Dans une société où l’absence de Dieu « se fait plus pesante », où « la géographie du christianisme a profondément changé », Benoît XVI a rappelé que la foi ne devait pas être édulcorée, mais vécue « entièrement dans notre aujourd’hui ».
Devant les membres de l’Eglise évangélique allemande, le pape a aussi souhaité avec force que les chrétiens ne perdent jamais « les grandes choses » qu’ils ont « en commun ».
Ce vendredi, après avoir rencontré la communauté musulmane de Berlin, le pape a pris l’avion pour rejoindre Erfurt, capitale de la Thuringe, située à 300 km au sud-est de Berlin. Il y a visité la cathédrale Sainte-Marie où Martin Luther, père de la Réforme protestante, fut ordonné prêtre en 1507.
Après un moment de prière devant le Saint-Sacrement et les reliques de saint Boniface qui érigea le premier diocèse d’Erfurt en 742, le pape a quitté la cathédrale pour se rendre à l’Augustinerkloster d’Erfurt, l’ancien couvent des Augustins où Luther fut religieux de 1505 à 1511. Le lieu est aujourd’hui devenu un mémorial en l’honneur de Luther où le visiteur vient découvrir une exposition permanente sur sa vie et ses œuvres.
Devant le président de l’Eglise évangélique en Allemagne (EKD), Nikolaus Schneider, et 15 représentants du Conseil de l’Eglise évangélique en Allemagne, le pape a rappelé les principales étapes de la vie de Martin Luther qui fut ordonné prêtre en 1507 dans l’ordre de saint Augustin et cette question qui « lui pénétrait le cœur » : « Comment puis-je avoir un Dieu miséricordieux ? ».
« Que cette question ait été la force motrice de tout son chemin, me touche toujours à nouveau », a affirmé Benoît XVI. « Qui, en effet, se préoccupe aujourd’hui de cela, même parmi les chrétiens ? ».
« La plus grande partie des gens, même des chrétiens, tient aujourd’hui pour acquis que Dieu, en dernière analyse, ne s’occupe plus de nos péchés et de nos vertus. Il sait, en effet, que nous ne sommes tous que chair. Si aujourd’hui, on croit encore en un au-delà et en un jugement de Dieu, alors presque tous nous présupposons en pratique que Dieu doit être généreux, et, qu’à la fin, dans sa miséricorde, il ignorera nos petites fautes ».
« Mais – s’est interrogé le pape – nos fautes sont-elles vraiment si petites ? Le monde n’est-il pas dévasté à cause de la corruption des grands, mais aussi à cause de celle des petits, qui pensent seulement à leurs propres intérêts ? N’est-il pas dévasté par le pouvoir des drogues, qui vit du désir de vie et d’argent d’une part, et de l’autre, par l’addiction à la jouissance des personnes qui lui sont adonnées ? ».
« Non, – a-t-il scandé – le mal n’est pas une bagatelle. Et il ne pourrait être aussi puissant si nous mettions vraiment Dieu au centre de notre vie ».
« Nous devrions nous entraider à croire de façon plus profonde et plus vivante »
En évoquant la situation œcuménique, Benoît XVI a souhaité que « sous la pression de la sécularisation, nous ne perdions pas presque par inadvertance les grandes choses que nous avons en commun ». Et le danger de perdre cette communion « n’est pas irréel, malheureusement », a expliqué le pape.
« Ces derniers temps, la géographie du christianisme a profondément changé et est en train de continuer à changer. Devant une forme nouvelle de christianisme, qui se diffuse avec un immense dynamisme missionnaire, parfois préoccupant dans ses formes, les Églises confessionnelles historiques restent souvent perplexes ».
« Qu’est-ce-que cette nouvelle forme de christianisme a à nous dire de positif et de négatif ? », a-t-il questionné. « En tous cas, elle nous met de nouveau face à la question de savoir ce qui demeure toujours valable, et ce qui peut ou doit être changé, par rapport à la question de notre choix fondamental dans la foi ».
Par ailleurs, « l’absence de Dieu dans notre société se fait plus pesante, l’histoire de sa Révélation, dont nous parle l’Écriture, semble reléguée dans un passé qui s’éloigne toujours davantage. Faut-il peut-être céder à la pression de la sécularisation, devenir modernes moyennant une édulcoration de la foi ? ».
« La foi doit être repensée, naturellement, et surtout elle doit être vécue aujourd’hui d’une manière nouvelle pour devenir quelque chose qui appartient au présent », a expliqué Benoît XVI. « Mais ce n’est pas l’édulcoration de la foi qui aide, mais seulement le fait de la vivre entièrement dans notre aujourd’hui. C’est une tâche œcuménique centrale. En cela nous devrions nous entraider à croire de façon plus profonde et plus vivante ».
« Ce ne seront pas les tactiques qui nous sauveront, qui sauveront le christianisme, mais une foi repensée et vécue d’une façon nouvelle, par laquelle le Christ, et avec Lui le Dieu vivant, entre dans notre monde ». « Comme les martyrs de l’époque nazie nous ont conduits les uns vers les autres, et ont suscité la première grande ouverture œcuménique, ainsi aujourd’hui encore, la foi, vécue à partir du plus profond de nous-mêmes, dans un monde sécularisé, est la force œcuménique la plus forte qui nous réunit, nous guidant vers l’unité dans l’unique Seigneur ».
Marine Soreau
zenit