Les chrétiens de Corée du Sud furent parmi les premiers à réagir à la catastrophe du 11 mars dernier au Japon, envoyant des secours et des volontaires aux milliers de victimes du séisme et du tsunami (1). Ils furent aussi parmi les premiers à demander une surveillance de la sécurité des centrales de leur pays, dès les premières retombées radioactives quelques jours après l'accident de Fukushima. Aujourd'hui, ils sont encore en première ligne pour réclamer que le gouvernement choisisse des solutions alternatives au nucléaire, multipliant les déclarations et les manifestations.
Le 23 mars dernier, le Mouvement chrétien sud-coréen Solidarité-Environnement (KCEMS) publiait une déclaration demandant aux autorités de stopper de toute urgence ses projets de construction de 13 nouvelles centrales. Comparant l'énergie nucléaire à « l'arbre de la connaissance du bien et du mal », il présentait Fukushima comme l'illustration type des catastrophes que pouvait engendrer l'exploitation d'une centrale nucléaire. Mais, s'étonnait le mouvement écologiste chrétien, loin d'en tirer les conséquences, le gouvernement continuait de prétendre qu'il s'agissait d'une énergie « propre et sans risque ». La déclaration concluait en incitant les chrétiens à mener une vie plus simple afin de ne plus participer au gaspillage de l'énergie sur la planète.
Quelques jours plus tard, le 28 mars, le comité « justice et paix » de l'archidiocèse de Kwangju, dans le sud du pays, annonçait avoir prévenu les autorités de la centrale de Yonggwang, située sur son diocèse, dans la province de Jeollanam-do, qu'il effectuerait une visite d'inspection afin de vérifier l'efficacité de la sécurité du site (historique des incidents, procédures d'urgence, exercices effectués avec les habitants …). La centrale de Yonggwang, en fonctionnement depuis 1978, dispose de six réacteurs et est considérée comme l'un des sites les plus importants du pays.
Augustine Kim Yang-rae, vice-président du comité, a expliqué répondre à la forte inquiétude des fidèles du diocèse de Kwanju établis à proximité de la centrale, alors que l'Institut pour la Sécurité nucléaire sud-coréen rapportait avoir décelé la présence de particules radioactives sur le territoire. Bien que les experts aient assuré que la quantité de ces particules, vraisemblablement issue du nuage de Fukushima, était trop infime pour avoir un impact sur la santé ou l'environnement, leur présence avait réactivé la contestation anti-nucléaire, endémique à Yonggwang.
Depuis 1992, le comité « justice et paix » de l'archidiocèse de Kwangju a organisé de multiples manifestations afin, entre autres, d'empêcher la construction des quatre derniers réacteurs. En 1996, un prêtre et deux laïcs de la paroisse de Yonggwang avaient été condamnés à 18 mois de prison pour avoir « violé les lois concernant les assemblées et les manifestations illégales » et « avoir empêché un fonctionnaire du gouvernement de faire son travail » sur le site de la centrale. A la suite de ce verdict, l'ensemble des prêtres de l'archidiocèse de Kwangju avait décidé lors d'une réunion officielle présidée par Mgr Victorinus Youn Kong-hi, archevêque de Kwangju, de se joindre à la campagne générale de protestation, estimant que « les prêtres avaient le devoir d'empêcher [une politique nationale ] quand elle était inhumaine et portait atteinte au droit à la vie de la population ainsi qu'à l'environnement » (2).
Plus récemment, le 1er avril dernier, les prêtres catholiques de Samcheok, dans le diocèse de Wonju situé dans la partie orientale du pays, ont tenté à leur tour de dissuader le gouvernement d'implanter de nouvelles centrales dans la région, rappelant que la côte-est coréenne était plus vulnérable aux séismes et aux tsunamis. Dans sa déclaration, le clergé catholique a accusé également les autorités de vouloir prolonger l'exploitation des anciennes centrales, ce qui ne pourrait « que provoquer la répétition de la catastrophe de Fukushima ».
Un argument repris par le P. Paul Park Hong-pyo, porte-parole de clergé de Samcheok, qui après avoir évoqué les leçons de Tchernobyl, a déclaré que désormais ces « avertissements » sur le danger du nucléaire ne pouvaient plus être ignorés. Citant un sondage effectué par un magazine en ligne, le P. Paul Park, qui célèbre chaque mercredi une messe pour un « monde sans nucléaire » en centre-ville, a rapporté que près de 57 % des habitants de la ville de Samcheok se déclaraient opposés à l'implantation d'une centrale. Le conseil municipal a approuvé la construction du site en décembre dernier, sans avoir consulté les habitants, s'est-il indigné.
De nombreux mouvements chrétiens de différentes obédiences ont prévu de participer aux manifestations antinucléaires qui ont commencé le 28 mars, date anniversaire de la catastrophe de Three Mile Island aux Etats-Unis (28 mars 1979), et qui se poursuivront jusqu'au 26 avril, anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl en ex-Union soviétique (26 avril 1986).
La Corée du Sud représente la 6e puissance nucléaire mondiale avec 21 centrales en activité, qui fournissent 35 % de l'électricité du pays. Le gouvernement actuel planifie de développer davantage le parc des centrales afin d'obtenir que près de 50 % de l'électricité soit fournie par le nucléaire d'ici 2024.
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