Reporters sans frontières est choquée par les interventions ordonnées par le comité d’investigation du ministère de l’Intérieur pour la région de Moscou, dans le cadre de l’enquête sur l’attaque d’un bâtiment de l’administration de Khimki.
Des représentants du ministère de l’Intérieur, chargés de l’affaire, se sont rendus le 2 août dernier dans les locaux du quotidien Kommersant. Selon le rédacteur en chef du journal, Mikhaïl Mikhaïline, ceux-ci ont présenté « un mandat autorisant la réquisition des documents en rapport avec l’attaque contre les locaux de l’administration de Khimki ». Les agents ont confisqué des photographies, dont certaines n’étaient parues ni sur le site ni dans le journal.
Quatre jours plus tard, des agents des forces de l’ordre ont tenté de forcer Kommersant à révéler des informations sur un des participants au saccage du bâtiment administratif. Ce dernier avait donné une interview par mail à la rédaction du journal. Kommersant a refusé de céder aux pressions, en invoquant la loi sur la protection des sources dans les médias.
La police a ensuite confisqué des photographies de l’attaque à la rédaction du journal Svobodnaïa pressa Gazeta.ru , Grigori Turmanov, pour l’interroger. Ce dernier était absent. En revanche, les agents des forces de l’ordre ont pu interroger, pendant plusieurs heures, la photographe de l’hebdomadaire Novaïa gazeta, Veronika Malsimiuk. (« Presse libre ») et envoyé en pleine nuit des agents au domicile du correspondant de
Le 8 août dernier, un autre journaliste de Novaïa gazeta, Alexandre Litoï, a lui été forcé de descendre d’un train Sebastopol-Moscou par des agents du ministère de l’Intérieur pour être interrogé. Alexandre Litoï a affirmé ne pas se trouver sur les lieux lors de l’attaque et aurait été interrogé en raison de ses nombreux écrits sur les actions de divers mouvements jeunes, y compris les mouvement radicaux. Le rédacteur en chef adjoint de Novaïa gazeta, Sergueï Sokolov, a qualifié l’arrestation d’illégale et envisage de porter plainte.
Reporters sans frontières est outrée par la situation de la liberté de la presse en Russie, où les professionnels des médias sont sujets à des arrestations arbitraires et à des entraves à l’exercice de leurs fonctions, lorsqu’ils enquêtent sur des « sujets qui dérangent ».
Les mesures mises en œuvre par les forces de l’ordre sont absolument disproportionnées et en violation flagrante du principe de secret de source. Les pressions exercées sur plusieurs médias et leurs employés sont intolérables. Non seulement elles assimilent les journalistes à des auxiliaires de police, mais elles menacent l’un des principes premiers du journalisme. Sans secret de sources, aucune investigation journalistique n’est possible.
Dans la nuit du 28 au 29 juillet 2010, un groupe d’environ 500 inconnus s’en sont pris à un bâtiment administratif de la ville de Khimki (nord de Moscou). Les assaillants, masqués, ont bombé les murs de slogans anarchistes et ont lancé pierres, bouteilles en verre et fumigènes contre l’édifice.
Détenue et interrogée par la police le 4 août dernier, la leader du mouvement pour la sauvegarde de la forêt de Khimki, Yevgenia Chirikova, a affirmé ne rien savoir de l’incident et que celui-ci n’avait aucun lien avec la campagne pour l’arrêt de la construction de l’autoroute devant traverser la forêt de Khimki.
Le 23 juillet dernier, la correspondante spéciale de Novaïa gazeta, Elena Kostioutchenko, a été interpellée à Khimki alors qu’elle couvrait l’attaque d’un groupe d’inconnus, masqués de blanc, sur un campement des défenseurs de la forêt de Khimki. Victime de mauvais traitements lors de sa détention (elle souffre à présent d’un déplacement des vertèbres cervicales), la journaliste a été relâchée suite à un jugement l’ayant totalement innocentée. Le 2 août dernier, ce sont des caméras de journalistes qui ont été cassées, alors que ceux-ci couvraient de nouveaux affrontements sur le site de la forêt de Khimki.
Les relations entre les forces de police et les professionnels des médias demeurent tendues dans le pays. Le 31 juillet dernier, trois journalistes ont été arrêtés à Saint-Pétersbourg alors qu’ils couvraient une manifestation mensuelle de l’opposition réunissant près de deux cents personnes pour la défense de l’article 31 de la constitution russe, affirmant la liberté de rassemblement.
Conduits au commissariat, les journalistes des journaux Moï raïon (« Ma région ») , Evropeetz (« l’Européen ») et de l’agence d’information de la Baltique, ont été accusés de ne pas avoir coopéré avec les forces de l’ordre. L’un d’eux se serait vu confisquer son appareil photo alors qu’il photographiait le passage à tabac d’une manifestante à l’entrée d’une station de métro. Toutes les photographies ont été effacées par les agents de la police.
Selon les représentants du ministère de l’Intérieur, les journalistes auraient été arrêtés car ils « dérangeaient le travail des agents affiliés aux affaires internes ». Ruslan Linkov, rédacteur en chef de Evropeetz, a déclaré être prêt à porter plainte pour arrestation illégale de journalistes dans l’exercice de leurs fonctions.
Les cas d’entrave au travail des journalistes est fréquent en Russie, lorsqu’ils couvrent des actions de l’opposition. En juillet dernier, un inconnu a tenté d’effacer les enregistrements d’un correspondant de la radio Ekho Moskvy (« l’Echo de Moscou ») alors que celui-ci couvrait une manifestation du parti Iabloko sur la Place rouge. Les agents de la police avaient alors feint de ne pas s’apercevoir de ce qui se passait.