise le feu de la haine". Le quotidien reproche au journaliste d’avoir contacté des organisations de défense des droits de l’Homme pour se plaindre du manque de respect des droits de Simone Gbagbo et de son entourage depuis leur arrestation.
En attendant la reprise de la Radio-Télévision Ivoirienne (RTI), Reporters sans frontières exhorte Télévision Côte d’Ivoire (TCI) à se comporter comme un média de service public en arrêtant de diffuser les slogans de campagne du candidat Ouattara et des chansons qui font son apologie. La TCI avait été créée par le camp Ouattara dans une démarche de résistance, elle doit désormais s’adresser à tous les Ivoiriens depuis qu’elle remplace la RTI et qu’Alassane Ouattara est devenu chef de l’Etat.
Dans la mesure où l’espace audiovisuel n’est pas encore libéralisé en Côte d’Ivoire, les nouvelles autorités devraient préciser quel est le statut exact de la TCI. Reporters sans frontières rappelle qu’au moment de sa création, début 2011, il s’agissait d’un média pirate.
Enfin, l’organisation prend acte de la transformation du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA) en Haute autorité de la communication audiovisuelle. La nomination de l’ancien ministre de la Communication, Ibrahim Sy Savané, à la tête de cette institution apparaît comme un signe d’ouverture prometteur. Reporters sans frontières espère que cette nomination va donner un coup d’accélérateur à la réforme libéralisant l’espace audiovisuel.
Reporters sans frontière