Alors que des centaines de milliers d'Egyptiens manifestent quotidiennement dans le centre du Caire contre le régime de Moubarak, le père jésuite est revenu pour Radio Vatican sur les raisons de ces protestations. Il évoque notamment le risque que les mouvements extrémistes islamistes profitent de cette instabilité pour prendre le pouvoir.
Dans cette interview, le père Samir Khalil évoque les difficultés économiques vécues par une grande partie de la population : « environ 40% de la population égyptienne vit dans des conditions de pauvreté absolue : ils n'arrivent pas à deux dollars par personne et par jour. En un an, les prix ont augmenté de 5 à 30 fois. Les riches en profitent, mais les pauvres en paient les conséquences ».
Face à cela, « le gouvernement fait peu de choses », explique-t-il. « Et de là naît le danger de l'islamisme, parce que les mouvements islamistes fondamentaux, dont les ‘Frères musulmans' et d'autres, ont compris que pour gagner des votes, il suffit de promouvoir des œuvres sociales ».
Le père jésuite estime que les groupes islamistes veulent le pouvoir. « Les ‘Frères musulmans' sont nés en 1928 dans ce but : créer des pays vraiment islamiques, parce qu'ils pensent que l'Egypte est trop influencée par l'Occident, qu'elle n'est pas suffisamment musulmane ».
« Ils veulent donc le pouvoir pour faire les réformes qu'ils considèrent comme les meilleures pour le peuple et que d'autres considèrent comme pires », affirme-t-il.
« Pour le moment – ajoute le père Samir Khalil – il y a une répression et le régime de Moubarak, dès le début, a interdit ces groupes politiques mais cela ne limite pas leur rayon d'action. Ils entrent dans d'autres partis sous n'importe quel nom pour proposer une politique islamique ».
« Mais l'Egypte est un pays modéré et par nature, l'Egyptien n'est pas rebelle. Il veut simplement vivre », ajoute le père jésuite.
Interrogé sur la nécessité pour l'Egypte de vivre une « vraie démocratisation », le père Samir Khalil a souhaité préciser le sens d'une vraie démocratie : « cela signifie avant tout justice pour les plus pauvres ».
« Et puis il y a la demande d'une plus grande liberté. Nous sommes sous un régime qui contrôle trop, parce qu'il a peur de ces mouvements extrémistes. C'est un cercle vicieux ».
« Comment en sortir ? », se demande-t-il. « En faisant des réformes. Il y a des personnes très riches et le décalage est trop grand. Nous devons donc avoir des lois sociales, un système de taxes plus adapté à cette situation, des services sociaux plus généralisés ».
« L'école se trouve dans une situation catastrophique, avec beaucoup d'analphabètes qui arrivent sur le marché du travail », déplore-t-il enfin. « La réalité, c'est que nous ne sommes pas loin de 40% d'analphabètes ».
Marine Soreau
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