de telles menaces participent d’un climat néfaste au journalisme d’investigation, et favorisent l’opacité sur une affaire d’intérêt général. Nous demandons à la police et la justice espagnoles de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger Gorka Zamarreño et punir l’auteur de ces menaces », a déclaré l’organisation.
Gorka Zamarreño a récemment annoncé qu’il avait porté plainte auprès de la police le 18 mars 2011, après avoir fait l’objet de menaces de plus en plus directes depuis qu’il couvre le procès de l’affaire Malaya.
Selon lui, les manœuvres d’intimidation ont débuté dès l’ouverture du procès. « Les menaces émanent de proches des accusés, et plusieurs visaient mon épouse », a témoigné M. Zamarreño à Reporters sans frontières. Un avocat de la défense a déclaré : « Ce fils de pute de journaliste devrait être prudent et mesurer les conséquences de ce qu’il écrit ». Enfin, le reporter a reçu un appel téléphonique on ne peut plus clair : « Si tu continues à écrire, je te trouve et je te tue ». D’après lui, l’appel émanait de l’homme d’affaires Francisco García Lebrón, inculpé dans l’affaire Malaya, qui aurait précisé ne pas avoir peur que le journaliste enregistre ses déclarations. Le prévenu est actuellement en liberté sous caution.
Le journaliste enquête sur l’affaire Malaya depuis deux ans. Il s’intéresse particulièrement à de possibles cas de corruption au sein du tribunal de Malaga, qui auraient pu bénéficier aux accusés. D’après lui, les menaces dont il fait l’objet sont liées à l’importante documentation qu’il a rassemblée à ce sujet. D’autres journalistes enquêtant sur cette affaire auraient également été intimidés.
Dans son entretien avec Reporters sans frontières, Gorka Zamarreño rappelle que l’exercice du journalisme d’investigation est compliqué en Espagne, et tout particulièrement dans l’affaire Malaya. « Les journalistes sont prêts à prendre des risques », estime-t-il. « Le problème est que l’étendue de la corruption dans les affaires immobilières a créé un réseau d’intérêts et de patronages qui implique hommes politiques, juges, policiers et avocats. L’argent a corrompu l’ensemble du système, et tous ceux qui le combattent font l’objet de pressions. Dans mon cas, les menaces m’ont rendu plus prudent, car je dois me protéger et protéger ma famille », reconnaît Gorka Zamarreño. Les menaces ne se sont pour l’instant pas reproduites depuis le dépôt de plainte.
L’affaire Malaya, qui symbolise les dérives du « boom immobilier » espagnol, est le plus grand procès pour corruption actuellement intenté dans le pays. Quatre-vingt quinze personnes, dont de nombreux élus locaux, se trouvent sur le banc des accusés du tribunal de Malaga, et devront répondre de blanchiment de capitaux, abus de pouvoir, malversation de fonds publics, fraude et corruption passive. Parmi les principaux accusés figurent l’ancien maire de Marbella Julián Muñoz et plusieurs de ses adjoints. Ils sont accusés d’avoir perçu des commissions occultes dans l’attribution de marchés immobiliers, qui auraient permis de blanchir 4 milliards d’euros. L’ensemble des accusés risquent au total 450 ans de prison.
RSF