Reporters sans frontières dénonce avec fermeté la peine de deux mois de prison prononcée, le 28 septembre 2008, à l’encontre d’Ibrahim Issa, rédacteur en chef de l’hebdomadaire d’opposition Al-Doustour.
Le pourvoi en cassation n’étant habituellement pas suspensif de la peine, le journaliste pourrait être incarcéré dans les prochains jours. Ce qui devrait être le dernier mandat du président Hosni Moubarak s’inscrit dans la continuité de la politique liberticide menée par le chef de l’Etat depuis son accession au pouvoir en 1981.
"Si la brève interpellation, en juin 2008, d’un jeune lycéen qui avait critiqué le président Hosni Moubarak dans une copie d’examen était anecdotique, la condamnation d’Ibrahim Issa illustre, elle, le climat oppressant qui caractérise les relations entre le pouvoir et la presse indépendante. Aucune des promesses électorales du chef de l’Etat, faites en septembre 2005, n’a été respectée. La dépénalisation des délits de presse reste une utopie. En revanche, l’état d’urgence a été récemment prorogé pour deux ans dans l’attente de l’adoption d’une loi antiterroriste, potentiellement dangereuse pour les professionnels des médias", a déclaré l’organisation.
"L’affaire Issa illustre l’asservissement de la justice égyptienne par le pouvoir. Bien que d’autres journalistes aient fait état dans leurs médias des rumeurs sur l’état de santé de Hosni Moubarak, présumé affaibli, le rédacteur en chef d’Al-Doustour est le seul à s’être retrouvé dans les prétoires. Le procès a reposé sur une galerie d’inepties, le procureur allant même jusqu’à faire citer à la barre le directeur de la Banque centrale d’Egypte ainsi que le président de l’autorité de régulation boursière pour tenter de prouver que l’article d’Ibrahim Issa était responsable de la chute des cours boursiers. Rien n’a été épargné pour faire condamner ce journaliste", a ajouté Reporters sans frontières.
Ibrahim Issa a été condamné à deux mois de prison, en vertu des articles 171 et 188 du code pénal, pour “diffusion de fausses informations pouvant causer des troubles à l’ordre public et nuire à la réputation du pays”, suite à une plainte déposée en 2007 par un membre du Parti national démocratique (PND, au pouvoir). La cour d’appel de Boulak Abou El-Ela (Le Caire) a ainsi réduit de quatre mois la peine prononcée par le tribunal correctionnel en mars 2008.
Contacté par Reporters sans frontières, l’avocat du journaliste, Issam Abou Issa, a affirmé s’être pourvu en cassation devant la Cour suprême pour défaut de base légale. Il a également déposé une demande de suspension de la décision de la cour d’appel.
"Ce jugement ouvre la porte de l’enfer pour la presse égyptienne", a déclaré à l’Agence France-Presse Ibrahim Issa, qui fait l’objet d’autres poursuites judiciaires pour ses écrits. En septembre 2007, le journaliste a été condamné par le tribunal correctionnel d’Al-Agouza (Le Caire), aux côtés de trois autres rédacteurs en chef, à un an de travaux forcés pour ”diffusion de fausses informations pouvant causer des troubles à l’ordre public et nuire à la réputation du pays”. Le procès devant la cour d’appel est toujours en cours.
RSF 01.10.2008