Reporters sans frontières demande aux autorités égyptiennes de libérer le blogueur Kareem El-Beheiri, arrêté le 6 avril 2008 à Mahalla alors qu’il couvrait une grève touchant l’usine de textile dans laquelle il travaillait. Il est détenu à la prison de Borg El Arab (40 km d’Alexandrie) depuis le 9 avril.
« Kareem El-Beheiri est soumis à de mauvais traitements. Il a commencé une grève de la faim et nous nous inquiétons pour son état de santé. La direction de la prison refuse de le transférer à l’hôpital pour qu’il reçoive les soins adéquats. Nous demandons aux autorités de le libérer en attendant de préciser les charges exactes retenues à son encontre », a déclaré Reporters sans frontières
Dans une lettre adressée à Zakareya Abdel Aziz, directeur de l’organisation rassemblant les juges du Caire, le 18 mai, Kareem El-Beheiri témoigne des mauvais traitements qui lui ont été infligés, ainsi qu’à Tareq Amin et Kamal el-Fayyoumy, deux activistes arrêtés le même jour. « Nous avons été torturés dans les quartiers de sécurité de l’Etat à Mahalla les 6, 7 et 8 avril. Des policiers ont électrocuté Kareem, insulté et battu Tareq Amin et Kamal El-Fayyoumy », écrivent-ils (http://allthegoodnameshadgone.blogspot.com/2008/05/letter-from-kamal-el-fayyoumy-tareq.html)
Kareem El-Beheiri était ouvrier à l’usine de textile Misr Filature et Tissage de la cité industrielle de Mahalla. Il a perdu son emploi pour « absentéisme » bien que ses employeurs aient reçu les documents confirmant son incarcération. Les autorités lui reprochent d’avoir incité à la grève sur son blog, dans lequel il évoque les actions organisées par les ouvriers égyptiens pour manifester contre leurs mauvaises conditions de vie.
Dans son dernier article, Kareem El-Beheiri écrit : « Il est maintenant sept heures du matin, le 6 avril, et je m’en vais à Mahalla pour couvrir la grève de l’usine. Priez pour moi et j’espère que chacun réussira à montrer les failles du régime égyptien. Kareem El-Beheiri, d’un pays libre : celui des révolutionnaires égyptiens. »
La grève du 6 avril, organisée pour protester contre la vie chère, a été suivie par plusieurs milliers de personnes au Caire et dans la ville industrielle de Mahalla. Un groupe intitulé « 6 avril », créé sur le réseau social Facebook, appelant les Egyptiens à protester par tous les moyens, rassemblait 64 000 membres à la veille des manifestations. L’internaute Esraa Abdel Fattah Ahmed est restée plus de deux semaines en prison pour avoir fait partie de ce groupe. Son inititateur, Ahmed Maher, un ingénieur de 27 ans, a été battu par la police de Mahalla pendant douze heures afin d’obtenir les identifiants du groupe. Son compte a été annulé par Facebook, qui le considérait comme un « spammeur » en raison du nombre important de messages qu’il envoyait aux membres de « 6 avril » pour les inciter à se mobiliser.
« Cette grève organisée sur Internet est une première pour les autorités, qui ne savent pas à qui en imputer la responsabilité. Nous condamnons la détention pendant plusieurs semaines d’individus qui n’ont fait qu’user de leur droit à la liberté d’expression », a conclu l’organisation.
L’Egypte compte six millions d’internautes et la blogosphère y est l’une des plus actives du Moyen-Orient. Depuis les manifestations demandant le départ du président Hosni Moubarak à l’approche de l’élection de 2005, les blogueurs ont pris le relais des médias officiels en publiant des photos et des vidéos. Ils sont aujourd’hui considérés comme une source d’informations à part entière. En janvier 2007, le journaliste Wael Abbas a diffusé des vidéos montrant des policiers qui torturaient des détenus. Ces images ont servi de preuves dans un procès qui a abouti à la condamnation de l’un des officiers à trois ans de prison. C’était la première fois qu’un tel événement se produisait.
RSF 19.05.2008