a souhaité que les fidèles catholiques apportent une contribution déterminante à la vie publique du pays.
« Nous espérons que le gouvernement par intérim trouve des solutions capables de ramener la paix et la sécurité dans le pays », dit-t-il.
ZENIT : Quelle est la position de l'Eglise catholique par rapport à ce qui se passe en ce moment en Egypte ?
Card. Naguib : Comme les autres institutions et organisations présentes dans notre chère nation et qui font partie de notre nation, l'Eglise catholique en Egypte dénonce fermement la violence et le vandalisme, et tout ce qui fait obstacle à la vie digne et décente de nos compatriotes. En même temps, l'Eglise encourage à créer un climat serein de fraternité nationale et de dialogue constructif, capable de faire croître la conscience et la vraie filiation à notre pays, comme cela a été dit dans l'appel lancé par Sa Béatitude à toutes nos Eglises. Nous devrions promouvoir un esprit de participation active à la vie sociale, surtout à travers le devoir de voter et tous les autres devoirs nationaux.
Concernant la situation actuelle, nous invitons à agir avec les autres citoyens, au service des comités populaires, pour défendre les familles, la propriété et les institutions privées et publiques qui appartiennent à la nation. Nous avons conscience que la position nationale implique un esprit de collaboration et d'amitié entre tous les citoyens, et nous espérons que le gouvernement par intérim trouvera des solutions capables de ramener la stabilité et la sécurité.
ZENIT : Des catholiques égyptiens participent-ils aux mouvements de protestation ?
Card. Naguib : Oui, ils sont présents depuis le début des manifestations, depuis le 25 janvier. Ils participent en tant que citoyens égyptiens qui cherchent le bien de leur pays. Il est important qu'ils évitent de parler ou d'agir d'une façon qui puisse engendrer la violence ou le vandalisme. Ils doivent aussi savoir qu'ils devraient empêcher tout acte ou toute initiative qui ne soit pas pour le bien du pays.
Nous avons dit clairement à nos Églises quelle était la position de l'Église catholique vis-à-vis de l'action politique. Le canon 348 (article 2) interdit en effet que le clergé se consacre à une action politique si ce n'est pour défendre l'Église ou promouvoir le bien commun, comme le permet d'ailleurs aux fidèles le canon 402. Sur la base de ce droit, ils doivent participer à l'action politique et sociale, exprimer leurs opinions et voter lors des élections.
Ceci leur donne le droit et la possibilité d'exprimer leurs idées et de faire connaître leurs requêtes de manière légitime et pacifique, sans aucune violence. Chacun doit prendre librement sa décision devant Dieu, la prendre conformément à ces principes.
ZENIT : La semaine dernière, durant la prière du vendredi à Téhéran, l'ayatollah Khamenei avait invité l'Égypte à suivre les traces de la révolution islamique de 1979 en Iran. Ce danger est-il réel selon vous ? Et dans ce cas quelle serait la position de l'Église?
Card. Naguib : Il est clair que cela serait dangereux. Mais dans leur déclaration publiée le 4 février à minuit, et diffusée par les journaux le 5 février, les « frères musulmans » affirment : « Le groupe n'a pas de plans, son objectif est de servir les personnes et c'est ce qu'il fait depuis 80 ans. Ils se sacrifient pour la stabilité des personnes, et font en sorte que les citoyens de toutes confessions aient légitimement leurs droits comme leur devoir religieux et répondent à leur engagement national. Ils n'aspirent pas à la présidence, ou à une quelconque autorité ou place. Ils comptent sur une réforme populaire mesurée ».
Notre espoir est que ce soit le reflet de leur véritable position, de leur réelle intention. Dans ce cas, je crois qu'il est normal pour eux de s'uniformiser aux lois générales à la base des partis, et de participer à travers leurs représentants au parlement et au conseil de la Shura.
ZENIT : Vous êtes-vous rencontrés avec les leaders musulmans de manière à unir vos voix en cette période d'instabilité que vit le pays?
Card. Naguib : Non, cela n'est jamais arrivé.
ZENIT : L'économie de l'Égypte enregistre une croissance de 7%, pourtant la majorité de la population n'en profite pas. Ne pensez-vous pas que cela soit une bonne raison pour l'Église d'être aux côtés des jeunes manifestants ?
Card. Naguib : Comme ailleurs, mais surtout dans notre pays, l'Église s'occupe particulièrement des pauvres et des plus vulnérables. Les jeunes et les autres citoyens qui participent aux manifestations ne sont ni pauvres ni désespérés. Il y a des personnes de toute extraction sociale : des professeurs universitaires aux personnes modestes. Nous espérons que les requêtes de fond des jeunes, de la majorité des intellectuels et des civils seront accueillies par un Etat civil fondé sur la citoyenneté, la justice, l'égalité et la démocratie, grâce à des réformes constitutionnelles, législatives, administratives et sociales, en mesure de réaliser concrètement ces objectifs.
C'est ce qui peut garantir la sécurité de tous et permettre la justice sociale, favoriser la distribution des biens publics aux personnes dans le besoin.
ZENIT : Comment voyez-vous l'avenir de l'Égypte, et plus précisément l'avenir de l'Église catholique en Égypte?
Card. Naguib : Nous recherchons un meilleur avenir pour l'Égypte et pour les égyptiens. La situation des chrétiens et des catholiques dépendra de la situation générale en Égypte. Et elle dépendra aussi du cours immédiat des événements.
ZENIT : Y-a-t-il des développements dans les rapports entre l'université d'Al-Azhar et l'Eglise catholique? Avez-vous rencontré le grand imam d'Al-Azhar, Ahmad at-Tayyeb? Quel est le cadre général, au regard du fait évident que les paroles du pape ne visaient pas à interférer dans les affaires intérieures du pays?
Card. Naguib : Les rapports entre le Vatican et Al-Azhar sont très importants. Mais ceux qui doivent résoudre cette question en Égypte sont pour le moment occupés avec ce qui se passe dans le pays. D'autre part, il est magnifique de voir que les événements ont créé un dialogue extraordinaire et durable, vu que chrétiens et musulmans font corps pour protéger leurs biens, rues et maisons, leurs églises et mosquées, sans se poser le problème de la religion. Ils partagent les mêmes repas et passent la nuit ensemble en plein air. Je suis donc convaincu que ces sentiments fraternels serviront à créer une nouvelle et meilleure forme de coexistence.
Propos recueillis par Tony Assaf
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