Le cardinal Jorge Mario Bergolio a en effet écrit une lettre à son diocèse de Buenos Aires à l'occasion de l'Année de la foi. En date du 1er octobre 2012, la lettre s'intitule: "Franchir le seuil de la foi". Un texte bref mais qui éclaire lui aussi non seulement les homélies quotidiennes du pape mais l'encyclique elle-même.
Les portes fermées
L'archevêque de Buenos Aires part d'une constatation concrète: on se barricade aujourd'hui derrière des portes fermées, blindées. Puis il explique: "Il ne s'agit pas seulement de ma maison matérielle, c'est aussi l'enclos de ma vie, de mon coeur. Ceux qui peuvent franchir ce seuil sont toujours moins nombreux". Et il ajoute: "la porte fermée nous nuit, nous atrophie, nous sépare". Et tandis que les sports de saisons sont fermés "les portes du shopping sont toujours ouvertes".
Et il en vient ainsi à l'Année de la foi, puisque le titre du document de Benoît XVI est justement "la porte de la foi": mais "une porte qu'il faut franchir pour pouvoir trouver ce qui nous manque tellement".
L'invitation du document s'adresse à la liberté humaine, si chère à saint Ignace, comme l'expliquait encore le cardinal Bergoglio: "L'Eglise, à travers la croix et le coeur de pasteur de Benoît XVI, nous invite à franchir le seuil, à faire un pas pour prendre une décision intime et libre: nous pousser à entrer dans une vie nouvelle".
Il souligne que le titre du document de Benoît XVI est tiré des Actes des apôtres (Ac 14, 27): "A leur arrivée, ils réunirent l'Église et se mirent à rapporter tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi."
Un an, pour toute la vie
"Dieu, explique-t-il, prend toujours l'initiative et ne veut pas que personne ne soit exclus. Dieu frappe à la porte de nos coeurs (…). La foi est une grâce, un cadeau de Dieu: "Donc, la foi grandit et se renforce seulement en croyant ; il n’y a pas d’autre possibilité pour posséder une certitude sur sa propre vie sinon de s’abandonner, dans un crescendo continu, entre les mains d’un amour qui s’expérimente toujours plus grand parce qu’il a son origine en Dieu" (Benoît XVI, Porta Fidei, 11 octobre 2011, § 7)."
Il ne s'agit pas d'un an, mais de "toute la vie", souligne l'archevêque. Il indique la vraie porte: "On passe la porte de la foi, on franchit ce seuil quand la Parole de Dieu est annoncée et que le coeur se laisse façonner par la grâce qui nous transforme (Porta Fidei § 1). Une grâce qui a un nom concret et ce nom est Jésus. Jésus est la porte (Jean 10, 9). Lui, et lui seul, est et sera toujours la porte. Personne ne va au Père si ce n'est pas lui (Jean 14, 16). S'il n'y a pas le Christ, il n'y a pas de chemin vers Dieu, et en tant que Bon Pasteur, il est le seul qui prend soin de nous au prix de sa vie".
La lettre fait un pas de plus: le Christ lui-même frappe à la porte de chacun. Le cardinal Bergoglio reprend l'invitation de Jean-Paul II à "ouvrir tout grand les portes au Christ", comme les "disciples d'Emmaüs" qui l'invitent à rester avec eux: "la foi présuppose que l'on décide de demeurer avec le Seigneur pour vivre avec lui et le partager avec nos frères".
Il indique le but: "Le but, la destinée ou la fin, c'est la rencontre avec Dieu, avec lequel nous sommes entrés en communion, et qui veut nous restaurer, nous purifier, nous élever, nous sanctifier, et nous donner le bonheur auquel aspire notre coeur".
Et il indique le chemin pour l'Eglise de Buenos Aires, foi et oeuvres: "Commencer cette Année de la foi est un appel nouveau à approfondir dans notre vie la foi reçue. Professer la foi en paroles implique de la vivre dans le coeur et de la montrer par les oeuvres: un témoignage et un engagement public."
Les défis de l'Année de la foi
Concrètement, l'archevêque de Buenos Aires identifie 13 défis de ce passage du seuil de la foi. C'est tout d'abord "découvrir que (…) nous sommes pleinement convaincus que la triste réalité peut changer et doit changer".
Cela suppose aussi "de ne pas avoir honte d'avoir un coeur d'enfant qui, croyant encore en ce qui est impossible, peut vivre dans l'espérance": "La seule chose qui puisse donner un sens et transformer l'histoire c'est de demander sans se lasser, prier sans se décourager, et adorer pour que notre regard soit transfiguré".
Troisième défi: demander "les sentiments mêmes du Christ Jésus (Philippines 2, 5) en faisant l'expérience d'une façon nouvelle de penser, de communiquer entre nous, de nous regarder, de nous respecter, d'être en famille, de planifier l'avenir, de vivre l'amour et la vocation".
Quatrième défi: "Agir, avoir confiance dans l'Esprit Saint présent dans l'Eglise et qui se manifeste aussi dans les signes des temps; accompagner le mouvement continu de la vie et de l'histoire sans tomber dans le défaitisme paralysant selon lequel le passé est toujours meilleur que le présent. Il est urgent de penser ce qui est nouveau, apporter du nouveau, créer du nouveau, en mêlant à la pâte de la vie le nouveau levain de la justice et de la sainteté (1 Co 5, 8)".
Cinquième: "Avoir des yeux qui s'émerveillent et un coeur qui ne s'habitue pas à la paresse, en mesure de reconnaître que chaque fois qu'une femme met un enfant au monde, on continue à parier sur la vie et sur l'avenir, que lorsque nous nous occupons de l'innocence des enfants, nous garantissons la vérité d'un lendemain, et quand nous chouchoutons le vie dévouée d'une personne âgée, nous faisons un acte de justice et nous caressons nos racines".
Sixième: "Le travail vécu avec dignité et la vocation au service", et en même temps "l'attente silencieuse après avoir semé chaque jour" et la contemplation "du fruit récolté en remerciant le Seigneur parce qu'il est bon".
Septième: "Lutter pour la liberté et la coexistence" et "marcher humblement avec notre Dieu" (Michée 6, 8).
Le Concile et Aparecida
Huitième: "La constante transformation de nos attitudes, de nos façons d'être, et de nos règles de vie".. "faire quelque chose d'inédit pour la société et pour l'Eglise".
Neuvième défi: "Pardonner et savoir arracher un sourire, s'approcher de qui vit dans la périphérie de la vie, l'appeler par son nom, se soucier de la fragilité de plus faibles" (cf. Matthieu 24, 40).
Dixième: "Célébrer la vie, se laisser transformer parce que nous sommes devenus un avec Jésus à la table de l'eucharistie célébrée dans la communauté et donc être les malins, qui, le coeur occupé, travaillent au grand projet du royaume" (Matthieu 6, 13).
Onzième: "Vivre dans l'Esprit du Concile et d'Aparecida, Eglise aux portes ouvertes non seulement pour accueillir mais fondamentalement pour sortir et remplir les rues et la vie des hommes de notre temps par l'Evangile".
Douzième: "Pour notre église archidiocésaine, se sentir confirmés dans la mission d'être une Eglise qui vit, prie et travaille dans une perspective missionnaire".
Treizième: "Accepter la nouveauté de la vie de Jésus Christ ressuscité dans notre pauvre chair pour en faire un signe de la vie nouvelle".
L'archevêque de Buenos Aires conclut en regardant vers la Vierge Marie.
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