Le tout nouveau cardinal Timothy Michael Dolan, archevêque de New York – « créé » lors du consistoire du lendemain, 18 février 2012 – est intervenu au cours de la journée de réflexion et de prière précédant le consistoire, devant les membres du Collège des cardinaux, le 17 février 2012. Son intervention, ponctuée d’humour et d’exemples concrets, avait pour thème :« L’annonce de l’Evangile aujourd’hui, entre mission ad gentes et Nouvelle évangélisation »
Tous les chrétiens sont des évangélisateurs
Depuis le Concile Vatican II, rappelle le cardinal Dolan, l’Eglise a réaffirmé que « tous les chrétiens, en raison du baptême, de la confirmation, et de l’eucharistie, sont des évangélisateurs » : bien qu’il y ait des « missionnaires formels » – envoyés vers des terres et des peuples qui ne connaissent pas le Christ – « aucun chrétien n’est exempt du devoir de témoignage » dans sa vie de tous les jours.
C’est pourquoi, poursuit le président de la Conférence des évêques des Etats-Unis, la mission est « centrale » dans la vie de « toutes les Eglises locales, et de tous les croyants » : aujourd’hui, la mission « ne concerne pas seulement les incroyants », mais « aussi les croyants ».
C’est pourquoi le cardinal américain définit la Nouvelle évangélisation comme « l’audace d’appliquer l’invitation de Jésus à la conversion du cœur non seulement ad extra mais ad intra, aux croyants et aux cultures où le sel de l’Evangile a perdu sa saveur ».
Pour lui, il n’y a pas « d’opposition » entre la mission ad gentes et la Nouvelle évangélisation. Ce n’est pas « soit l’un soit l’autre » mais « l’un et l’autre » : même ceux qui ont été récemment évangélisés ont constamment besoin de renouveler leur foi.
Sept points stratégiques
Aujourd’hui, poursuit le cardinal, la mission ad gentes et la Nouvelle évangélisation font toutes deux face à « un immense défi : la sécularisation », décrit par Benoît XVI comme « un monde et une humanité sans référence à la Transcendance ».
Face à cette sécularisation, l’archevêque de New-York propose une « stratégie d’évangélisation créative », qu’il décline en sept points.
La question de Dieu est présente chez tout homme : le cardinal américain fait remarquer que même à New-York, qui peut être considérée comme “capitale de la culture sécularisée”, on peut trouver une « ouverture indéniable au divin », y compris parmi des groupes très matérialistes – media, businessmen, politiques, artistes, écrivains -.
Les croyants doivent être attentifs à ces personnes qui se considèrent « agnostiques ou athées », recommande-t-il, car, bien qu’elles ne veuillent pas « abandonner leur liberté de penser et d’agir », la question de Dieu « reste présente même pour eux ».
Pour le cardinal Dolan, la première étape de l’évangélisation est donc de « garder cette quête vivante » : « les êtres humains ne mettent pas de côté la question de Dieu, au contraire : ils la voient comme une question essentielle pour leurs vies ».
« Même une personne qui se vante d’être sécularisée et méprisante pour la religion » conserve, à l’intérieur d’elle-même, une « étincelle d’intérêt » sur l’au-delà, et elle « reconnaît que l’humanité et la création sont une énigme lugubre » sans le concept d’un quelconque créateur, fait-il observer.
Il indique cette occasion pour l’Eglise d’ouvrir un « Parvis des Gentils » où les gens pourraient d’une certaine façon « s’attacher à Dieu », avant d’avoir accès à son mystère.
La confiance : puisque tout être humain cherche Dieu, ce constat donne au chrétien une « confiance et un courage » immenses dans le devoir d’évangélisation, souligne le cardinal.
Il exhorte les chrétiens à être « convaincus, confiants, et courageux », s’appuyant sur « le pouvoir de la Personne qui nous envoie en mission – Jésus », sur « la vérité du message », et enfin sur « la profonde ouverture au divin » présente dans l’humanité.
Cependant, ajoute-t-il, il faut distinguer la « confiance » du « triomphalisme » : « Ce qui nous garde de l’orgueil et de l’arrogance du triomphalisme est la reconnaissance que l’Eglise elle-même a besoin d’évangélisation, elle a un besoin profond de conversion intérieure ».
L’amitié avec une Personne : citant Benoît XVI, qui définit la sainteté comme « l’amitié avec Jésus », le cardinal rappelle qu’à la racine de la foi chrétienne il y a une « relation », l’amour d’une Personne : « Dieu ne satisfait pas la soif du cœur humaine avec une proposition, mais avec une Personne, dont le nom est Jésus. »
En d’autres termes, l’invitation contenue dans la mission ad gentes et la Nouvelle évangélisation « n’est pas dirigée vers une doctrine », mais vers « Quelqu’un » à connaître, aimer et servir.
Témoigner de la vérité : cette Personne, Jésus, se présente comme la « vérité ». Pour le cardinal, notre mission a de ce fait une « substance », un « contenu ».
Cela implique deux remarques : d’une part, il faut résister à ce que le bienheureux John Newman, appelait le « libéralisme en religion » : « Croire qu’il n’y a pas de vérité objective en religion, qu’une croyance est aussi valable qu’une autre ».
D’autre part, il faut combattre « l’analphabétisme catéchétique ». En effet, dénonce le cardinal, si la sécularisation peut « étouffer la graine de la foi » aussi facilement, c’est parce que de nombreux croyants « n’ont pas de connaissance suffisante de la sagesse, de la beauté, et de la cohérence de la Vérité ».
Témoigner de la joie : le cardinal Dolan raconte que lorsqu’il était au séminaire, le cardinal John Wright, avait demandé aux séminaristes de « rendre un immense service à l’Eglise » : « Quand vous marchez dans les rues de Rome, souriez !”
Pour l’archevêque de New York, l’évangélisateur « doit être une personne de la joie » : l’évangélisation se réalise « avec un sourire », non pas « un air réprobateur ».
L’Eglise, insiste-t-il, est un « oui », non pas un « non », car elle est un « oui » à tout ce qui est « bon, vrai, beau et noble » dans la personne humaine.
Témoigner de l’amour : pour « présenter Dieu comme un père aimant », l’Eglise doit aussi aimer, non pas d’un amour « nébuleux », précise-t-il, mais un amour, « incarné » qui doit se concrétiser dans des « écoles pour les enfants, cliniques pour les malades, foyers pour les personnes âgées, accueils des orphelins, nourriture pour ceux qui ont faim… ».
Témoigner jusqu’au don de sa vie : citant Paul VI, le cardinal fait remarquer que le « témoignage » enseigne davantage que les « mots ». Or, souligne-t-il, « le témoignage suprême est le martyre ».
« Aujourd’hui, s’attriste-t-il, nous avons des martyrs en abondance. » Il remercie à ce sujet Benoît XVI, toujours soucieux de ceux qui sont « persécutés pour leur foi », dans le monde.
« Nous pleurons les martyrs d’aujourd’hui; nous les aimons, nous prions avec et pour eux; nous plaidons leur cause de toutes nos forces », déclare le cardinal, cependant « nous sommes aussi très fiers d’eux, nous proclamons leur suprême témoignage au monde ».
Car ils « réveillent » la mission ad gentes et la Nouvelle évangélisation.
Anne Kurian
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