Au-delà des différences de sensibilités et de convictions, les mêmes questions traversent ces professionnels qui ne travaillent pas par hasard dans les entreprises ou les institutions qui les emploient. Comment articuler liberté de plume et attachement à l’Église ? Comment concilier l’exigence professionnelle avec la diffusion d’un message chrétien, peu présent dans l’espace public et souvent ignoré par les médias ?
À l’occasion de ces journées, La Croix dresse le portrait de dix «communicants» qui usent de la plume, du micro, d’Internet ou d’une caméra pour diffuser le message chrétien.
Pharmacien de profession, engagé de longue date dans l’Église (scoutisme, aumônerie, théâtre biblique, Équipes Notre-Dame…), Hubert Moritz cherchait « un travail qui corresponde à sa quête de sens et à son désir d’évangéliser ». Ce père de quatre enfants, originaire du Nord, l’a trouvé depuis 2002 à la radio RCF 61, dans l’Orne.
Partageant son temps avec son emploi dans une pharmacie, Hubert Moritz réalise reportages et interviews trois jours par semaine. Avec un micro mais aussi un caméscope.
Car le lauréat du forum des « bonnes idées » au congrès national de RCF en juin 2010 est aussi un pionnier de la Web-TV, qu’il a lancée dans le diocèse de Séez en mars 2009. Ce média, l’un des premiers du genre en France, propose des vidéos de trois à sept minutes sur la vie du diocèse.
Parmi les plus vues, une présentation de la maison natale à Alençon de Louis et Zélie Martin, les parents de Thérèse de Lisieux, et une interview de Mgr Jacques Habert, le nouvel évêque du diocèse, dont l’ordination, le 9 janvier, a fait l’objet d’une diffusion en direct sur la Web-TV diocésaine. Ces retransmissions sont l’une des spécialités d’Hubert Moritz, qui apprend à ses confrères d’autres diocèses à les réaliser à travers le site www.directcatholique.fr. Avec une même conviction : « être au service de mon diocèse et de l’Église universelle. »
Pour Hélène Jullien, 55 ans, devenir journaliste était une « vieille envie ». Active depuis vingt-cinq ans dans le monde associatif, catholique ou pas, la rédactrice en chef de Faim et développement, le magazine du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), a longtemps travaillé comme documentaliste.
Il y a dix ans, elle choisit de renouer avec ses envies de jeunesse et devient journaliste indépendante, notamment pour le Jour du Seigneur sur France 2 et Amnesty International. Elle entre ensuite en 2006 au CCFD en tant que rédactrice en chef de Faim et développement Magazine.
La revue d’une trentaine de pages, dont les huit numéros par an sont diffusés à 30 000 exemplaires, traite de l’actualité des pays dans lesquels intervient l’ONG. Mais selon sa rédactrice en chef, elle cherche plus généralement à diffuser « une vision du monde et des valeurs de partage ».
Si le CCFD est « au service de la doctrine sociale de l’Église », Hélène Jullien se sent davantage journaliste que commu ni cante. « Nous multiplions les points de vue et nous évitons les messages trop codés », assure-t-elle. Une méthode que pourrait reprendre, selon elle, l’Église afin « d’élargir son audience au-delà de la base catholique ».
Après avoir mené pendant vingt ans des campagnes de publicité pour des opérateurs de téléphonie, des créateurs de mode ou des maisons de champagne, Catherine Baumont, 55 ans, a choisi de se mettre au service de l’Église. « Je commençais à tourner en rond, alors j’ai décidé de céder mon agence », raconte-t-elle, en précisant avoir toujours gardé une place au monde associatif dans sa clientèle.
En 2005, elle se voit ainsi proposer un poste au sein de l’Œuvre d’Orient, fondée en 1856 pour soutenir les chrétiens orientaux, alors en perte d’influence. « Je n’en avais jamais entendu parler. Mais ce projet semblait passionnant. Il s’agissait de réveiller une belle endormie. »
En 2006, l’Œuvre d’Orient s’apprête à fêter son 150e anniversaire. Catherine Baumont n’a que quelques mois pour se familiariser avec les subtilités du christianisme oriental. « J’ai découvert des interlocuteurs extrêmement attachants, d’une grande richesse intérieure, capables de faire beaucoup sur le terrain, avec peu de moyens », s’enthousiasme-t-elle. Site Web, publications, expositions… Catherine Baumont et son équipe multiplient les outils de promotion : il en va, dit-elle, de « la pluralité culturelle dans ces régions, où l’apport des chrétiens est essentiel ».
Tous les matins, après la prière, le P. Olivier Gaignet, 68 ans, allume son ordinateur. Inspiré « par le Saint-Esprit », ce curé de Fontenay-le-Comte (Vendée) rédige le billet quotidien de son blog, L’Arche de Noé.
Depuis sa création en 2007, il a enregistré 150 000 connexions et reçoit 350 visites par jour. Un succès qui étonne encore son auteur soucieux d’investir de nouveaux espaces. « C’est la même dynamique que partir en mission au Mali chez les musulmans. Il faut aller là où on ne nous attend pas », affirme le prêtre vendéen qui a passé neuf ans en Afrique.
Les textes du P. Gaignet abordent tous les sujets, des vœux des maires à l’homosexualité en passant par la tempête Xynthia ou la retraite. Chaque jour, le blogueur reçoit des e-mails de ses lecteurs auxquels il répond systématiquement. « C’est une sorte de direction spirituelle collective et parfois personnelle », commente le curé, lu dans vingt-cinq pays différents. « C’est l’une des grâces du Net de toucher tant de monde, notamment des gens éloignés de l’Église ou d’autres religions. »
Un reportage dans un centre d’hébergement, le portrait d’une ancienne comédienne ayant ouvert un magasin de commerce équitable… Grâce à Passages, le magazine (10 000 exemplaires, quatre fois par an) de la paroisse Saint-Pierre du Vieux-Lille dont elle est la rédactrice chef et l’une des plumes fidèles, Paulette Ruckebusch, 72 ans, assouvit son goût pour l’humain et pour la vie en société.
Pour cette ancienne assistante sociale, qui se définit spontanément comme « une grande curieuse », l’aventure a commencé à l’heure de la retraite. « Le curé de la paroisse m’a invitée à une réunion et, là, j’ai fait la connaissance de Marie-Georges Delmazure, ancienne rédactrice en chef de La Croix du Nord. C’est elle qui m’a encouragée à écrire, sans jamais freiner mes envies d’articles. »
Paulette Ruckebusch le reconnaît en riant, vaguement honteuse : ce ne sont pas les « sujets d’Église » qui la passionnent ! Ses valeurs chrétiennes, elle les exprime davantage en offrant une forme de reconnaissance aux personnes qu’elle interviewe, quelles que soient leurs convictions religieuses. « Mais je n’ai pas de mérite, je fais ça avec plaisir ! »
Si la communication de l’Église relevait de la médecine, Guillaume de Prémare, 43 ans, serait sans doute urgentiste. Consultant en communication après dix ans dans la banque, il a créé il y a deux ans, avec le consultant Vincent Némon et le journaliste Patrice de Plunkett, le comité « Urgence pape sida » et l’association Médias et Évangile.
Pédophilie, Irak, écologie… : réactif à toute actualité concernant le pape ou l’Église, il adresse aux médias généralistes des communiqués et dossiers de presse pédagogiques pour les aider à décrypter le discours de l’Église.
L’élément déclencheur ? La tempête provoquée en mars 2009 par les propos mal relayés de Benoît XVI sur le préservatif, alors en route pour l’Afrique. L’objectif est de « coopérer avec les médias plutôt que d’être dans l’affrontement ». Guillaume de Prémare anime aussi un blog, des sessions dans les diocèses et collabore ponctuellement à divers titres de la presse catholique.
De tempérament indépendant, ce père de quatre enfants dit enraciner son engagement « dans la liberté d’initiative des laïcs héritée de Vatican II » et dans une spiritualité « marquée par l’enseignement de Josémaría Escrivá », fondateur de l’Opus Dei, sur la sanctification par le travail.
Maud Richard, une agence de communication pour le Christ
A 30 ans, Maud Richard est une sorte de « mini-agence de communication » à elle toute seule. Elle est responsable de l’image de trois types de produits et travaille pour deux patrons : d’un côté la revue Il est vivant et les Éditions de l’Emmanuel, de l’autre le mensuel L’1visible édité par la structure partenariale Prodeo.
Elle a donc deux types de publics bien distincts : les catholiques pratiquants désireux de « se former et d’annoncer » l’Évangile, pour les revues et ouvrages édités par la communauté de l’Emmanuel, et, à l’inverse, tous ceux qui « ne sont pas dans le bocal » pour le mensuel d’évangélisation gratuit. Mais, dans tous les cas, « mon vrai Patron, avec un grand P, c’est le Christ », affirme la jeune femme, qui a le sentiment de contribuer à « dépoussiérer » l’image de l’Église.
« Communiquer, c’est faire connaître un produit. Et là, le produit, c’est le Christ : c’est énorme ! » D’ailleurs, impossible à ses yeux de « faire ce boulot sans aimer à la fois le Christ et l’Église ». Tous les jours, avec sa petite équipe, elle offre sa journée de travail à Dieu et a la possibilité d’assister à la messe pendant sa pause déjeuner. Son seul regret : que la communication ne soit considérée par l’Église que comme une « option » au lieu d’un « véritable investissement ».
Pierre Durieux, la communication d’une «très vieille dame»
«A 34 ans, s’occuper d’une institution vieille de… dix-huit siècles, ce n’est pas si mal ! » Pierre Durieux, le jeune directeur de la communication du diocèse de Lyon, s’amuse. Mais pas seulement. Il mesure sa chance de travailler ainsi depuis trois ans, dans un diocèse important doté d’une vraie richesse humaine.
Sur les bancs de l’université de philosophie, il a beaucoup « phosphoré », dit-il, autour du lien entre raison et foi. D’où une passion pour la communication de l’Église : « La foi, c’est toujours un saut, confie-t-il. Mais quand on peut rendre compte de ce saut de manière rationnelle, cela semble moins absurde de sauter. »
Une première expérience de communication à l’Office chrétien des personnes handicapées (OCH) le persuade que c’est là, au sein de ce en quoi il croit, qu’il veut mettre ses compétences. Mais justement, ces compétences sont alors encore à acquérir. Aussi Pierre Durieux a-t-il ensuite travaillé trois ans au sein d’une agence de communication en région parisienne, pour une vraie expérience professionnelle.
Ce qui lui a permis, une fois arrivé à Lyon, de développer des nouveaux outils, et notamment un site Internet particulièrement performant, avec une Web TV. Avec une priorité : communiquer « au-dehors », « en direction de tous ceux qui connaissent à peine, ou pas du tout, l’Église ».
P. Thierry Lamboley, faire entendre les merveilles de Dieu sur la Toile
Passionné par le langage de l’image, il intègre la direction de l’antenne de France 2 et propose son mémoire de maîtrise de théologie sous la forme d’une vidéo. « J’ai toujours eu le souci du public. Ce que vous faites a vocation à être lu ou regardé. »
Dès les années 1990, ce passionné de technologie prend le virage du Web dont il pressent « l’incroyable capacité à rejoindre les gens partout où ils sont ». Il fonde le site Internet des jésuites de France, rejoint à mi-temps le groupe Bayard (éditeur de La Croix) pour participer à la création du site croire.com avant de se lancer dans deux aventures inédites qui conjuguent spiritualité et virtualité : Notre-Dame du Web, une retraite spirituelle sur Internet, et versdimanche.com, une manière originale de retrouver goût à la messe du dimanche.
« Il y a un formidable enjeu missionnaire d’Internet, confie ce prêtre de 49 ans. Il s’agit de faire entendre quelque chose des merveilles de Dieu sur la Toile. »