Les chrétiens du Caire vivent en effet cette semaine la grande semaine de prière pour l’unité des chrétiens, reportée parce que la semaine du 18 au 25 janvier tombe dans le temps liturgique de l’Epiphanie, selon le calendrier julien.
L'unité, la prière et le jeûne
En ce troisième jour de prière, c’est le pape Copte orthodoxe Tawadros II qui a accueilli dans son immense cathédrale la grande foule rassemblée par le Christ et les responsables des différentes confessions chrétiennes présentes au Caire. Un rassemblement qui est une entreprise vu les encombrements du Caire qui ont quelque chose d’épique. Un défi, sous surveillance militaire. Et il fallait montrer patte blanche au service d'ordre à l’entrée.
Le Christ n’est pas divisé, a souligné Tawadros II dans son homélie sur saint Jean : les chrétiens ne doivent pas l’être. Il a exhorté à la communion, une communion qui est amour, beauté, vie. Une communion à l’image de la communion trinitaire, qui se reflète spécialement dans le mariage des chrétiens. Leur union constitue en quelque sorte un antidote à l’égoïsme : à l’image des personnes de la Sainte Trinité, l’époux vit pour son épouse et l’épouse pour son époux et les deux ensemble pour les enfants.
C’était aussi le troisième jour du « jeûne de Jonas » cher aux Coptes : sous le signe ce temps de pénitence, il a invité à la conversion, à renoncer au péché, pour que la foi du chrétien soit une foi active, non pas en apparence, mais en acte.
J’ai enregistré pour Radio Espérance l’essentiel de la traduction en français de Sœur Angelita Ibrahim, supérieure provinciale des sœurs Franciscaines missionnaires du Cœur immaculé de Marie, la communauté copte catholique qui m’accueille. Et dans laquelle je ne me sens pas dépaysée : les sœurs égyptiennes parlent italien, à l’école de leur fondatrice, la bienheureuse Caterina Troiani – béatifiée par Jean-Paul II en 1985. Elle a voulu ses filles « missionnaires en clôture et contemplatives en mission ».
Sa cause de canonisation pourrait avancer avec la reconnaissance d’une guérison extraordinaire due à son intercession, celle d’un jeune garçon de Jordanie atteint de leucémie. Mais il faut attendre cinq ans, pour vérifier la guérison dans la durée.
L’année 2013 a été l’année du bicentenaire de sa naissance, en 1813, en Italie, dans la province de Frosinone, au sud de Rome. La religieuse a achevé sa course le 6 mai 1887, à 74 ans, au Caire, où elle était arrivée 28 ans plus tôt. Aujourd'hui la communauté a 16 maisons et écoles dans la province d'Egypte, 85 soeurs, et… 10.000 élèves environ.
Une amie de saint Joseph
Dans la chapelle des sœurs, un tableau étonnant évoque la mort de saint Joseph, soutenu par Jésus, auprès de Marie et, au-dessus, les trois cœurs de Jésus, illustrant un autre point typique de la spiritualité de la fondatrice.
Aujourd’hui, elle repose à Rome, mais une relique, enchâssée dans la mosaïque qui la représente, rappelle aux sœurs du quartier Clot Bey qu’elle continue de veiller sur elles et de prier pour ce pays et ce peuple égyptien qu’elle a tant aimé et pour lequel elle a accepté de souffrir. Et qui a tellement besoin de paix et de concorde, pour que l’on n’entende plus la sirène des ambulances et qu’on ne parle plus de funérailles mais de vie et de joie de vivre ensemble, différents, dans la confiance et la sécurité. L’insécurité, justement, a fait reporter la rentrée des classes pour le second semestre.
En me racontant les fondations, sœur Angelita me fait comprendre les épreuves des pionnières. Mais à voir les écoles dont les sœurs sont aujourd’hui responsables, et où elles accueillent des enfants chrétiens et musulmans ensemble, on constate qu’elles ont porté beaucoup de fruit de génération en génération : des mamans musulmanes ont tenu à inscrire leurs filles dans leurs écoles après avoir elles-mêmes bénéficié de l’enseignement des sœurs.
C’est l’Opération de carême de Radio Espérance qui m’a fait franchir la méditerranée. Et je découvre que la maison où je me trouve a effectivement besoin de travaux urgents. Le toit de l’école, de l’autre côté de la cour, s’est écroulé en mars dernier. Il n’y avait heureusement personne à ce moment-là. Mais c’est tout le bâtiment qui a besoin d’être reconstruit : en-dessous, l’eau du Nil, qu’on entend courir, mine le terrain. Comment trouver les fonds pour une telle entreprise et où iront les enfants en attendant ?
Et ce n’est pas la seule préoccupation de sœur Angelita qui me fait part d’autres besoins pour poursuivre leur mission, ici et maintenant : la vente d’une maison voisine qui compromettra la sécurité – mais comment la racheter, vu son prix ? -, l’écroulement d’une maison, après la construction d’un immeuble voisin, à Port-Saïd, sur le canal de Suez – la chapelle doit encore être réparée et la restauration de l’école n’est pas achevée -, une école saccagée et brûlée à Beni Souef, où l’armée vient de commencer un travail de démolition et de reconstruction.
Une maman musulmane sauve les soeurs
Les soeurs ont été sauvées par une maman musulmane qui les a vues entourées d'une foule en furie et qui est descendue les prendre lpar la main pour les mettre à l'abri chez elle.
Les élèves, garçons et filles, ont été chaleureusement accueillis l’après-midi par une école copte orthodoxe conduite par les « Tassoni », les religieuses. « Un témoignage varié de la communion chrétienne », souligne sœur Angelita reconnaissante. Dans le diocèse de Thèbes et de Louxor, un terrain assigné par l’Etat depuis huit ans pour rendre l’école plus fonctionnelle reste vacant du fait des violences contre les ouvriers qui avaient commencé le chantier.
La communauté ne manque ni d’entrain ni de vocations, et c’est la condition principale pour que la mission continue. La Providence ne manquera pas de susciter aussi des générosités pour pourvoir aux besoins matériels et soutenir ce service d’éducation que leur charisme rend à toute la société égyptienne.
Sœur Angelita me fait ainsi découvrir la vitalité de sa communauté et de l’Eglise copte catholique. Mais aussi des autres communautés chrétiennes, dont elle me signale les écoles ou les églises le long du boulevard Ramsès. Et tous ceux que je rencontre ajoutent avec elle que les événements difficiles récemment traversés par le pays ont rapproché les chrétiens : on a découvert la force de la prière ensemble.
La célébration à laquelle j’ai participé ce mercredi soir en était un exemple vivant. Une chorale aux chaudes voix orientales et l’orchestre aux accents joyeux ou nostalgiques, accompagnaient les lectures bibliques de leur commentaire musical, comme ce beau psaume de l’amour fraternel doux comme l’onction qui coule sur la barbe d’Aaron, ou la supplication d’un long Kyrie.
Les lecteurs de différentes confessions chrétiennes ont alterné, avant l’homélie du pape Tawadros ou « Théodore ».
Le pape copte orthodoxe Tawadros
Surtout j’ai été saisie par la grande voix du peuple de Dieu qui priait, debout, en arabe, toutes confessions et toutes générations ensemble, le Notre Père et le Je crois en Dieu, gravement : les jeunes scouts, très joyeux et un peu bavards, se sont immédiatement joints à la prière.
Après cette longue et belle prière, j’ai suivi sœur Angelita comme son ombre dans la cohue. Une de ses amies, copte orthodoxe, nous a conduites à la résidence du pape Tawadros. Il a salué chacun, sa haute stature permettant aux familles de se regrouper d’autant mieux autour de lui pour une photo.
J’ai juste eu le temps de le remercier de son homélie sur la communion et, apprenant que j’étais vaticaniste à Rome pour Zenit et Radio Espérance, il n’a eu qu’une parole, spontanée, informelle, pour le pape François, auquel il adressait ses chaleureuses salutations.
zenit