Laurent fut martyrisé en 258, trois jours après le pape Sixte II, dont il était l’archidiacre. La persécution est connue comme celle de Valérien. À la fin du IV siècle, dans son œuvre De officiis ministrorum, Saint Ambroise raconte le dialogue entre Laurent et Sixte II qui, conduit sur le lieu du martyre, parle de la mort imminente de son archidiacre et du motif de sa condamnation. Valérien demande à l’archidiacre de lui remettre les biens de l’Église et Laurent les distribue aux pauvres, avant de présenter ceux-ci à l’empereur comme le véritable trésor de l’Église. La tradition veut que Laurent ait été martyrisé sur un grill, mais on n’exclut pas que ce supplice ait été postérieur à sa décapitation.
Les chrétiens et les païens furent étonnés du courage et de la force d’âme avec lesquels Laurent affronta le martyre et le sang versé par le premier archidiacre de la ville alimenta les nombreuses conversions qui eurent lieu à Rome et ailleurs. Dans le monde chrétien, des milliers d’églises furent érigées en son honneur : rien qu’à Rome, on en comptait une quarantaine, dont la plus importante est l’église Saint-Laurent-hors-les-Murs, où est conservé le corps du martyr. L’église Saint-Laurent-à-Panisperna fut érigée sur le lieu du martyre, tandis que l’on construisit l’église Saint-Laurent-en-Fontaine (San Lorenzo in Fonte), dans la "via Urbana" où, selon la tradition, Laurent fut gardé prisonnier. Le grill utilisé pour le martyre est conservé dans l’église Saint-Laurent-in-Lucina. De nombreux autres lieux sont liés au culte des reliques du saint, parmi lesquels Amaseno, un village de la Ciociarie. Le Père Italo Cardarilli, curé de la collégiale Santa Maria Assunta (Notre Dame de l’Assomption) répond aux questions de Zenit.
Zenit – Père Italo, qu’est-ce qui est conservé dans votre splendide collégiale ?
Père Italo Cardarilli – Parmi les nombreux trésors d’art de l’église de Santa Maria Assunta, construite dans le style gothique bourguignon au XIIeme siècle et consacrée le 8 septembre 1177, on conserve une ampoule en verre contenant une masse de couleur brune, en général coagulée. Sur le document en parchemin de la consécration de l’église, rédigé en deux copies, une en latin et une en langue vulgaire, qui rapporte la chronique de cet événement ainsi que les personnes qui y étaient présentes, se trouve aussi une liste de reliques présentes à cette occasion. Et bien, parmi ces reliques insignes, on peut lire en latin : « De pinguedine sancti Laurentii Martyris », et en langue vulgaire : « Delle grassecze de sanctu laurentio martiru ». Le document nous fournit une information importante, à savoir que la relique était déjà dans l’église Santa Maria en 1177, toutefois nous ne savons pas si elle y était à partir de cette date ou déjà avant, dans l’église pré-existante qui fut détruite en 1165, quand le château de Saint Laurent (Castrum Sancti Laurentii) fut la proie des flammes de l’armée du roi de Sicile, à l’invitation du pape Alexandre III, pour ramener à la fidélité pontificale ceux qui avaient juré soumission à l’antipape Pascal III.
Jusqu’au début du XVIIeme siècle, on ne trouve pas de références particulières à cette relique. C’est seulement sous le pontificat de Paul V (1605-1621) que se vérifie un fait prodigieux : le jour de la fête du saint, cette masse sanguine se liquéfie spontanément, ce qui provoque une certaine rumeur. La nouvelle de ce fait arrive jusqu’au pape qui demande qu’on lui apporte quelques gouttes de ce précieux sang. Dès lors, la liquéfaction se répète chaque année le jour de la fête de Saint Laurent, au point que le pape Clément XIII, informé de cet événement, le 2 avril 1759, définit par une Bulle papale comme un « prodige particulier » ce qui arrive à Amaseno et concède certains privilèges à la collégiale et au chapitre des chanoines. A partir de ce moment-là, le prodige se répète chaque année suscitant gratitude et joie dans la communauté qui trouve en Laurent un frère pour l’encourager dans la foi envers le Christ sauveur.
Y a-t-il des documents historiques qui confirment l’authenticité des reliques du sang de Saint Laurent ?
Comme je l’ai dit, le premier document sur papier qui fait allusion à la relique est l’acte de consécration de l’église du 8 septembre 1177. Il faut noter que la copie sur papier vergé, en langue vulgaire, fait partie des premiers témoignages de la langue italienne, peu après le fameux « Placido Cassinese » de 980. D’ailleurs, il serait intéressant d’étudier ce document pour comprendre la naissance de la langue italienne. Les autres documents sont une chronique de l’événement de 1649, rédigée par Aringhi, témoin oculaire du prodige ; il en existe un autre, qui date de 1759, lorsqu’il y eut une liquéfaction extraordinaire en présence de l’évêque de Forentino d’alors, Mgr Tosi, qui est racontée dans les Actes capitulaires de l’église. Malheureusement, l’incendie des archives de 1848 a détruit d’autres documents importants. Jusqu’ici, aucune enquête scientifique précise et complète n’a été réalisée, à part des analyses externes de l’ampoule et de son contenu.
Que peut-on dire du phénomène de liquéfaction du sang de Saint Laurent ?
En restant fidèles à ce que l’on peut observer, le phénomène est source d’étonnement en ce qui concerne le processus de liquéfaction. Avant tout, personne n’agite l’ampoule, ce qui fait exclure que le contenu soit une substance thixotropique (substance qui, lorsqu’elle est sollicitée, passe d’un état à un autre), ensuite la liquéfaction arrive en général graduellement, comme ces jours-ci, ou parfois de manière soudaine et rapide. Cette année, je constate que la liquéfaction a commencé le 31 juillet et tous les soirs, quand on ouvre le reliquaire, on observe une évolution du processus. En général, la liquéfaction culmine entre le neuf et le dix août, pour entamer ensuite le processus inverse de solidification. Quand la substance est liquide, elle revêt une belle couleur rubis et présente une transparence et une mobilité maximales ; on distingue parfaitement le terreau déposé au fond de la fiole, un lambeau de peau suspendu dans la substance sanguine, le gras de couleur jaune qui flotte en surface. Le prodige est augmenté par le fait que l’ampoule n’est pas parfaitement scellée : en effet, elle se présente avec une fracture visible au sommet du verre qui permet l’échange gazeux entre l’intérieur et l’extérieur de la fiole. Il en résulte que la substance n’est pas isolée et par conséquent, selon les lois de la nature, elle devrait se corrompre ou au moins s’altérer.
Le phénomène miraculeux s’est-il encore répété cette année ?
Cette année aussi, le prodige se renouvelle, pour la plus grande gloire de Dieu et pour notre bien. Saint Laurent nous aime et, une fois encore, il nous donne un signe de son amitié, nous invitant à une conduite de vie toujours plus conforme à l’évangile. Contempler son sang ne signifie pas seulement être témoin d’un fait extraordinaire, mais implique une conversion intérieure au Christ et une attention toujours plus évangélique envers celui qui est dans le besoin. Saint Laurent est le diacre de l’Église et le serviteur des pauvres, il nous pousse à vivre du Christ dans la vie sacramentelle et à devenir solidaires de ceux qui sont démunis. Son sang se liquéfie pour nous apprendre à « liquéfier » notre cœur, en passant de l’égoïsme à la véritable charité.
Pourquoi aller visiter Amaseno ?
Amaseno est une très belle petite ville de la province de Frosinone, dans une vallée agréable, entourée de belles montagnes, riche en eau, ce qui favorise une activité agricole intense. À l’excellence de la région, outre l’art, l’architecture des églises et des édifices du beau bourg médiéval, s’ajoutent les nombreux élevages de buffles à partir desquels sont produits une délicieuse mozarella et des succulents produits locaux. L’accueil de sa population, la bonne cuisine, sont sans doute des raisons justifiées de s’y rendre en visite.
Pour toute information, visiter le site www.sanlorenzoamaseno.it
Traduction Hélène Ginabat
Zenit