d'une procédure déjà jalonnée d'incidents, a rapporté Eglises d'Asie, le 10 décembre.
Les trois procureurs chargés de l'accusation pénale ont menacé lundi 6 décembre de boycotter le procès qui se tient actuellement à Cuttack, en Orissa, en raison du non-paiement de leurs honoraires depuis plusieurs mois. « Le montant de nos émoluments fixés par le gouvernement est tout à fait insuffisant et de plus, réglé avec un retard inacceptable », a déclaré l'un de ces avocats du ministère public sur la chaîne indienne NDTV.
Laxmidhar Mishra, avocat réputé de la ville, reçoit du ministère public en tant que procureur général des honoraires journaliers de 3 500 roupies (50 euros) par plaidoirie, tandis que Sangam Sahu et Akhaya Naik, ses assistants, touchent 1 400 roupies (23 euros). « Le gouvernement a honteusement manqué à son engagement de nous payer dans des délais décents », a déclaré l'un des procureurs, ajoutant qu'après de nombreuses réclamations, une partie de leurs honoraires de juillet et août avaient finalement été réglés tout récemment.
Les trois procureurs ont averti le juge B. K. Mishra, lundi 6 décembre dernier, qu'ils n'assureraient pas la suite du procès si leurs honoraires en retard ne leur étaient pas réglés immédiatement. Le 8 décembre, Sangam Sahu, l'un des assistants, expliquait à l'agence Ucanews qu'il avait accepté de traiter ce « cas exceptionnel » malgré le fait que le gouvernement ne lui avait accordé que la moitié du montant qu'il demandait. « Mais lorsque nous avons fait part à la Cour de nos griefs, le juge nous a demandé de lui adresser une réclamation écrite qu'il transmettrait au gouvernement », s'est indigné l'avocat.
Pour Robin Sahu, assistant d'un des avocats de l'accusation, cette attitude « d'indifférence et de mépris » du gouvernement est la marque d'une claire « volonté de nuire » s'agissant des victimes des violences antichrétiennes de 2008. « Ce comportement est une véritable injustice faite aux victimes », a-t-il expliqué.
La réaction de l'Eglise catholique ne s'est pas fait attendre : Mgr Raphael Cheenath, archevêque de Cuttack-Bhubaneswar, qui suit de très près le procès de Sr Meena, a fait part de son intention de s'adresser à la Cour suprême au nom de l'Eglise si le gouvernement ne mettait pas un terme rapide à ce « blocage de la procédure judiciaire ». « Si un cas aussi médiatique est traité de cette manière, qu'en sera-t-il des milliers de cas de victimes désespérées ? », interroge le prélat.
Des militants pour les droits de l'homme, comme Lalita Missal, à la tête de la National Alliance for Women – Orissa (NAWO) ou encore Sr Justine Senapati, de la congrégation des Sœurs de Saint Joseph d'Annecy (2), ont dénoncé, quant à elles, un « total déni de justice » pour les victimes du Kandhamal et une partialité « honteuse » de la part des autorités.
En novembre dernier, ces mêmes militants accusaient déjà le gouvernement et le système judiciaire de l'Orissa de « fausser le jeu », avec l'aide des médias qui organisaient un véritable « lynchage médiatique », selon les termes du magazine indien Tehelka (3).
Dernière illustration de cette campagne de dénigrement, ce lundi 6 décembre, avant que les avocats du ministère public ne décident de suspendre leur travail, le médecin qui avait examiné la religieuse après sa déclaration de viol a été rappelé à la barre par les avocats de la défense pour un contre-interrogatoire. Dès le lendemain, 7 décembre, The Hindu rapportait que le Dr Sangeeta Mishra avait reconnu « qu'il n'y avait ni sang ni sperme décelés lors de l'examen de la religieuse ». L'information était aussitôt reprise par la plupart des médias indiens comme une preuve supplémentaire des « fausses assertions » de l'accusation, soulignant l'à-propos de la suspension des audiences, au moment où s'écroulait l'argumentation principale des avocats de Sr Meena.
Ce rapport médical détaillait pourtant les blessures de la religieuse et affirmait que « les recherches démontraient des signes et symptômes récents d'une tentative de rapports sexuels forcés ». Mais surtout, ce rapport avait été ordonné deux mois après les faits, lorsque la conférence de presse de Sr Meena avait révélé au public le viol dont elle avait été victime et que les autorités du Kandhamal avaient enfin demandé une expertise (4).
(1) Sr Meena, qui fut l'une des premières victimes des violences antichrétiennes en Orissa, avait rendu public les actes de viol et de torture dont elle avait été victime par les hindouistes lors d'une conférence de presse à New Delhi plus de deux mois après les faits. Elle avait dénoncé l'inaction de la police du Kandhamal qui avait refusé de lui porter secours et le gel de l'enquête. Suite à ses révélations et au soutien de l'Eglise, en particulier de Mgr Cheenath, la religieuse, qui avait reconnu ses principaux agresseurs au cours de l'enquête préliminaire, avait obtenu que son procès se tienne à Cuttack et non pas dans le district du Kandhamal où se vie était menacée par les hindouistes. Voir EDA 494, 540
(2) La congrégation des Sœurs de Saint Joseph (SSJ) d'Annecy a été fondée en 1650 par le P. Medaille. Ces religieuses apostoliques sont aujourd'hui 1 400 réparties sur les cinq continents. En Inde, elles sont surtout présentes en Orissa et en Andhra Pradesh.
(3) Le 9 octobre 2010, Tehelka, magazine indépendant et réputé, rapporte la désinformation orchestrée par la presse à propos du contenu des audiences : « Lorsque le P. Chellan [le prêtre agressé le même soir que Sr Meena] témoigne en tant que témoin-clé, l'avocat de la défense l'interrompt pour dire qu'il n'a pas mentionné le mot ‘viol' dans sa déposition. (…). Celui-ci répond que c'est exact parce que « cette seconde déposition concernait ma propre agression et n'avait pas trait au viol ». Les médias locaux et nationaux retranscriront l'échange en une seule ligne : « Le P. Chellan déclare que la religieuse n'a pas été violée ». »
(4) NDTV, 7 décembre 2010 ; The Hindu, 30 juillet, 7 décembre 2010 ; Ucanews, 9 décembre 2010.
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