Ils sont français, fondateurs du parcours « Alpha France » et co-présidents de « Global Catholic Alpha Board ».
Ils ont présenté au synode, le 17 octobre, lors de la 6e congrégation générale, ces « réflexions sur le gouvernement pastoral » à partir de « l’expérience des Parcours Alpha ». Nous avons publié une synthèse de cette intervention le 18 octobre.
Voici leur communication intégrale au synode :
Très Saint Père,
Chers Pères Synodaux,
Chers amis participants au Synode,
Nous vous remercions de vous avoir invités à vous apporter le témoignage d’un couple. Nous allons parler à deux, même si nous n’allons pas doubler le temps de parole ! Nous sommes un couple engagé depuis quinze ans dans la première annonce de l’Evangile avec les Parcours Alpha et la formation de leaders laïcs pour la Nouvelle évangélisation. Nous avons cinq enfants âgés de 2 à 16 ans. Professionnellement nous conseillons et accompagnons des dirigeants de grandes entreprises sur leurs enjeux humains.
Notre passion depuis 15 ans c’est l’annonce kérygmatique – la première annonce qui conduit une personne à reconnaître Jésus-Christ comme son Seigneur et son Sauveur – par des laïcs ordinaires, dans la vie ordinaire de la paroisse. Nous vous témoignons que partout où le nom de Jésus est proclamé avec foi et amour, en associant l’écoute et une proclamation simple et forte, le Seigneur accomplit des merveilles : des cœurs sont touchés, des vies sont changées, des communautés paroissiales sont renouvelées.
Avec Alpha, dans le monde entier, 20 millions de personnes ont fait une expérience qui touche l’intelligence, mais aussi le cœur et la volonté. Beaucoup demandent le baptême et rejoignent la communauté chrétienne locale, des centaines de milliers d’évangélisateurs se lèvent. Partout où l’on fait confiance aux laïcs, où on les encourage pour annoncer le kérygme, eux-mêmes grandissent dans leur vie de foi en témoignant de Jésus. Eux-mêmes ont la joie de voir leurs amis, leurs voisins, leurs parents rentrer dans le Salut.
Nous vous en prions, chers Pères, donnez cette joie aux laïcs de vos diocèses, encouragez-les à annoncer le Kérygme avec des outils simples et qui permettent la démultiplication pour sortir du désert kérygmatique qu’est devenue notre Eglise. Nous le voyons, les fruits de la Nouvelle évangélisation sont là, elle est une réalité vivante qui manifeste l'action actuelle du Christ Ressuscité. Mais nous nous posons une question : Sommes-nous prêts pour la Nouvelle Evangélisation au plan pastoral ?
Sommes-nous prêts pour la Nouvelle évangélisation ? Pour réfléchir à cette question, on peut distinguer trois grands processus qui structurent l’évangélisation (cf. Directoire sur la Catéchèse, n° 49) :
– une évangélisation première vécue comme un temps de conversion initiale. On ne saurait assez insister sur cette décision de foi ;
– la formation de disciples qui se concrétise par l'offre de divers parcours favorisant l'apprentissage de la vie chrétienne (Ac 2, 42-47) ;
– le développement de leaders par la reconnaissance du potentiel missionnaire des laïcs et leur déploiement au sein de l'Eglise et de la société.
En pratique, peu de pasteurs savent effectivement articuler ces trois moments. Or l’évangélisation ne se réduit ni à sa finalité ni à son contenu. Elle est une dynamique, une série de processus vivifiants qu’il faut savoir articuler. Le processus de l’Evangélisation est décrit dans Evangelii Nuntiandi. Le lumineux ch. 2 souligne que la mission de l’Eglise est d’inviter « tout homme et tout l’homme » à se laisser transformer. Cette transformation conduit de l’incroyance au questionnement, du questionnement à la conversion, de la conversion à la vie de disciple, et de la vie de disciple à la mission.
Pour que la Nouvelle évangélisation ne se réduise pas à un slogan, pour que nos communautés soient un terreau fertile où les disciples-missionnaires se développent, les pasteurs ont besoin de maîtriser ce processus. Certes sur le terrain, « on fait déjà plein de choses », excellentes souvent. Ce qui manque fréquemment est la capacité à conduire la pastorale avec une approche systémique et systématique.
Pour que la personne puisse progresser dans la foi, être transfigurée de « gloire en gloire par le Seigneur Esprit » (2 Co 2, 18), il est fondamental que le pasteur sache articuler ces différentes étapes entre elles. C’est une compétence difficile à développer.
La Nouvelle évangélisation requiert donc de nouvelles compétences pastorales, une réflexion renouvelée sur le Munus Regendi. Dans la période de profondes mutations que nous vivons, nul leader ne peut espérer en faire l’économie. A cet effet nous avons conçu et conduit au profit de prêtres et d’évêques des expériences-pilotes de formation au gouvernement pastoral. Les premiers fruits de ces formations sont prometteurs.
Nous avons regardé la manière de faire de Jésus, l’évangélisateur par excellence. Une « christologie pastorale » aide à reconnaitre les principes pédagogiques dont il s'est servi pour évangéliser, former et déléguer. De tels principes sont encore valables aujourd'hui.
Le regard sur le Christ évangélisateur conduit aux fondements ecclésiologiques de la nouvelle évangélisation. L'Eglise peut se concevoir comme une « communauté de disciples », c'est-à-dire une communauté qui rassemble des croyants en « état d'apprentissage ». C’est la définition première de ce qu'est un disciple, un apprenant. L'expérience d'Alpha nous montre qu'on peut concevoir l'Eglise que comme une communauté d'apprentissage où il fait bon se retrouver pour se mettre à l'écoute de la Parole du Seigneur afin de grandir dans la foi, se former comme disciples et exercer un leadership profondément évangélique.
Les évêques et les prêtres qui suivent ce parcours prennent le temps de creuser des questions importantes pour leur ministère : comment découvrir la vision que Dieu propose ? Comment la faire partager ? Comment appeler et faire grandir les personnes associées à la charge pastorale ? Comment garder un équilibre de vie qui permet de tenir sur la durée ? Comme faire fonctionner une équipe en suscitant toute l’énergie et la créativité dont elle est capable ? Comment faire le meilleur usage de leurs talents et des dons spirituels que l’Esprit donne à chaque baptisé pour la croissance du corps ?
A ces défis, s’en ajoutent d’autres spécifiques au ministère de l’évêque : qu’implique concrètement d’être le premier responsable de l’évangélisation ? Comment tenir ensemble les deux dimensions « co-essentielles » de l’Eglise que sont l’aspect institutionnel et l’aspect charismatique ? Comment vivre effectivement la collégialité ? Comment vivre en père et en ami vis-à-vis de chaque prêtre ? De la manière dont l’évêque vit concrètement la réponse à ces questions dépend la manière dont les prêtres vivront avec les laïcs.
En cette époque de profonde transition, nous suggérons donc un renouvellement de la formation au gouvernement pastoral. L'Esprit Saint suscite déjà à travers toute l'Eglise, à travers toutes des confessions chrétiennes des initiatives fécondes qu’il faut savoir identifier, discerner et transmettre. A nous de nous mettre à l'école du Christ ressuscité qui, encore aujourd'hui, évangélise, forme des disciples et développe des leaders dans son Corps qui est l'Eglise.
Le bienheureux pape Jean-Paul II appelait les évêques à l’audace dans leur mission de gouvernement, dans leur rôle de leaders : « Duc in altum ! », avance au large, avance en eau profonde ! Il ajoutait : « Duc in regendo ! » soyez audacieux dans votre charge de gouvernement. Les laïcs, les prêtres ont besoin de l’audace apostolique, la société en a besoin. « Duc in altum ! Duc in regendo ! »
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