Le P. Pierre Ceyrac est décédé vers 4 h du matin le 30 mai, à Madras, à l’âge de 98 ans. Le P. Yann Vagneux, jeune prêtre des MEP, dont la vocation est née notamment au contact du P. Ceyrac, brosse le portrait spirituel du prêtre jésuite.
Toute sa vie était don
Le P. Ceyrac, qui avait eu un grave accident en 2005, perdant progressivement de son autonomie et vivant « quasi reclus » au Loyola College de Madras, « avait réalisé le dépouillement ultime auquel il aspirait, vivant presque comme l’ermite qu’il avait souhaité devenir », confie le P. Vagneux.
Son « obsession », souligne-t-il, était de « tout mesurer à l’aune de l’amour et de l’accueil » : « Plus il avançait dans sa vie, plus il se 'simplifiait' pour laisser toute la place à l’amour et à l’accueil de l’autre ».
Pour le P. Vagneux, « il était l’intelligence qui se réduit à la simplicité de l’amour ». D’ailleurs, « son visage n’a jamais été aussi bouleversant qu’à la fin de sa vie : plus dépouillé mais plus lumineux », un visage « buriné et marqué, mais avec des yeux d’enfant émerveillé ».
La célèbre devise du P. Ceyrac « Tout ce qui n’est pas donné est perdu » reflète sa vie : « Toute sa vie était don, offrande, eucharistie ». C’était, poursuit le P. Vagneux, « était un être 'mangé' par l’amour de Dieu et par l’amour de l’autre », qui ne mettait « aucune limite à sa compassion », et « ne disait jamais non ».
Intellectuel et homme d’action
Le P. Ceyrac était « un intellectuel puissant », lisant beaucoup, annotant les ouvrages, mais bien que titulaire d’un doctorat, il n’a jamais enseigné. Il était, précise le P. Vagneux, « l’héritier de « l’école de Fourvière » et avait eu des maîtres et confrères impressionnants : Henri de Lubac, Jean Danielou… ».
Pour le P. Vagneux, « c’est l’Inde qui a éveillé puis façonné son intelligence avant de la passer à l’épreuve de son humanité ».
Cependant, le P. Ceyrac était aussi un « homme d’action », « prêt à soulever des montagnes pour 'ses pauvres' ».
Le P. Vagneux estime qu’ « il n’aurait jamais pu accomplir cette œuvre immense en faveur des plus pauvres, s’il n’avait pas été ancré dans une vie spirituelle profonde ».
Consacré aux hindous
« Il restait persuadé, poursuit-t-il, malgré le côté cruel qu’il avait perçu dans la discrimination des intouchables, que l’Inde était profondément en quête et en attente de Dieu, et il me répétait souvent que mon « sacerdoce devait être consacré d’une manière particulière aux hindous ». »
Le P. Ceyrac avait pour « mentor » le P. Monchanin (surnommé Swami Paramarubyananda), et comme lui il avait « rejoint l’Inde dans sa quête la plus intime, la plus spirituelle ». Il voulut « épouser l’Inde, et renaître indien », plongé dans la culture indienne, apprenant le sanskrit et le tamoul.
Le P. Ceyrac voulait d’ailleurs mourir en Inde, confie le P. Vagneux : « Pour lui, le grain destiné à donner du fruit, devait mourir sur la terre où il avait été semé », dans « cette Inde à laquelle il avait tout donné, dont il avait tout reçu, qui l’avait fait renaître une seconde fois ».
Un héritage
Ainsi, l’héritage du P. Ceyrac, c’est celui d’une « aventure qui se transmet », en particulier le « regard particulier qu’il posait sur le monde, un regard double : un œil ouvert sur la douleur et plongeant dans la souffrance du monde et l’autre voyant la beauté et l’espérance du monde et des personnes ».
Malgré « la tristesse de la séparation », le P. Vagneux garde « la certitude d’une abondance de grâces qui en découlera ».
Le P. Pierre Ceyrac sera inhumé demain, 2 juin, dans le cimetière du Loyola College de Chennai.
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