Odoardo Focherini est l’un des 37 catholiques dont le Saint-Siège, sur autorisation du pape et par décret, vient de reconnaître le martyre, ouvrant ainsi la voie à sa béatification (cf. ZENIT, 11 mai 2012).
Né à Carpi (Italie), le 6 juin 1907, cet ancien journaliste et administrateur du journal « Avvenire », qui fut aussi directeur diocésain d’Action Catholique, organisait la fuite des juifs persécutés vers la Suisse et favorisait les contacts avec les soldats au front ou portés disparus, avec l’appui de la curie épiscopale de Modène et de Carpi mais aussi grâce à sa maison de Mirandola.
Le 6 juin 2007, à l’occasion du centenaire de sa naissance, Benoît XVI avait envoyé un message à son diocèse, soulignant les traits « inoubliables » de sa personnalité, dominée par ses grandes qualités « d’époux chrétien » et des vertus qui constituent encore aujourd’hui « un exemple » pour tous, dans l’Eglise .
Le pape, avait souhaité que « cette importante commémoration » aide à ne pas oublier « le message lumineux et le témoignage évangélique plein d’audace » dont a été capable un laïc « aussi généreux » qui, « à l’imitation du Christ, s’est sans cesse dévoué pour le salut de ses frères ».
En commentant la nouvelle de la future béatification du « vénérable serviteur de Dieu », Odoardo Focherini, Mgr Francesco Cavina, l’évêque de Carpi s’est dit « heureux de ce grand événement » qui est, selon lui, « source de grâce et de réconfort » pour l’Eglise locale.
« Le nouveau bienheureux, a-t-il ajouté, est un signe indiscutable de la fécondité de notre Eglise locale, mais également un rappel fort de ne pas laisser nos racines se dessécher et de revenir à un témoignage cohérent, clair, courageux et ecclésial, de notre adhésion au Christ ».
Odoardo Focherini est un « martyr » dont le témoignage fut si vivant qu’il a franchit les barrières du passé et reste, encore aujourd’hui, un « exemple » à imiter.
Il a vécu à une époque tourmentée de l’histoire, mais ne s’est jamais laissé aller au découragement, a toujours été confiant et optimiste.
Très actif dans le monde catholique, à 27 ans il était déjà président de l’Action catholique italienne (ACI).
Durant la persécution fasciste, en 1933, Odoardo courait entre un siège et l’autre de l’ACI pour cacher les drapeaux, subtiliser les documents et mettre en lieu sûr les registres et les comptes rendus des réunions.
En 1939, à la veille de la guerre, il est devenu directeur administratif d’Avvenire au niveau nationale. Le journal était alors dirigé par Raimondo Manzini, auteur de brûlantes polémiques contre le fascisme, et Odoardo le soutit courageusement.
Le jour de l’invasion allemande en Belgique et aux Pays-Bas, les fascistes de Bologne avaient incendié et séquestré le journal, considéré comme coupable d’avoir publié les télégrammes de Pie XII aux gouvernements et aux peuples frappés par ce malheur. Le dignitaire fasciste Farinacci avait qualifié Avvenire de « nid de vipères » pour avoir rejeté la politique raciale.
A l’arrivée des nazis en Italie, le journal ferma et aux allemands qui réclamaient sa réouverture Focherini déclara que les réserves de papier étaient finies. Ce n’était pas vrai, mais de cette façon Avvenire ne se mit jamais au service de l’occupant. Le 26 septembre 1943, Bologne subit son premier gros bombardement et le siège d’Avvenire fut détruit. A partir de ce moment-là, Focherini se mit à la tête de l’organisation pour sauver les juifs et les persécutés.
Dès 1942, à la demande de Raimondo Manzini, à qui le cardinal de Gênes Pietro Boetto avait adressé des juifs, Focherini se prodigua pour mettre à l’abri un groupe de juifs arrivés de Pologne qu’il cacha dans un train de la Croix Rouge Internationale.
Après le 8 septembre 1943, avec le durcissement des lois antijuives, le début des déportations raciales, Odoardo Focherini en compagnie du P. Dante Sala, de Mme Ferrarini delle Concerie Donati, de Modène, et quelques autres, organisa un réseau efficace pour l’expatriation vers la Suisse de plus d’une centaine de juifs.
Odoardo était l’âme de l’organisation. Il comptait les familles, se procurait les papiers des synagogues, cherchait des fonds, fournissait de faux documents: un ami lui avait procuré des papiers d’identité qu’il remplissait habilement, en y mettant les noms de communes du sud déjà aux mains des alliés (Carpi devenait alors Capri). Chaque petit groupe constitué était confié au P. Dante Sala qui les accompagnait jusqu’à Cernobbio, et là, grâce à la complicité de deux courageux catholiques qui stationnaient à la frontière, il passait en Suisse.
Le 11 mars 1944, Focherini fut arrêté à l’hôpital alors qu’il s’occupait d’un juif malade. Il fut transféré au poste des SS de Bologne puis aux prisons de San Giovanni in Monte. Durant une visite, son beau-frère Bruno Marchesi lui dit : « Fais attention, tu t’exposes peut-être trop, tu ne penses pas à tes enfants ? », Odoardo répondit : « Si tu avais vu, comme j’ai vu, dans cette prison, ce qu’ils font souffrir aux juifs, tu regretterais de ne pas avoir fait assez pour eux, de ne pas en avoir sauvé davantage ».
Transféré au camp de concentration de Gries (Bolzano), il y resta jusqu’au 5 septembre 1944. Puis il fut envoyé au camp de Flossenburg et, pour finir, au camp de travail d’Hersbruck. Le 8 octobre 1943, il dicta à son ami Olivelli deux dernières lettres pour sa famille, que ce dernier a écrites en allemand pour ne pas avoir de problèmes avec la censure du camp, et Odoardo signa. Elles sont le dernier témoignage direct qu’Odoardo était encore en vie. Sa famille écrivit plusieurs fois mais n’eut jamais de réponses. Odoardo s’éteignit dans l’infirmerie du camp d’ Hersbruck le 27 décembre 1944.
Voici les paroles confiées à son ami en prison : « Mes sept enfants… je voudrais les voir avant de mourir… toutefois, accepte encore, Ô Seigneur, ce sacrifice et veille sur eux, ainsi que sur mon épouse, mes parents, et tous mes proches. Je déclare mourir dans la foi catholique apostolique romaine la plus pure et dans la pleine soumission à la volonté de Dieu, offrant ma vie en holocauste pour mon diocèse, pour l'Action Catholique, pour le pape et pour le retour de la paix dans le monde. Je vous prie de rapporter à mon épouse que je lui ai toujours été fidèle, que j’ai toujours pensé à elle et toujours intensément aimée ».
Parmi les nombreux témoignages forts de gratitude à l’œuvre de Focherini ressort celle d’une femme juive de Ferrare qui dit à la veuve d’Odoardo: « J’ai perdu 14 des miens, il ne m’est resté que cet enfant, mais j’ai trouvé la force de m’en sortir et de survivre grâce à ce que m’a dit votre mari : « J’aurais déjà fait mon devoir si j’avais seulement pensé qu’à mes sept enfants, mais je sens que je ne peux pas vous abandonner, que Dieu ne me le permet pas ». »
Odoardo Focherini a reçu la Médaille d’or des communautés israélites italiennes, à Milan, en 1955), puis le titre de « Juste parmi les nations », à Jérusalem, en 1969, la Médaille d’or de la République italienne au mérite civil à la mémoire, en 2007. Le procès pour sa béatification a commencé en 1996.
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