Ébranlés et profondément attristés par le décès tragique cette semaine du journaliste camerounais Pius Njawé dans un accident de voiture aux États-Unis, les membres de l’IFEX à travers le monde ont rendu de vibrants hommages à celui qui a consacré sa vie à défendre courageusement la liberté de la presse
Njawé, qui était âgé de 53 ans, a fondé en 1979, à l’âge de 22 ans, le premier journal indépendant du Cameroun, « Le Messager ». Il avait été président du Groupe des médias libres, une entreprise qui publie le plus important quotidien indépendant. L’an dernier, le journal a organisé une fête pour souligner son 30e anniversaire. Pendant sa vie, Njawé a été arrêté 126 fois et emprisonné à trois reprises.
En 1992, Njawé a été contraint de fuir le Cameroun après avoir reçu des menaces de mort. Pendant son année d’exil au Bénin, il a immédiatement mis sur pied un autre journal, « Le Messager ». À son retour au Cameroun, il a fondé l’Organisation camerounaise pour la liberté de la presse (OCALIP).
Njawé a perdu la vie le 12 juillet 2010 en Virginie, lorsqu’un camion-remorque a frappé la voiture dans laquelle il était passager. Il était aux États-Unis pour participer à un forum en faveur de la démocratie organisé par la Diaspora camerounaise pour le changement, un groupe basé à Washington.
Dans une entrevue accordée à l’IIP un mois avant sa mort, Njawé avait déclaré : « Un mot peut être plus puissant qu’une arme, et je crois qu’avec les mots… nous pouvons bâtir un monde meilleur et rendre les gens plus heureux. Ainsi, pourquoi abandonner quand le devoir nous appelle toujours ? Personne ne peut me faire taire sauf le Seigneur, avant que j’aie réalisé ce que je considère comme ma mission dans mon pays natal, en Afrique et, pourquoi pas, dans le monde. »
Njawé avait été proclamé par l’IIP en 2000 Héros mondial de la liberté de la presse. « Les médias africains ont perdu une personne vraiment courageuse, dont la fermeté devant l’intimidation gouvernementale a servi d’inspiration à d’autres journalistes placés dans des circonstances similaires à travers le continent », indique l’IIP.
Son courage et sa détermination sans faille lui ont valu de nombreuses autres récompenses internationales, dont la Plume d’Or de la Liberté, décernée par l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de nouvelles (AMJ-IFRA), et le Prix International de la Liberté de la presse, du Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
« Sa simple présence dans une pièce faisait que les gens autour de lui voulaient avec joie descendre dans l’arène et se battre pour la liberté de la presse », écrit Ronald Koven du Comité mondial pour la liberté de la presse (WPFC), qui a collaboré à la traduction et à la distribution des lettres de Njawé qui ont été sorties clandestinement de prison en 1998.
« Il a livré toutes les batailles pour la liberté de la presse. Nous n’oublierons pas, par exemple, qu’il s’est joint à nous lorsque nous nous sommes rendus à Sarajevo, en 1992, pour offrir notre soutien au journal « Oslobodenje », le seul journal qui a continué à paraître pendant la guerre en Yougoslavie », a déclaré Reporters sans frontières (RSF).
« En tant que rédacteur en chef, il a fait preuve de courage, et en tant qu’employeur de journalistes, il a toujours respecté la nécessité de conditions de travail convenables – l’un des fondements d’une culture démocratique des médias. Nous pleurons sa perte et nous transmettons notre sympathie aux journalistes du Cameroun », a déclaré la Fédération internationale des journalistes (FIJ).
En 2002, l’épouse de Njawé a perdu la vie elle aussi dans un accident de voiture au Cameroun. Il avait alors lancé la Fondation Jane et Justice pour le développement humain, dans le but de rehausser la sécurité routière.
ifex