Ces dernières semaines, des violations de la liberté de la presse ont été recensées en Algérie, en Égypte, en Irak, en Arabie saoudite, en Somalie, au Soudan et en Syrie.
En Algérie, trois journalistes ont été arrêtés en l'espace d'une semaine à Tbessa, suite à la publication d'articles rapportant que les forces de sécurité ont déjoué une tentative d'attentat terroriste. Abdallah Zarfaoui, journaliste à El Khabar, a été arrêté le 11 septembre et détenu jusqu'au lendemain ; Driss Belkacem, reporter pour le journal El Shourouk Al Yawmi, a été lui aussi appréhendé le même jour et placé en garde à vue pendant cinq heures ; enfin, Houari Ghrib de la publication Al Nahar a été arrêté et mis sous les verrous le 13 septembre. Ces trois hommes ont été libérés sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre eux, après avoir été interrogés à propos de leurs sources.
En Égypte, le quotidien Ashorouq et le magazine Azzohour se sont vus retirer leurs licences les 3 et 1er septembre respectivement, le Conseil suprême de la presse (nommé par le gouvernement) s'étant arbitrairement élevé contre les publications et contre le fait que les actionnaires d'Ashorouq sont les journalistes eux-mêmes. La publication du quotidien a été bloquée tandis qu'il se préparait à imprimer son premier numéro et la publication du magazine a été stoppée un jour avant l'impression de son prochain numéro. Le retrait de ces licences est contraire à la loi sur la presse égyptienne, qui interdit à tout organisme administratif de faire obstacle ou de faire fermer une publication. Le conseil d'administration d'Ashorouq est présidé par Ibrahim Al Mo'alim, chef du syndicat des éditeurs arabes ; par ailleurs, le président d'Azzohour est membre du Conseil du syndicat des journalistes.
En Irak, Sadeq Jaafar Bashir, secrétaire de rédaction du mensuel kurde Araa, a été grièvement blessé le 24 août, lorsque plusieurs hommes en uniforme militaire se sont introduits chez lui pour une perquisition, puis ont ouvert le feu sur lui et sa famille. La soeur de Bashir a été tuée ; la fille, âgée de trois ans, et la mère du journaliste ont été blessées. Bashir a affirmé n'avoir reçu aucune menace avant l'agression. Les violences faites aux journalistes en Irak n'ont jamais cessé depuis le commencement de la guerre en mars 2003 ; 217 professionnels des médias ont été tués.
En Irak, deux journalistes ont été interpellés séparément, le 2 septembre, par l'armée américaine. Omar Husham, caméraman irakien pour Baghdad TV, détenteur d'un badge-presse délivré par les autorités américaines, a été arrêté à son domicile à Adhamiyah, ainsi que son père et deux de ses frères. Ibrahim Jassam, reporter indépendant irakien travaillant pour Reuters, a été interpellé lors d'une perquisition à son domicile à Mahmoodiya. Aucune charge n'a été immédiatement retenue contre les deux hommes ; pourtant, un porte-parole de l'armée américaine a déclaré qu'ils étaient « considérés comme une menace pour la sécurité de l'Irak et des forces de la coalition ». Un nombre croissant de journalistes irakiens se font arrêter par l'armée américaine et sont maintenus en détention pendant des semaines, voire des mois, sans qu'aucune charge ne soit retenue à leur encontre.
En Irak, trois journalistes et un professionnel des médias travaillant pour la chaîne Al-Shawqiya TV ont été exécutés le 13 septembre à Mossoul, alors qu'ils enregistraient une émission spéciale ramadan dans le secteur. Musab Mahmood al-Ezawi, grand reporter, Ahmed Salim et Ihab Mu'd, deux caméramans, et leur chauffeur Qaydar Sulaiman, ont été enlevés devant une résidence privée par des hommes armés, pendant que les autres membres de l'équipe enregistraient l'émission à l'intérieur. Leurs corps ont été retrouvés plus tard dans le quartier d'al-Borsa, non loin du lieu de l'enlèvement. Les individus suspectés de ces meurtres ont été arrêtés le 15 septembre, après que le Premier ministre, Nouri Al Maliki, ait ordonné l'ouverture d'une enquête approfondie.
En Irak, Moaid Al-Lami, président du Syndicat irakien des journalistes (IUJ), a été la cible d'un attentat à la bombe le 20 septembre, qui s'est produit devant le quartier général du syndicat. Al-Lami est resté en observation à l'hôpital et plusieurs autres personnes qui étaient présentes dans le bâtiment ont été blessées par l'explosion. Ancien secrétaire général de l'IUJ, Al-Lami a été élu au mois de juillet pour remplacer Shahib Al-Timimi, qui a été tué par balles près des bureaux du syndicat en février 2008. Al-Lami et son prédécesseur ont tous deux reçu des menaces pour avoir dénoncé les attaques des extrémistes politiques contre les médias.
En Arabie saoudite, Cheikh Saleh al-Luhidan, haut dignitaire et président du Conseil supérieur de la jurisprudence, a émis une fatwa, le 12 septembre 2008, appelant au meurtre des patrons de chaînes de télévision par satellite propageant la « dépravation ». Face au tollé provoqué par cette fatwa, le dignitaire religieux a atténué ses propos contre les propriétaires de chaînes télévisées lors d'une émission de radio saoudienne, tout en maintenant qu'il est licite de tuer les apôtres de la dépravation et que la situation est grave. Les fatwas émises contre les journalistes dans le monde arabe n'ont cessé de se multiplier ces dernières années.
En Somalie, Abdiqani Ismail Goh, journaliste à Radio Las Anod, a été arrêté le 17 septembre sur ordre du directeur du Croissant rouge de Somalie, Dakir Ali Nur. Goh avait fait un reportage sur les méthodes de distribution de nourriture par le CRS et les protestations des habitants de Las Anod sur les irrégularités dans la distribution. Placé en garde à vue, Goh a été accusé de ne pas être habilité à exercer le journalisme ; Nur lui aurait rendu visite et il aurait reçu des menaces. La police suivait Goh depuis le mois de mai, où il a été interpellé et accusé de disséminer des informations critiques à l'égard du gouvernement du Somaliland et des autorités de Las Anod.
Au Soudan, le Conseil national de la presse (NPPC) a suspendu le 1er septembre, deux journaux anglophones basés à Juba, The Citizen et le Sudan Tribune. Les publications avaient récemment diffusé des articles critiques à l'égard du gouvernement d'unité nationale et de l'opposition du NPPC contre le fait qu'un professionnel du Darfour soit rédacteur en chef de The Citizen. Le NPPC a affirmé que les deux journaux avaient été suspendus pour des raisons administratives, qu'aucun n'avait respecté la condition de remettre des copies des publications au conseil avant leur impression et que les deux journaux n'avaient pas appliqué la loi établissant qu'ils doivent être basés à Khartoum. La suspension du Sudan Tribune a été levée le 4 septembre.
En Syrie, une délégation de Reporters sans frontières, accompagnée du journaliste français Patrick Poivre d'Arvor et du photographe François Daburon, ont été interdits d'entrée sur le territoire syrien depuis le Liban, le 13 septembre. La délégation espérait rencontrer les familles des journalistes emprisonnés en Syrie. Aucune raison ne leur a été fournie à ce refus d'entrer dans le pays. Cependant, Mohsen Bilal, ministre de l'Information syrien, aurait déclaré : « ils n'obtiendront pas de visa, ni maintenant, ni jamais ».
The Arab Press Network 28.09.2008