Croyante grâce à la philosophie
Si, lorsqu’elle était adolescente, la philosophe a fait partie d’un groupe de jeunes chrétiens où les « discussions ouvertes et les messes », ont été « importantes » pour sa foi, cependant c’est la « réflexion philosophique » qui l’a « éclairée » et qui a « renforcé beaucoup de propositions de la foi ».
Finalement, affirme-t-elle, c’est en étudiant la théologie qu’elle est « devenue vraiment croyante ». Aujourd’hui enseignante en phénoménologie, elle estime que sa matière « conduit à la vérité profonde » en « apprenant à regarder ».
Ainsi, il n’y a pas d’opposition entre foi et raison chez cette philosophe qui, à dix ans, était déjà touchée par « la beauté linguistique et l’insolite religiosité d’une lecture de saint Augustin ». Très tôt, elle est marquée par Aristote, l’idéalisme allemand avec Hegel, Kierkegaard, puis Simone Weil, Michel Henry, Emmanuel Lévinas et surtout Romano Guardini et Edith Stein, ses « maîtres posthumes ».
Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz a connu Joseph Ratzinger en 1976, et se dit « très touchée » par sa pensée, « aujourd’hui encore plus qu’avant ». Avec Joseph Ratzinger, « le Logos chrétien s’éveille à une vie inattendue » tandis qu’il plaide pour une « religiosité de la pensée, la conversion à la réalité », explique-t-elle, rendant hommage à son « œcuménisme de la raison » : la pensée du pape « sollicite un dialogue qui conduit hors de la vacuité de sens postmoderne ».
Le potentiel religieux de la philosophie
Pour elle, la « grande philosophie » se nourrit d’un « potentiel religieux » : même la critique de la religion de Nietzsche se laisse lire comme «mystique négative» (Henri de Lubac). Concernant la phénoménologie, Dieu peut se trouver « indirectement dans le «monde du phénomène» », comme le montrent les nombreuses conversions au christianisme des élèves de Husserl, alors que ce dernier ne parlait « quasiment pas de Dieu », précise Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz.
La philosophe étudie la théologie féminine depuis les années soixante-dix, en particulier « l’histoire des femmes et de l’«image» masculine de Dieu ». Lorsque le féminisme a dévié « vers la «liturgie des femmes» et la construction arbitraire d’un prétendu «matriarcat», je suis devenue critique », confie-t-elle : ces idéaux sonnaient « irréels et plutôt boiteux ».
Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz a rapidement considéré d’un regard critique « Simone de Beauvoir avec sa proposition de masculinisation de la femme » et, surtout, « l’idéologie du "gender", qui a réduit le corps à la corporéité neutre ».
Hildegarde de Bingen, la « science joyeuse »
Pour la philosophe, au XIIe siècle déjà, Hildegarde de Bingen « avait considéré le corps avec beaucoup de sérieux ».
Aujourd’hui, cette sainte bénédictine, qui sera déclarée docteur de l’Eglise dimanche prochain, 7 octobre, par Benoît XVI, à Rome, trouve « un surprenant large écho parmi nous grâce à la «médicine verte alternative » » constate Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz.
« Beaucoup admirent l’amie de la nature, la poétesse, la musicienne », poursuit-elle, mais le « noyau central » d’Hildegarde est « la science joyeuse » (laeta scientia) d’une théologie de la création.
Dans la pensée d’Hildegarde, commente la philosophe, « Dieu a mis toutes les créatures dans le filet de l’amitié, surtout dans l’amitié avec l’homme » : ainsi, « le pommier incline ses branches au printemps, afin que ses pommes puissent être cueillies plus facilement ».
Selon elle, Hildegarde est une « grande visionnaire de la création, dans sa force originelle, d’abord brisée, puis libérée » : de la même façon que la personne est entraînée « avec le monde entier » dans la chute, de même « la création tombée attend aussi le retour, la conversion qui vient avec le Fils de l’homme », le « Médecin ».
Hildegarde est « profondément liée à saint François d’Assise comme une “grande sœur” », fait observer la philosophe.
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