Au cours des dernières semaines, plusieurs membres du gouvernement ont menacé la presse indépendante et le journaliste d’investigation Iqbal Athas. Le conflit fait rage dans le nord du pays et le gouvernement s’apprêterait, par ailleurs, à renforcer les restrictions imposées à la couverture de la situation sécuritaire.
Une équipe de télévision étrangère a été empêchée de travailler à Jaffna. "Alors que le haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme, Louise Arbour, arrive dans quelques jours au Sri Lanka, le gouvernement et l’armée mettent gravement en danger la sécurité de certains journalistes et empêchent le travail de la presse dans les zones affectées par le conflit. Nous exhortons le président Mahinda Rajapaksa à appeler au calme et à ne pas prendre de nouvelles mesures contraires à la liberté de la presse", a déclaré Reporters sans frontières. Le dernier incident en date est l’expulsion de Jaffna d’une équipe de télévision britannique. Le 5 octobre 2007, la reporter Sandra Jordan, la cameraman Siobhan Sinnerton et la journaliste Dushiyanthini Kanagasabapathipillai ont été contraintes de quitter Jaffna après avoir été empêchées par l’armée de travailler. Arrivée la veille, l’équipe de la société de production Quick Silver Media a tenté de s’installer dans un hôtel de la ville, mais des militaires l’a obligée à se loger sur la base militaire de Palaly. Le 5 octobre, des soldats ont escorté les trois journalistes pendant deux heures à Jaffna, puis leur ont demandé de repartir vers Colombo. Le 2 octobre, un texte publié sur le site du ministère de la Défense, et repris par un journal gouvernemental, accuse le journaliste d’investigation Iqbal Athas d’être un "traître". Journaliste spécialisé dans les affaires de Défense pour The Sunday Times, Iqbal Athas a repris depuis plusieurs semaines son travail après avoir été contraint de cesser d’écrire et de s’exiler suite à des menaces de mort. Dans le texte intitulé "Iqbal Athas, arrêtez d’insulter les sacrifices de nos soldats", le ministère accuse le journaliste de participer aux "opérations psychologiques des terroristes du LTTE". Déjà le 30 septembre, le porte-parole de l’armée, le brigadier Udaya Nanayakakara, avait accusé Iqbal Athas de "soutenir le terrorisme" à travers certains de ses articles. L’officier a demandé aux médias de ne plus publier ses articles. Tous les médias gouvernementaux ont repris ces accusations contre le journaliste du Sunday Times. Iqbal Athas a déclaré à Reporters sans frontières être très inquiet de cette nouvelle campagne d’intimidation. Par ailleurs, l’organisation sri lankaise Free Media Movement (FMM) a révélé, fin septembre, que le gouvernement projette de renforcer son contrôle sur les activités journalistiques liées au conflit, sous la forme de nouvelles mesures d’urgence. Les autorités pourraient justifier ces nouvelles restrictions par la nécessité de protéger la sécurité nationale. Le FMM a demandé au gouvernement de confirmer ou infirmer l’existence de ce projet. Dans des discours publics, des ministres ont attaqué des médias privés. Ainsi, le 22 septembre, le ministre des Transports, Jeyaraj Fernandopulle, a accusé la direction de la chaîne privée Sirasa TV d’être liée au chef des Tigres tamouls. Il reprochait à la chaîne de ne pas avoir retransmit en direct une cérémonie pour célébrer une récente victoire de la marine sur la flotte du LTTE. Quelques jours auparavant, le ministre du Travail, Mervin Silva, s’en était pris aux médias après l’arrestation de son fils. Selon lui, Sirasa TV et le journal Daily Mirror sont coupables de calomnie. Des hommes de main du ministre ont empêché une équipe de Sirasa TV d’assister à un événement auquel Mervin Silva était présent. Ces deux médias ont annoncé que le ministre avait intimidé la magistrate en charge du dossier de son fils. La magistrate n’a pas démenti et la justice du Sri Lanka a critiqué les manœuvres d’intimidation du ministre.
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