Le 31 août dernier, les autorités chinoises ont remis en liberté un des plus importants leaders d’Eglises domestiques protestantes, i.e. non affiliées au Mouvement des trois autonomies, l’organisation officielle chapeautant les communautés protestantes en Chine. A l’âge de 61 ans, David Zhang Rongliang a retrouvé la liberté avec neuf mois d’avance sur le terme normal de la peine de prison de sept ans et demi à laquelle il avait été condamné en juillet 2006 (1). Il a été autorisé à rejoindre sa femme et ses deux enfants au domicile familial situé près de Zhengzhou, capitale de la province du Henan.
Selon une dépêche datée du 15 septembre de ChinaAid, structure basée aux Etats-Unis soutenant les chrétiens en Chine, David Zhang semble aller bien, même si le diabète dont il souffre depuis de longues années continue d’inquiéter (2). C’est notamment du fait de ce diabète qu’une campagne internationale de soutien avait été lancée par différentes organisations de défense des droits de l’homme ces derniers mois, les craintes étant que David Zhang meure en détention faute de soins.
David Zhang est une figure bien connue des Eglises domestiques protestantes. Baptisé dans la clandestinité en 1969, lors des années noires de la Révolution culturelle (1966-1976), il a été le responsable de l’Eglise « mère » de Fangcheng, dans le Henan, et le leader de l’Eglise de Chine pour le Christ, l’un des plus importants réseaux d’Eglises domestiques du pays, avec dix millions de membres selon ChinaAid. En 1998, David Zhang avait co-rédigé un ouvrage majeur intitulé Profession de foi des Eglises domestiques en Chine.
En Chine où la loi protège les activités religieuses « normales », ceux qui choisissent de vivre leur foi en-dehors des organes étatiques mis en place par les autorités pour contrôler les activités religieuses s’exposent à l’accusation de mener des « activités illégales ». En 2006, David Zhang avait ainsi été condamné pour avoir « obtenu frauduleusement des papiers d’identité » et avoir « franchi illégalement les frontières »,accusations liées aux voyages que le pasteur protestant avait effectués aux Etats-Unis, en Australie, en Egypte et à Singapour.
Si pour un grand nombre de croyants, notamment les chrétiens protestants, la pratique religieuse s’inscrit dans une zone « grise », tolérée par les autorités, le couperet de la répression tombe dès lors que ces croyants tentent de se fédérer ou de s’organiser en structures autonomes vis-à-vis de l’Etat. C’est ce qui est arrivé à David Zhang. Avant son arrestation le 1erdécembre 2004 qui devait mener à sa condamnation le 4 juillet 2006 à sept ans et demi de prison ferme, le leader protestant avait déjà connu à cinq reprises les geôles chinoises pour une durée totale de douze ans et, ainsi qu’il en avait témoigné, subi entre autres tortures celle des chocs électriques.
Pour l’heure, David Zhang ne s’est pas exprimé publiquement mais il ne fait pas de doute qu’il rejoint la cohorte des personnalités considérées comme dissidentes par le régime de Pékin et, de ce fait, soumises à une étroite surveillance policière. Ces derniers temps, plusieurs figures des Eglises domestiques protestantes ont été arrêtées ou intimidées. Disparu le 12 juin dernier, le pasteur Shi Enhao, vice-président de l’Alliance chinoise des Eglises domestiques (qui réunit une centaine de communautés), a été condamné fin juillet à deux années de rééducation par le travail pour avoir « organisé des rencontres illégales ». Par ailleurs, des dirigeants de l’Eglise Shouwang, une importante Eglise domestique de Pékin, sont maintenus en résidence surveillée (3). Le professeur Fan Yafeng, un expert du droit constitutionnel qui est également à la tête d’une Eglise domestique, est lui aussi maintenu en résidence surveillée à son domicile pékinois (4).
Commentant l’annonce de la libération de Zhang Rongliang, l’organisation de défense de la liberté religieuse Christian Solidarity Worldwide, basée au Royaume-Uni, a salué « la libération anticipée du Rév. Zhang » tout en appelant « au respect du droit de tout citoyen chinois à pratiquer la religion de son choix ». L’ONG demande à la communauté internationale de maintenir sa demande à la Chine de voir libérer sans délai tous ceux qui, dans ce pays, sont détenus pour leurs croyances religieuses, « y compris les personnes qui ont été placées en résidence surveillée ».
Le régime de la résidence surveillée connaît des évolutions sensibles en Chine actuellement. Fin août, des nouvelles dispositions ont été introduites dans le Code pénal chinois. Désormais, la police pourrait être autorisée à détenir des suspects dans « un lieu de résidence désigné » autre que leur domicile pour les affaires touchant à « la sécurité d’Etat, au terrorisme ou les faits de corruption majeurs ». Cette détention pourrait durer six mois, sans qu’aucune notification d’un avocat ou de la famille ne soit obligatoire dans le cas où celle-ci « risque de gêner l’enquête ». Selon les défenseurs des droits de l’homme, sous couvert de renforcement de l’Etat de droit, la Chine durcit une pratique, la résidence surveillée comme forme de répression « douce » à laquelle la police et les organes de sécurité font largement appel.
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