au cours de sa première messe à la chapelle Sixtine.
L’Église « n’est qu’une ONG » si elle ne professe pas Jésus et n’accepte pas de porter sa croix, a lancé en termes plutôt directs le pape argentin aux 114 cardinaux électeurs réunis hier après-midi dans la chapelle Sixtine. Dans son homélie de dix minutes, le pape, âgé de 76 ans, premier jésuite à monter sur le trône de Pierre, a aussi appelé les cardinaux, les évêques et tous les prêtres à « cheminer, édifier, professer » leur foi. Mais tout cela n’est que « mondain » si ce n’est pas ancré dans le Christ, a-t-il martelé.
Après la messe, l’ancien cardinal Bergoglio s’est rendu au troisième étage du palais apostolique afin d’ôter les scellés apposés sur les portes d’accès aux appartements pontificaux, où il prévoit de s’installer rapidement, a annoncé le Vatican.
Dans la matinée, Jorge Mario Bergoglio, jusqu’alors archevêque de Buenos Aires, avait prié la Vierge Marie lors d’une très discrète visite « privée » dans la basilique Sainte-Marie-Majeure. Vêtu d’une soutane blanche, souriant et chaleureux, il a déposé un simple bouquet de fleurs, puis a salué personnellement, un à un, les confesseurs dans la basilique : « Vous êtes des confesseurs, alors soyez miséricordieux envers les âmes, elles en ont besoin », leur a-t-il recommandé. « C’était une rencontre émouvante, pleine de bonté et d’humilité », a commenté le père Ludovico Melo, l’un des participants.
Sur le plan des rapports interreligieux, il a adressé au chef de la communauté hébraïque de Rome une courte missive où il a exprimé son souhait de contribuer au « progrès des relations entre juifs et catholiques ».
Imprimant dès les premières heures de son pontificat un total détachement vis-à-vis des ors du pouvoir, le nouveau pape a pris son petit déjeuner avec six autres cardinaux.
Agenda bien chargé
Le nouveau pape a déjà un agenda chargé pour les jours à venir. Ce matin, il recevra l’ensemble du collège cardinalice dans la salle Clémentine. Le lendemain, il rencontrera les journalistes et les responsables de la communication. Dimanche, il récitera le traditionnel Angélus depuis l’appartement papal. Enfin, la messe d’installation du pontificat, où sont attendus chefs d’État et de gouvernement, aura lieu mardi dans la basilique Saint-Pierre. Benoît XVI n’y assistera pas, fidèle à sa volonté de se retirer complètement. Lundi, le nouveau pape rencontrera des délégations des autres Églises chrétiennes venus pour sa messe d’inauguration.
Un agenda bien rempli pour cet homme de 76 ans. En ce qui concerne sa santé, « on lui a enlevé une partie d’un poumon il y a de nombreuses années », a indiqué le père Lombardi, tout en ajoutant que ce n’était « pas une cause de handicap ».
Le monde musulman espère
Le monde entier, et notamment les pays en développement, a continué de saluer hier le « premier pape des Amériques ». Le monde musulman a espéré hier avoir de meilleures relations avec le Vatican sous le nouveau pape François, après des années de rapports difficiles avec Benoît XVI. L’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui regroupe 57 pays, de même que l’institution d’al-Azhar au Caire, le plus important centre théologique sunnite, ont exprimé des vœux en ce sens.
Le secrétaire général de l’OCI, le Turc Ekmeleddin Ihsanoglu, a ainsi « exprimé le vif espoir de voir les relations entre l’islam et la chrétienté redevenir cordiales et marquées par l’amitié sincère ». « Nous espérons de meilleures relations avec le Vatican après l’élection du nouveau pape, pour le bien de l’humanité tout entière », a déclaré de son côté Mahmoud Azab, conseiller pour le dialogue interreligieux du grand imam d’al-Azhar, Ahmad al-Tayyeb. M. Azab a toutefois laissé entendre que le nouveau chef de l’Église catholique serait jugé sur pièces.
« Son élection témoigne (…) de la force et de la vitalité d’une région qui influence de plus en plus notre monde », a déclaré de son côté le président des États-Unis Barack Obama, qui lui a adressé ses « vœux chaleureux ». L’Union européenne, quant à elle, lui a souhaité un long pontificat afin qu’il puisse « promouvoir la paix, la solidarité et la dignité humaine ».
Le président russe Vladimir Poutine a félicité aussi le nouveau pape et s’est dit « persuadé que la coopération constructive entre la Russie et le Vatican » allait continuer. Le patriarche orthodoxe russe Kirill a lui aussi félicité le pape François.
La Chine, qui n’a pas de relations diplomatiques avec le Vatican et refuse de le laisser ordonner des évêques, a félicité le pape François et dit espérer que le Saint-Siège allait adopter « une attitude souple et pragmatique » pour améliorer leurs relations.
Alors que le président israélien Shimon Peres l’a invité à venir en Israël dès que possible pour promouvoir la paix dans une « région orageuse », le président palestinien Mahmoud Abbas l’a convié à visiter Bethléem, en Cisjordanie, le lieu de naissance de Jésus selon la tradition.
La principale composante de l’opposition syrienne a appelé pour sa part le nouveau pape à « faire un geste particulier » envers la Syrie, dévastée par un conflit meurtrier depuis deux ans.
Pour le théologien contestataire suisse Hans Küng, « c’est un Latino-Américain ayant une ouverture d’esprit ». La présidente argentine Cristina Kirchner, à laquelle s’est opposé le nouveau pape sur des questions de société, lui a souhaité une « tâche pastorale fructueuse (…) à la recherche de la justice, de l’égalité, de la fraternité et de la paix de l’humanité ».
La blague de Maduro
Le président français a de son côté assuré que « la France, fidèle à son histoire et aux principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité », poursuivrait « le dialogue confiant qu’elle a toujours entretenu avec le Saint-Siège ». Pour les évêques d’Afrique du Sud, le nouveau pape, fils d’un « humble cheminot, connaît bien les problèmes et les défis que le monde en développement doit affronter ». Enfin, la mort du président vénézuélien Hugo Chavez a certainement influencé le choix du premier pape sud-américain, a plaisanté de son côté Nicolas Maduro, le président par intérim du Venezuela.
La presse argentine a quant à elle salué l’élection de l’archevêque Jorge Bergoglio à la tête de l’Église catholique, soulignant la « surprise et l’émotion » qui ont saisi le pays mercredi soir.
Enfin, pour la petite histoire, Martha Rabino, la mère supérieure du collège de la Miséricorde de Flores, à Buenos Aires, se souvient du jeune Jorge Bergoglio comme d’un enfant espiègle, plein d’énergie, qui avait noué des relations privilégiées avec plusieurs sœurs de l’institution. « Qui aurait cru qu’il serait pape ! » a-t-elle lancé, ajoutant que « c’était un diable, un diablotin, très coquin comme tous les garçons ».