Des dizaines de milliers de bouddhistes ont manifesté à Séoul pour dénoncer l'attitude, selon eux, trop ouvertement favorable aux protestants du président de la République, indique « Eglises d'Asie », l'agence des Missions étrangères de Paris (EDA). Les catholiques s'efforcent de sauvegarder « l'harmonie et la coopération entre les différentes religions ».
Le 27 août dernier, des dizaines de milliers de bouddhistes venus de tout le pays, dont de très nombreux moines, se sont rassemblés sur la place de l'hôtel de ville de Séoul pour protester contre ce qu'ils perçoivent être l'attitude trop ouvertement favorable à la religion protestante du président Lee Myung-bak. Selon les organisateurs de la manifestation, l'Association des ordres bouddhiques coréens, 200 000 personnes, dont 10 000 moines, s'étaient déplacées pour l'occasion, 60 000 selon la police.
L'Ordre Jogye, la plus importante organisation bouddhique du pays, est à la pointe de la mobilisation de ces dernières semaines. En juin dernier, ses responsables avaient déjà fait part de leur irritation contre le président Lee et son administration, coupables à leurs yeux de chercher à favoriser la religion chrétienne en Corée du Sud (1). Ce 27 août, un des principaux responsables de Jogye, le vénérable Wonhak, a tenu les propos suivants devant la foule des manifestants, réunis pacifiquement : « Le bouddhisme coréen contribue de manière significative à la culture de cette nation depuis 1 700 ans. Mais, aujourd'hui, il est en danger et poussé à descendre dans la rue par quelques fondamentalistes protestants qui rêvent d'édifier une ‘République protestante de Corée'. »
Pour les responsables bouddhistes, c'est bien le président Lee Myung-bak qui est visé. Elu en décembre 2007, Lee Muyng-bak, au centre-droit sur l'échiquier politique, ne fait pas mystère de sa foi protestante et de ses orientations religieuses, perçues comme « conservatrices ». Après avoir levé un embargo en vigueur sur l'importation de viande bovine américaine, le président Lee est tombé très bas dans les sondages d'opinions et des manifestations considérables ont été organisées contre lui et son administration dans les grandes villes du pays. « Le gouvernement du président Lee est arrivé aux affaires il y a six mois et les attentes populaires étaient fortes. Depuis, il s'est avéré que son administration est incompétente ; elle a perdu la confiance des gens. Et, aujourd'hui, elle fait preuve de discrimination religieuse, au point que la paix entre les religions est menacée », a encore affirmé le vénérable Wonhak.
La virulence des moines bouddhistes de Jogye contre le président a gagné en ampleur après que le chef de l'ordre, le vénérable Jikwan, se soit fait contrôler par la police. En juin dernier, des policiers en faction devant le temple Jogyesa, à Séoul, ont stoppé la voiture du vénérable Jikwan et fouillé son coffre ; ils étaient à la recherche de responsables des manifestations anti-Lee qui avaient trouvé refuge dans le temple bouddhique. Cet incident faisait suite à un autre, lié au système d'information sur les transports en commun dans la capitale dont les plans indiquaient nombre de modestes temples protestants mais omettaient deux des plus importants temples bouddhiques de la capitale – dont celui de l'Ordre Jogye.
Pour le vénérable Sukyung, chef du temple Hwagyesa de Séoul, « nous assistons aux ravages causées dans la société par les valeurs faussées d'un président. Le chaos que nous vivons est directement lié à son arrogance et à la certitude qu'il est dans le vrai, des traits de caractère liés au fondamentalisme protestant ». Selon lui, le président Lee devrait « présenter des excuses officielles et changer son mode de gouvernement » ; il « devrait ‘renaître' en tant que président de la Corée, pas en tant que ministre protestant du culte ».
Les bouddhistes n'étaient pas les seuls à manifester le 27 août. Le Rév. Abraham Kim Gwang-joon, pasteur anglican et président du Comité pour l'œcuménisme du Conseil national des Eglises (protestantes) de Corée, y était aussi. « Le gouvernement considère la colère des bouddhistes comme étant le fruit de simples incompréhensions. Mais il devrait faire attention : le favoritisme religieux ne fait pas réagir que les bouddhistes ; des protestants ne sont pas d'accord, eux aussi. (Le président Lee) ne favorise que les protestants qui le soutiennent et il souhaite visiblement que les autres protestants fassent de même », souligne le pasteur anglican.
Du côté de l'Eglise catholique, dont les responsables et les institutions ont protégé bien des militants de la démocratisation du pays au cours des années 1980-1990, les réactions sont prudentes. Le P. Peter Pai Young-ho, secrétaire de la Conférence épiscopale, dit être « très soucieux de la situation actuelle. La Corée est connue pour être un pays où la règle est l'harmonie et la coopération entre les différentes religions. Les valeurs et les actes de certains hommes politiques ne suivent pas ce modèle » (2).(1)Au sujet des prémices de la mobilisation des bouddhistes contre le président Lee, voir EDA 489
(2)Selon le recensement de 2005, 22,8 des Coréens déclarent appartenir au bouddhisme, 18,3 % au protestantisme et 10,9 % au catholicisme. Plus de 40 % des 47 millions de Sud-Coréens se disent sans religion.
ROME, Mardi 2 septembre 2008 (ZENIT.org)