Premier martyr du stalinisme proclamé bienheureux, le 15 mars 1998, à Rome, par Jean-Paul II, cet évêque Bulgare, et religieux Passioniste, est aussi le premier bienheureux catholique de ce pays en majorité orthodoxe.
La nièce de l'évêque, une religieuse alors âgée de 77 ans, soeur Gabrielle, a participé à la béatification de son oncle. Elle a été témoin de son arrestation et elle a aussi été la dernière personne de sa famille à le rencontrer au moment de son "procès" et à lui porter des paniers de fruits secs à la prison de Sofia. C'est à elle que les geôliers remettront les derniers effets de l'évêque, tachés de sang du fait des tortures subies avant qu’il ne soit fusillé, le 11 novembre 1952. Lors de leur dernière entrevue, l'évêque avait refusé de déposer un recours en grâce et il lui disait: "Je sens que le Seigneur m'a donné la grâce et j'accepte la mort". Il lui demanda de dire à tous qu'il était resté fidèle "à l'Eglise et au Pape".
Les communistes n'avertiront pas sa famille de l'exécution et ils feront courir des bruits contradictoires: il aurait été transféré en Sibérie ou à Belen, à l'Ile de la mort. Mais soeur Gabrielle affirme avoir alors compris que son oncle avait été exécuté. La nouvelle ne devint certaine que lorsque le pape Paul VI reçut en audience au Vatican, en 1975, le chef de l'Etat bulgare, M. Todor Zikov, anti-stalinien notoire, qui révéla au pape que l'évêque était mort en prison. Seulement alors son nom disparaîtra de l'annuaire pontifical.
Né en 1900 à Belene, sur le Danube, dans une famille de paysans, Vincent recevra en entrant au noviciat des pères passionnistes le nom d’Eugène du Sacré-Coeur. Il fit ses études secondaires dans la ville bulgare de Russe, puis en Belgique, où il fit son noviciat avant de faire sa théologie, en Hollande, en raison de la première guerre mondiale, puis de nouveau en Belgique. Il avait été comme "adopté" par la famille Van de Voordt.
Fils de la province Passioniste de Hollande, il en avait reçu, disait-il, “la vertu d'espérance”.
Il achèvera ses études dans son pays, à Russe, où il sera ordonné prêtre en 1926. Son évêque l'envoya ensuite faire sa thèse à l'Institut pontifical oriental de Rome où il manifesta son attachement au Successeur de Pierre en écrivant une thèse sur "L'union des Bulgares avec l'Eglise de Rome dans la première moitié du XIIIe s.".
C'est cet attachement à Rome qu'il paiera de sa vie en refusant, en tant qu'évêque de Nicopoli, la constitution d'une église nationale populaire détachée du pape. A son retour en Bulgarie, son évêque se l'était attaché comme secrétaire avant de le nommer curé. Il était estimé des orthodoxes avec lesquels il sut établir des contacts et il se fit remarquer lors de la célébration, en 1938, des 250 ans de l'insurrection de l'Eglise catholique contre les Turcs. Pendant la seconde guerre mondiale il réussit également à sauver de nombreux juifs.
Or, à partir de 1944, les troupes soviétiques occupèrent la Bulgarie. Les biens de l'Eglise sont confisqués, les missionnaires expulsés et les chrétiens persécutés. Il est nommé évêque de Nicopoli en pleine tourmente, en 1947. En 1952, l'évêque fait un dernier voyage à Rome et en Hollande. C'est l'époque où une trentaine de prêtres sont arrêtés, ainsi qu'une dizaine de laïcs. Il est lui-même arrêté le 16 juillet et incarcéré à Sofia. Un simulacre de procès a lieu en septembre, les interrogatoires et les tortures se succèdent, avec de fausses accusations. Il est condamné à mort, accueillant la sentence avec un sourire.
Le jour de sa béatification, le pape Jean-Paul II a reconnu en Mgr Bossilkov une "gloire très éclatante" de l'Eglise de Bulgarie. Il voyait en lui un "témoin intrépide de la Croix du Christ", en fidélité au quatrième des religieux Passionnistes, de méditer la Passion du Christ.
Jean-Paul II a cité une lettre de l'évêque, soulignant son courage devant le martyre: "Lorsque l'hostilité du régime communiste contre l'Eglise se fit plus décisive et plus menaçante, le bienheureux Bossilkov voulut demeurer auprès de son peuple, tout en sachant que cela signifiait risquer sa vie. Il ne craignit pas d'affronter la tourmente de la persécution. Lorsqu'il devina que le moment de l'épreuve suprême s'approchait, il écrivit au Supérieur de sa province religieuse: "J'ai le courage de vivre, j'espère avoir aussi celui de subir le pire, en restant fidèle au Christ, au Pape et à l'Eglise" (Lettre XIV)".
Le pape a en outre rappelé l'influence de l'évêque sur ses contemporains: "En ces temps de persécution, beaucoup ont regardé vers lui et, de son exemple de courage, ils ont tiré la force de demeurer fidèles à l'Evangile jusqu'à la fin.”
Le pape a également rendu hommage aux autres chrétiens victimes de la persécution: "Je suis heureux, en ce jour de fête pour la Nation Bulgare, de rendre hommage à ceux qui, comme Mgr Bossilkov, ont payé de leur vie l'adhésion sans réserve à la foi reçue au baptême.”
"Aujourd'hui, il nous est proposé, a souligné le pape polonais, comme une figure éminente de l'Eglise catholique qui est en Bulgarie, non seulement en raison de sa vaste culture, mais aussi par son souci oecuménique constant, et son héroïque fidélité au Siège de Pierre".
Cet exemple est "lumineux" de nos jours encore, a-t-il ajouté, et un "grand encouragement" pour ceux qui subissent "aujourd'hui" des "injustices et des vexations à cause de leur foi".
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