Reporters sans frontières exprime son inquiétude face à la fronde lancée par le Conseil supérieur islamique d’Irak contre le journal gouvernemental Al-Sabah et son secrétaire de rédaction et chef des pages culturelles,
Ahmed Abd Al-Hussein. Ces attaques font suite à la publication d’un article, le 4 août 2009, mettant en cause la responsabilité de ce même conseil dans le braquage d’une banque à Bagdad fin juillet 2009. Le journaliste a reçu des menaces de mort.
« Cette campagne qui déchaîne les haines et appelle au meurtre du journaliste Ahmed Abd Al-Hussein est inacceptable. De telles menaces doivent cesser immédiatement. Ahmed Abd Al-Hussein, journaliste, écrivain et poète reconnu dans son pays, n’a fait que dénoncer un scandale impliquant des personnalités publiques irakiennes. Les autorités du pays doivent mettre en place les dispositifs adéquats pour protéger le journaliste et mettre fin à la polémique », a déclaré l’organisation.
Dans un article du 4 août, le journaliste a dénoncé la responsabilité du Conseil supérieur islamique d’Irak (CSII) dans le braquage, le 28 juillet 2009, d’une succursale de la banque Al-Rafidin, dans le quartier Al-Zawiya à Bagdad. Un des leaders du CSII, le Sheikh Jalal Eddine Al-Saghir, avait participé aux travaux de la Commission de la rédaction de la Constitution irakienne en 2005.
Ce braquage, un des plus importants depuis 2003, a causé la mort de huit gardiens et le vol de près de quatre millions de dollars. Trois jours plus tard, les auteurs du braquage ont été arrêtés, parmi lesquels, le capitaine Jaafar Lazem, officier de la garde du Vice-président de la République, Adil Abd Al-Mahdi, également membre du CSII. Le ministre de l’Intérieur, Jawad Al-Bolani, au cours d’une conférence de presse, a souligné la motivation politique derrière ce braquage.
Selon le journaliste, le Conseil supérieur islamique d’Irak aurait l’intention d’utiliser l’argent du braquage pour acheter des voix lors des prochaines élections législatives de janvier 2010. Il est à noter que lors des élections des Conseils des gouvernorats d’Irak le 31 janvier dernier, plusieurs partis opposés au CSII avaient dénoncé leur méthode d’achat de voix des électeurs parmi les couches défavorisées de la population, en échange de la distribution de couvertures.
Suite à cet article, le CSII a menacé le journal de poursuites judiciaires. Sheikh Jalal Eddine Al-Saghir a appelé, lors de son prêche du vendredi le 7 août 2009, ainsi que dans toutes les mosquées qui appartiennent à son organisation, à la condamnation de ce journaliste et à sa mise à mort, dans un discours fustigeant les déviations des médias politisés, et dénonçant une manipulation du gouvernement. Il a annoncé publiquement qu’il poursuivrait en justice le journal Al-Sabah ainsi que tous les médias et les sites Internet qui évoqueront son implication dans ce braquage, notamment les sites d’opposants, appartenant à la mouvance baasiste de Saddam Hussein. Un parlementaire du parti chiite ainsi que certaines milices proches du parti ont proféré des menaces directes à l’encontre du journaliste.
Face à une telle polémique, le journal Al-Sabah a demandé l’intervention de l’imam chiite, Ali Al-Sistani. Par ailleurs, les intellectuels et les professionnels des médias irakiens, par le biais de l’Union des hommes de lettres et de l’Observatoire de la liberté des journalistes, ont organisé un rassemblement, le 10 août à Bagdad, en solidarité avec le journaliste et afin de protester contre la multiplication des menaces et des atteintes à la liberté d’opinion et d’expression en Irak.
Selon le rédacteur en chef du journal, Falah Al-Michaal, le journaliste est en congés pour des raisons familiales et de santé, pour une durée indéterminée. De fortes pressions sont exercées au sein de la rédaction pour empêcher la réintégration d’Ahmed Abd Al-Hussein.
Reporters sans frontieres 11/8/2009