Au Kerala, dans le sud de l'Inde, un universitaire catholique a eu la main droite coupée par des islamistes. « Eglises d'Asie » (EDA), l'agence des MEP, fait le point sur cette mutilation dont la nouvelle a fait le tour du monde.
Des militants islamistes ont tranché la main d'un enseignant catholique qui avait, selon eux, insulté le prophète Mahomet dans un de ses sujets d'examens écrits destinés à ses étudiants.
T. J. Joseph, 53 ans, professeur au Newman College, université catholique réputée, a été attaqué par un groupe de jeunes extrémistes armés de sabres, de haches et de bâtons, le dimanche 4 juillet dernier, à Muvattupuzha, dans le district d'Ernakulam, au Kerala, alors qu'il rentrait chez lui en voiture après la messe dominicale en compagnie de sa mère et de sa sœur aînée, religieuse de la congrégation des Sœurs de St Joseph de Cluny.
Après avoir arrêté la voiture de l'enseignant avec leur camionnette, les assaillants l'ont arraché de force de son véhicule avant de lui trancher la main droite et une partie du bras avec une hache (1). Ils ont ensuite jeté la main coupée deux cent mètres plus loin avant de s'enfuir. Sr Mary Stella a rapporté que son frère avait été également frappé de coups de sabre sur tout le corps et que les assaillants avaient molesté leur mère, octogénaire. Les voisins, qui avaient accourus sur les lieux, ont alors emmené T. J. Joseph à l'hôpital de Kochi, avec sa main coupée, dans l'espoir d'une chirurgie réparatrice.
Le Front populaire de l'Inde (PFI), mouvement musulman extrémiste dont la branche politique est le Social Democratic Party of India (SPDI), ayant déjà menacé de mort à plusieurs reprises le professeur, la police a orienté rapidement son enquête vers ses militants et arrêté le soir même deux personnes en relation avec l'affaire. Environ trente personnes auraient également été entendues par la police et plusieurs maisons du district d'Ernakulam fouillées.
Quelques mois plus tôt, une accusation de blasphème avait été portée par des extrémistes musulmans à l'encontre de ce professeur de malayalam – la langue officielle du Kerala – au Newman College de Thodupuzha (2). Le 25 mars dernier, il avait été suspendu de ses fonctions à la suite de violentes manifestations menées par des organisations musulmanes au cours desquelles les affrontements avec les forces de l'ordre avaient fait de nombreux blessés. T. J. Joseph était accusé d'avoir préparé un sujet d'examen écrit contenant des termes insultants envers le prophète Mahomet. Il avait été emprisonné puis relâché en avril.
Selon le quotidien Mathrubhumi, publié en malayalam et en anglais, le sujet incriminé, destiné aux étudiants de deuxième année en malayalam, consistait à rétablir la ponctuation dans un texte (d'un auteur du Kerala) où un fou dialoguait avec Allah. Le fou ayant pour nom Mohammad, l'assimilation avec le prophète avait été à l'origine de l'accusation de blasphème (3).
T. J. Joseph, qui enseignait à l'université depuis 1985, avait été nommé il y a deux ans à la tête du Département de malayalam. Il était également responsable de l'enseignement des valeurs morales, organisait des retraites, des séminaires et d'autres programmes éducatifs dans des domaines divers.
La sœur de T. J. Joseph, 59 ans, interrogée par l'agence AsiaNews, décrit l'universitaire comme un homme profondément attaché à son travail, essayant d'enseigner à ses élèves les valeurs morales, encourageant l'esprit critique et une vision moderne des choses. « Ses écrits sur l'Ahimsa [non-violence hindoue – NDLR] sont non seulement reconnus pour leur qualité littéraire mais aussi pour leur portée morale. » T. J. Joseph est « un martyr du dialogue islamo-chrétien », poursuit Sr Maria Stella. « Nous vivons entourés de musulmans (…) qui sont des gens bien. Plusieurs d'entre eux ont donné leur sang pour mon frère (les jeunes du mouvement Jamat-e-Islami Hind – NDLR) (4)). Malheureusement, c'est une petite minorité qui a mené l'attaque. Mon frère cependant ne parle que de pardon », ajoute la religieuse, qui espère que l'agression contre son frère puisse « porter beaucoup de fruits et ouvrir la voie au dialogue entre chrétiens et musulmans » (5).
A l'annonce de l'attaque de T. J. Joseph, réagissant pour la première fois depuis son accusation de blasphème ainsi que sa suspension, de nombreuses associations, partis et mouvements religieux ont fait part de leur condamnation unanime, du Bharatiya Janata Party (BJP), parti pro-hindou, à la Ligue musulmane ou encore au Conseil épiscopal catholique du Kerala. Le monde enseignant s'est également mobilisé ; le Kerala Private College Teachers a ainsi organisé mardi 6 juillet des manifestations de soutien dans tout le pays.
Parmi les membres du gouvernement, communiste, qui dirige l'Etat du Kerala, M. A. Baby, ministre de l'Education, a déclaré que l'agression était une tentative pour exacerber les tensions communautaristes et détruire « l'harmonie de la société ». Quant au ministre de l'Intérieur, Kodiyeri Balakrishnan, il a affirmé devant l'assemblée de l'Etat que le gouvernement ne tolérerait pas d'attaques sur « le modèle taliban ».
Ce vendredi 9 juillet, les médecins de l'hôpital de Kochi où T. J. Joseph est toujours en soins intensifs, ont annoncé qu'il avait définitivement perdu son bras jusqu'au coude, malgré une opération de 16 heures qui avait tenté de reconstituer son membre amputé et de greffer sa main. Interviewé sur son lit d'hôpital le 7 juillet par la chaîne de télévision TV Manorama News, le professeur a réaffirmé sa volonté de pardonner à ses agresseurs et expliqué que les accusations à l'origine de l'attaque étaient dues à un « malentendu », son sujet n'ayant jamais contenu aucun terme diffamatoire envers Mahomet. « J'ai utilisé l'extrait d'un ouvrage au programme à l'université (…). La seule erreur que j'ai faite est d'avoir essayé de bien faire mon travail. Je n'ai jamais dénigré aucune religion. » Il a ajouté que lorsque la controverse avait éclaté en mars dernier, il n'y avait eu personne pour le soutenir. « Depuis ma sortie de prison, j'ai été dans l'impossibilité de me laver de ces accusations et c'est la cause directe de cette attaque (…). Maintenant, ma sœur me dit que l'Eglise, le gouvernement et les organisations d'enseignants viennent apporter leur aide et je suis heureux d'entendre ça (…). Mais ma seule prière est qu'à l'avenir, personne n'ait à passer par les épreuves que j'ai subies ».
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