Les persécutions contre les chrétiens s'étendent à d'autres Etats de l'Inde, facilitées par l'inaction des autorités, déplore « Eglises d'Asie » (EDA), l'agence des Missions étrangères de Paris.
Depuis l'Orissa, les attaques contre les chrétiens ont gagné les Etats voisins du Chhattisgarh et du Madhya Pradesh, ainsi que le sud de l'Inde dans une flambée de violence que l'Etat fédéral se montre impuissant à maîtriser.
Au Madhya Pradesh, l'un des Etats où le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien) est au pouvoir, le temple protestant St-Bartholomew à Ratlam a été incendié le 7 septembre (1) et d'autres actions antichrétiennes rapportées. Le 18 septembre, l'autel de la cathédrale St Pierre-St Paul à Jabalpur a été incendié, et des statues endommagées. De nombreux chrétiens se sont retrouvés pour une manifestation pacifique dans les rues de Jabalpur, avec le soutien de leur évêque, Mgr G. Almeida, demandant au gouvernement d'agir contre ces attaques.Dans l'Etat de Chhattisgarh, proche de l'Orissa, les Missionnaires de la Charité ont été la cible des extrémistes hindous. Le 5 septembre, fête de leur congrégation et date anniversaire de la mort de Mère Teresa, quatre Missionnaires de la Charité ont été agressées par une vingtaine d'activistes du Bajrang Dal, une des organisations de la mouvance hindouiste. Ils les ont accusées d'avoir kidnappé et « converti de force » quatre bébés qu'elles accompagnaient en train de Raipur à leur centre pour enfants de Bhopal. Ils les ont forcées à descendre du train, en les injuriant et menaçant de les tuer. Elles furent emmenées au poste de police, alors que les enfants leur étaient arrachés et transférés à l'hôpital. Sr Mamata, supérieure régionale du Chhattisgarh, Sr Ignacio, Sr Josephina et Sr Laborius ont passé la nuit au poste pendant que l'on vérifiait leurs papiers et ceux des enfants, parfaitement en règle. Les religieuses n'ont pu sortir qu'après l'intervention de l'archevêque de Raipur. Les médias locaux, quant à eux, ont accrédité la version des hindouistes qui les accusait d'être « à la tête d'un trafic d'enfant ».L'archevêque de Bombay, le cardinal Oswald Gracias, s'est déclaré « extrêmement choqué des allégations totalement infondées et inventées de conversion forcée par les sœurs ». Il a ajouté qu'il « connaissait très bien Mère Teresa et sa personnalité et (…) qu'il n'y avait jamais eu ni bébé ni personne converti de force ici ou ailleurs ». Selon lui, « les persécutions (contre les chrétiens) ne cessent de s'étendre à travers le pays et cela aura des effets très graves à long terme au sein de la société indienne. » De son côté, la Conférence des évêques catholiques de l'Inde (CBCI) a demandé qu'une action soit diligentée contre les agresseurs des Missionnaires de la Charité.Le 12 septembre dernier, selon AsiaNews, les quatre bébés avaient pu retrouver le foyer des Missionnaires de la Charité, mais la congrégation était toujours sous surveillance de la police et menacée par les extrémistes hindous. Ceux-ci demandent à nouveau l'arrestation des religieuses et leur inculpation, toujours sous le même motif de « trafic d'enfants et de conversion forcée ».Dans le sud du pays, des violences ont été commises dans l'Etat du Karnataka où des hindouistes avaient déjà attaqué plus de 25 églises et lieux de prière depuis la mi-septembre et blessé gravement de nombreux fidèles (2). Deux églises catholiques et un temple protestant ont été dévastés, dimanche 21 septembre au matin. A Bangalore, capitale de l'Etat, l'église du Saint-Nom-de-Jésus a été attaquée, la statue de la Vierge Marie brisée, alors qu'à l'église Saint-James, le tabernacle était profané et le mobilier liturgique détruit. De sources ecclésiastiques, d'autres déprédations et destructions de statues, bibles, objets de culte, ont eu lieu dans la région.Ces attaques se sont produites dès l'annonce de l'arrestation de Mahendra Kumar, principal instigateur du mouvement de violences antichrétiennes au Karnataka et leader du Bajrang Dal. Cette arrestation a eu lieu après que le gouvernement fédéral ait menacé le Karnataka de reprendre la situation en main si l'administration locale se montrait incapable de contrôler les hindouistes. La Constitution de l'Inde permet en effet une intervention fédérale si l'un des Etats ne peut plus protéger les droits des citoyens. L'attitude des autorités avait été en effet fortement montrée du doigt lors des événements du début de ce mois, la police allant jusqu'à soutenir les extrémistes en se joignant aux agressions contre les chrétiens.A Mangalore, Sr Selma, Sœur de Béthanie (3), avait été battue par les policiers le 15 septembre dernier alors qu'elle défendait son église des attaques des hindouistes. De l'hôpital, elle témoigne : « Notre Eglise a grandi malgré les persécutions (…). (Ce que nous venons de vivre) nous rappelle ce que nos prédécesseurs ont souffert pour leur foi (…). Et nous en sommes les fiers descendants (…). »Après ces dernières attaques, le ministre-président du Karnataka, B. S Yeddyrappa, membre du BJP, refusant jusqu'alors d'enquêter sur les violences envers les chrétiens, et ce, malgré les demandes insistantes de responsables catholiques comme Mgr Bernard Moras, archevêque de Bangalore, a finalement prévu de réunir un conseil de crise de son gouvernement afin « d'évaluer la situation ».Parallèlement, des violences se sont produites au Kerala, près de Kochi. Toujours le 21 septembre, pendant la messe, une église datant du XVIIème a été attaquée et une statue du Christ jetée à terre. Un peu plus loin, la cathédrale des jacobites (4), The Mar Sabore, l'une des plus anciennes de l'Inde (élevée en 825), a été mise à sac, les vitraux brisés et une partie des reliques de St Paul Mar Athanase détruites.Depuis ces nouveaux événements, des assemblées de prière ont lieu dans toute l'Inde et les chrétiens manifestent pacifiquement et en nombre, multipliant les déclarations demandant au gouvernement de faire cesser les exactions.(1) Voir EDA 491.(2) Voir EDA 491.(3) Les Bethany Sisters of the Little Flower ont été fondées à Mangalore, au Karnataka, en 1912. Elles sont l'une des trois congrégations locales établies dans le diocèse.(4) Les jacobites sont membres de l'Eglise malankare Mar Thomas (ou Saint Thomas), de tradition syriaque, liée à l'Eglise anglicane. Très présente dans le sud de l'Inde, on l'appelle aussi Eglise jacobite réformée.
ROME, Mercredi 24 septembre 2008 (ZENIT.org)