dit l’Institut international de la presse (IIP). L’IIP et son groupe affilié, l’Organisation des médias du Sud Est de l’Europe (South and East Europe Media Organisation, SEEMO), reviennent tout juste d’une mission de deux jours d’évaluation de la liberté de la presse en Hongrie.
Parmi les mesures les plus controversées, la loi accorde au Conseil des médias, créé récemment, le pouvoir de décerner de lourdes amendes aux médias pour, entre autres raisons, le fait de ne pas « fournir une couverture équilibrée » ou de ne pas « respecter l’institution du mariage et de la famille », selon ce que rapporte la Fédération européenne des journalistes (FEJ), la section européenne de la Fédération internationale des journalistes (FIJ).
Les journaux peuvent se voir infliger une amende qui peut atteindre 25 millions de florins (118 500 $ US), les sites web de nouvelles 47 400 $ US et les stations de radio et de télévision 472 300 $ US, dit la FEJ.
De telles pénalités peuvent être imposées même en l’absence de débat devant le tribunal, et doivent être acquittées avant que l’on puisse interjeter appel. Le résultat, c’est que « certains médias pourraient se trouver dans une situation financière qui menacerait leur existence », disent l’IIP et la SEEMO.
D’après l’Associated Press, la loi, adoptée le 21 décembre et dont la prise d’effet a été fixée au 1er janvier, crée également une nouvelle institution, placée sous la supervision du Conseil des médias, qui prend formellement en charge presque tous les employés des chaînes de télévision dirigées par l’État hongrois, des stations de radio, ainsi que le service de transmission d’État MTI. La production des nouvelles sera en outre centralisée pour tous les médias publics.
La législation accorde également au Conseil des médias le droit de surveiller si les médias se conforment à la Constitution des médias, récemment adoptée, en vertu de laquelle les médias ne peuvent « offenser » une série d’entités, dont les « majorités » et les « minorités », les « nations » et « l’Église ». « Dans ce contexte, ce que signifie précisément “offense” n’est pas énoncé », dit l’IIP.
Le parti d’opposition « La politique peut être différente », dont des membres se sont mis symboliquement un bâillon sur la bouche lors du vote final, a déclaré que la loi ne ferait que consolider le « monopole sur les médias » qu’exerce le parti au pouvoir.
Lors des élections parlementaires d’avril, le parti « Fidesz », populiste de centre-droite, a obtenu plus des deux tiers des sièges du Parlement. Durant cette brève période, un train de mesures législatives – décrit par Fidesz comme une réforme nécessaire des médias – a été passée à la vapeur au Parlement, sans consultation avec les principaux intervenants et les journalistes.
En août, par exemple, le Président Pál Schmitt a approuvé une législation qui restructurait la supervision des médias publics de Hongrie et créait une nouvelle Autorité nationale des médias et des communications (ANMC) chargée de superviser tous les genres de médias, rapporte Freedom House. L’ANMC mettait sur pied le Conseil des médias, si controversé, lequel est investi d’un mandat de neuf ans et est dominé par le parti Fidesz.
En novembre, le parlement hongrois a adopté une loi qui permet de contraindre les journalistes de divulguer leurs sources confidentielles dans les affaires impliquant des questions vaguement définies de « sécurité nationale », selon ce que rapportent l’IIP et la SEEMO.
Les membres de l’IFEX se sont joints aux militants de la société civile et aux députés du Parlement européen pour s’opposer à ces lois. Plusieurs journaux hongrois ont publié ce mois-ci des unes blanches en signe de protestation contre ce train de mesures législatives. Lors d’une manifestation non violente à l’extérieur du Parlement, le 20 décembre, des orateurs se sont mis la main sur la bouche les uns des autres en plein milieu d’une phrase. Des dirigeants de l’Intergroupe des médias du Parlement européen ont fait parvenir au Président du Parlement européen une lettre faisant part de leur inquiétude devant la situation des médias en Hongrie.
Pour sa part, la Représentante de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) pour la liberté des médias, Dunja Mijatovic, a invité le gouvernement hongrois à bloquer la législation. En septembre, elle a présenté au gouvernement hongrois une analyse juridique des lois, réalisée par des experts, et réitéré que les lois proposées « peuvent facilement être utilisées à mauvais escient à des fins politiques » et que « les médias opérant à titre de service public courent des risques particuliers de contrôle politique direct ».
La Hongrie doit assumer la présidence de l’Union européenne le 1er janvier 2011. Selon le Secrétaire général de la SEEMO, Oliver Vujovic, « le pays devrait donner un exemple de développements positifs dans tous les domaines, y compris dans celui des médias. Le fait que la nouvelle loi ait été adoptée très vite, en l’absence de toute discussion large et ouverte entre professionnels des médias, et que certains éléments de la nouvelle réglementation ont été critiqués par ces derniers, est pour nous source d’inquiétude. »
La SEEMO et l’IIP préparent une mission de suivi en Hongrie. Pour le moment, les deux organisations suivent de très près la situation d’autres médias et la façon dont les nouvelles règles fonctionnent en pratique. « Des mesures correctrices sont toujours possibles, ce qui signifie qu’il pourrait y avoir des modifications à la nouvelle loi après quelques mois », a dit espérer Vujovic.
Ifex